Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Les enfants, victimes emblématiques des génocides des juifs et des tsiganes

Fiche pédagogique par Martine Giboureau
mercredi 16 mai 2018

Prendre conscience de la spécificité des génocides des juifs et des tsiganes (‘’Shoah’’ et ‘’ Samudaripen’’) décidés, organisés par les nazis.

Les enfants, victimes emblématiques des génocides des juifs et des tsiganes

Pour que les élèves, quel que soit leur niveau, puissent prendre conscience de la spécificité des génocides des juifs et des tsiganes (‘’Shoah’’ et ‘’ Samudaripen’’) décidés, organisés par les nazis, il faut qu’ils aient accès à des informations précises mais aussi qu’ils puissent ressentir émotionnellement ce qu’il s’est passé. Tant que des survivants de la déportation pouvaient venir témoigner dans les classes, cette empathie était facile. La lecture, le visionnage de témoignages peuvent aussi apporter cette charge émotionnelle.
Il semble que, surtout pour les plus jeunes (ce thème est au programme des CM2)
 [1], un travail de recherche sur l’histoire d’enfants (si possible ayant vécu dans la région où se trouve l’établissement) est une approche qui permet de comprendre, de mémoriser les faits et d’acquérir le respect absolu de l’Autre, quelle que soit sa ‘’différence’’.
Cette fiche tente de donner le cadre très général des connaissances nécessaires pour accompagner au mieux les élèves quand l’enseignant « aborde le génocide des Juifs ainsi que les persécutions à l’encontre d’autres populations. » Les ressources choisies sont facilement accessibles par Internet et privilégient celles fournies par notre site.
Les cas les plus connus, comme celui d’Anne Frank ne sont pas abordés ici.
Des livres pour enfants sont présentés dans l’article La Shoah en CM2 : fiches de lecture
La Shoah en CM2 : "L’extermination des juifs et des tsiganes"
La connaissance la plus exacte possible du contexte est indispensable.

I. L’idéologie nazie

Contexte,le nazisme :

Hitler dès Mein Kampf accuse les juifs d’être responsables de la défaite de 1918 et de ce qu’il considère comme les maux de l’Allemagne de Weimar. Après 1933, il impose des discriminations envers les juifs (Lois de Nuremberg 1935) et encourage l’émigration des juifs (toute personne juive revenant sur le territoire allemand était menacée d’une détention à vie dans un camp de concentration).
Les nazis n’ont pas attendu de disposer d’une législation raciale pour persécuter les Tsiganes [2]. Ils parachevèrent la politique de sédentarisation mise en place depuis la fin du xixe siècle en maintenant les Tsiganes dans des camps communaux. Assimilés à des asociaux, les Tsiganes furent ensuite internés dans des camps de concentration.

À partir de 1938, l’antisémitisme devint virulent : « Dans les mois qui menèrent au pogrom de novembre [= Nuit de Cristal], les autorités, incitées par Hitler et d’autres dirigeants nazis, lancèrent un assaut frontal contre les juifs restants »
 [3] : spoliation des entreprises, discrimination légale, attaques contre les personnes et les biens, vagues d’arrestation dès le printemps 1938 en Autriche, rafles à la mi-juin dans l’ensemble du IIIème Reich, pogrom du 9 novembre 1938. « Plus de trente mille juifs de tout âge et de tout milieu furent raflés dans les villages, les communes et les villes d’Allemagne. » [4]
Dès l’été 1938, 15 000 Tsiganes autrichiens furent déportés à Dachau ; 600 d’entre eux ont été transférés à Buchenwald à l’automne 1939. La déportation systématique des Tsiganes prit toute sa dimension avec le décret appelé Auschwitz Erlass, signé par Heinrich Himmler le 16 décembre 1942. Ce décret ordonnait la déportation à Auschwitz de tous les Tsiganes du Reich avant d’être élargi en 1943 aux Tsiganes du Grand Reich [5], habitant l’Autriche, la Pologne, le Nord de la France, le Luxembourg, la Belgique et les Pays-Bas.

Les premières conquêtes et occupations de territoire par les troupes et les polices nazies généralisent à presque toute l’Europe les persécutions antisémites. Si la conférence de Wannsee le 20 janvier 1942 fut décisive, « au cours de la Seconde Guerre mondiale, la recherche nazie d’une Solution finale alla de plans toujours plus mortifères pour parquer les juifs dans des ‘’réserves’’ à l’extermination immédiate. La radicalisation connut plusieurs périodes clefs. […] A la fin de 1941, quelques six cent mille juifs avaient été tués dans le territoire oriental nouvellement conquis. […] A compter de la fin de mars 1942, les déportations d’Europe occidentale et centrale s’étendirent progressivement avec les premiers convois de juifs slovaques et français sélectionnés vers la Pologne occupée. »[KL, une histoire des camps de concentration nazis]]. Un plan de déportations concernant l’Europe entière fut lancé en juillet 1942.

Des enfants sont donc aussi arrêtés, déportés, assassinés pour une grande majorité dès leurs arrivées dans les camps d’extermination ou les camps mixtes comme Auschwitz.
DVD (3) : 2 dvd, Enfants et adolescents dans le système concentrationnaire nazi

Enfants assassinés

La voix de Sabine Zlatin, directrice de la Maison d’Izieu, témoignant au procès de Barbie (qui s’est ouvert le 11 mai 1987) reste dans les mémoires : « Barbie a toujours dit qu’il s’occupait uniquement des résistants et des maquisards, cela veut dire des ennemis de l’armée allemande. Je demande ceci : les enfants, les quarante-quatre enfants, c’était quoi ? C’étaient des résistants ? C’étaient des maquisards ? Qu’est-ce qu’ils étaient ? C’étaient des innocents …  » [6]

II. Les enfants juifs persécutés en France

Chronologie de la Shoah 
Dans une classe l’enseignant peut s’appuyer sur des biographies mises en ligne. Le ‘’classement’’ ci-après permet de cerner les réalités historiques. Il peut sembler préférable de choisir l’étude de vies d’enfants ayant pu construire une existence après la guerre.
En France la majorité était à 21 ans mais l’école obligatoire se terminait à 14 ans (depuis la loi du 9 août 1936). A l’arrivée à Auschwitz-Birkenau on faisait savoir aux arrivants qu’il fallait affirmer avoir plus de 16 ans pour pouvoir ‘’entrer dans le camp’’ (= ne pas être sélectionné immédiatement pour les chambres à gaz). Nous proposons ici donc des biographies de jeunes enfants et d’adolescents. (Les évocations biographiques sont présentées par ordre alphabétique)

  • A. Les enfants arrêtés avec leurs parents

a) Déportés avec leurs parents
Henri Borlant est né le 5 juin 1927 à Paris dans une famille de 10 enfants.. Ses parents venus de Russie ont été naturalisés français avant sa naissance. A la veille de la déclaration de guerre, la famille choisit de fuir Paris et s’installe à Saint-Lambert-du-Lattay, en Maine et Loire. Le jeune Henri est arrêté chez lui le 15 juillet 1942, à l’âge de 15 ans avec son père, sa sœur Denise (21 ans) et son frère Bernard (17 ans). On les a emmenés à Angers et enfermés dans le grand séminaire, et il fut alors séparé de sa sœur aînée et enfermé avec son père et son frère. Henri fut déporté avec son père, son frère et sa sœur le 20 juillet 1942 vers Auschwitz. Son convoi est le seul à être parti d’une grande ville française (Angers) sans transiter par Drancy. Henri écrivit un petit mot pour rassurer sa mère, qu’il lança à travers les interstices du wagon. Un cheminot trouva ce mot et l’apporta à sa mère qui le conserva toujours avec elle, jusqu’au retour d’Henri.
http://liberation-camps.memorialdelashoah.org/reperes/temoignages/henri_borlant.html http://www.shoah-un-parcours-pour-la-memoire.fr/recherches/18-merci-d-avoir-survécu-henri-borlant.html

Sam Braun  : Sam est né à Paris le 25 août 1927 mais a vécu son enfance et le début de son adolescence à Clermont-Ferrand. Ses parents, immigrés, se sont mariés en France, furent naturalisés en 1924 (sa mère venait de Kichinev, actuelle capitale de la Moldavie et son père de Pologne). Le 12 novembre 1943 Sam, ses parents et sa petite sœur sont arrêtés chez eux à 6 heures 30 par des miliciens. Sa grand-mère grabataire est laissée seule dans l’appartement. Sa sœur et son frère aîné, absents de l’appartement, ont pu échapper à l’arrestation.
Sam et les siens sont emprisonnés une quinzaine de jours. Ils sont ensuite transférés à Drancy, par train, dans un compartiment de voyageurs. Le 7 décembre 1943 la famille Braun est emmenée par bus à la gare de Bobigny puis enfermée dans un wagon à bestiaux (convoi n°64). Ils arrivent à Birkenau sur “ le premier quai relativement éloigné des chambres à gaz ” (nous sommes en 1943, la “ rampe ” n’est pas encore construite). La sélection le fait entrer seul à Auschwitz III-Buna-Monowitz.
Personne ne m’aurait cru, alors je me suis tu, Sam Braun

Maurice Cling  : Maurice a été élevé dans le « cocon » familial, particulièrement protégé et choyé par sa mère. L’Occupation et les lois antisémites obligent son père à abandonner son magasin de tailleur-fourreur pour travailler « illégalement » à domicile. Maurice Cling a été arrêté dans sa classe de 4ème à Paris, à l’Ecole Lavoisier, dans le 5e arrondissement, le jour de son quinzième anniversaire, le 4 mai 1944.
C’est avec son frère aîné, Willy, âgé d’à peine 17 ans, sa mère, Simone, 41 ans et son père, Jacques, 50 ans, immigré de longue date, d’origine roumaine, naturalisé français, ancien combattant volontaire de la Grande Guerre, plusieurs fois décoré, qu’il est interné à Drancy puis déporté le 20 mai 1944 par le convoi n°74.
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article244 + http://www.cercleshoah.org/spip.php?article84

Nadine Heftler : née le 22 juillet 1928, Nadine Heftler, élève de troisième, se consacre à ses études au lycée de jeunes filles de Lyon. Le 13 mai 1944, suite à une dénonciation, elle est arrêtée avec son père et sa mère. Parce que Juifs, ils sont conduits à la prison de la ville puis à Drancy. Le 30 mai 1944, commence un très éprouvant voyage à destination d’Auschwitz-Birkenau où son père est assassiné, dès l’arrivée, comme l’immense majorité des déportés du convoi. http://www.cercleshoah.org/spip.php?article440 + http://www.cercleshoah.org/spip.php?article119

Gilbert Michlin  : Le père de Gilbert Michlin, Moshe-Meyer (Maurice) Michlin, professeur d’hébreu, travaille comme coupeur de casquettes. La fabrique de casquettes Elina est fermée du fait de l’aryanisation imposée par l’occupant et le père de Gilbert Michlin, mis au chômage, doit accepter, au printemps 1941, d’aller travailler comme bûcheron dans le camp de travail de Belin-Joué, en Gironde, à 40 km au sud de Bordeaux. Le 24 décembre 1941, il est interné, sur ordre des autorités allemandes, par des gendarmes français dans le camp de Mérignac-Beaudésert puis transféré dans les Ardennes, à Bulson. C’est là qu’il est arrêté le 5 janvier 1944, interné à Drancy et déporté le 20 janvier 1944 par le convoi 66, et gazé à Auschwitz. Un mois après, restés sans protection, dans l’ignorance de son arrestation, sa femme et son fils, à la veille de son dix-huitième anniversaire, sont à leur tour arrêtés, par des policiers français, à leur domicile, dans la nuit du 3 au 4 février 1944. Prié de retourner chez lui, sous la garde d’un policier, pour y chercher deux couvertures, Gilbert aurait pu alors s’évader, mais l’idée de laisser sa mère en otage lui était insupportable. Il revint et ils furent déportés de Drancy par le convoi 68, le 10 février 1944. Sa mère âgée de 49 ans est emmenée vers le Krematorium de Birkenau dès son arrivée.
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article122&lang=fr

Sarah Montard  : Sarah Lichtsztejn-Montard, est née le 16 mars 1928 en Pologne. Ses parents et elle immigrent en France en 1930. Ils vivent à Paris, dans le XXe arrondissement, un quartier très pauvre. La mère de Sarah est couturière ; son père, un intellectuel, fait des petits boulots, sans être déclaré, et est souvent expulsé de France où il revient clandestinement. Sarah entre à l’école communale puis au lycée. C’est une bonne élève. Pendant la seconde guerre mondiale, Sarah est arrêtée avec sa mère, une première fois, le 16 juillet 1942. Elles sont emmenées au Vél’ d’Hiv’ d’où elles s’évadent. Elles sont cachées dans Paris où se cache également le père de Sarah, arrêté en juillet 1941 et évadé du camp de Pithiviers (Loiret). Sarah et sa mère sont de nouveau arrêtées, sur dénonciation, le 24 mai 1944 et déportées à Birkenau le 30 mai.
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article443
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article173

Denise Toros-Marter : du côté de son père, Lucien Marter, la famille venait d’Alsace (Haguenau) et avait choisi Marseille et la France en 1870, du côté de sa mère, Marcelle Tubiana, la famille était originaire d’Afrique du Nord, et avait quitté l’Algérie, dans le contexte de violences antisémites de la fin du 19ème siècle. La famille Marter, qui vit à Marseille, est victime d’arrestations ciblées le 13 avril 1944 : ils sont transférés au siège de la Gestapo, puis à la prison des Baumettes et, conduits par train, via la gare de marchandises d’Arenc, au camp de Drancy. Ils sont déportés, le 20 mai 1944 à Auschwitz-Birkenau. Denise a seize ans. Immatriculée A 5556, douchée et habillée de « vêtements grotesques », elle arrive épuisée, au terme de seize heures de voyage et d’attente, à plus de minuit, dans le block 31, block de quarantaine.
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article210

Simone Veil  est née en 1927. La famille Jacob est aisée, son père est architecte. Elle est la petite dernière de quatre enfants. Simone Veil vit son enfance à Nice. Le 9 septembre 1943, la Gestapo débarquait en force à Nice... La famille se procure rapidement de fausses cartes d’identité avant de s’éparpiller : les parents chez un ami, Simone et sa sœur Milou chez des professeurs dans le même immeuble, son frère Jean chez un autre couple. Simone continue ses études à domicile. Elle est arrêtée dans la rue avec des amis lors d’un contrôle d’identité le 30 mars 1944. Sa mère, sa sœur et son frère sont aussi arrêtés le même jour. Le 7 avril ils prennent le train pour Drancy. Le 13 avril 1944 Simone, sa mère et sa sœur Milou sont embarquées à cinq heures du matin : gare de Bobigny, wagons à bestiaux et le 15 avril au soir elles arrivent à Auschwitz-Birkenau. Simone Jacob devient le matricule 78 651. http://www.cercleshoah.org/spip.php?article117&lang=fr

b) arrêtée avec ses parents mais déportée seule  
Denise Holstein est née à Rouen, le 6 février 1927, dans un milieu aisé et cultivé. Son père Bernard Holstein, ancien combattant des deux guerres et officier de réserve, est chirurgien-dentiste dans le centre ville. A la déclaration de guerre, les deux enfants Holstein sont scolarisés : Denise est élève au lycée Jeanne d’Arc et son frère Jean au lycée Corneille. Denise et ses parents sont arrêtés, parce que juifs, dans la rafle du 15 au 16 janvier 1943 et internés à Drancy. Bernard et Juliette Holstein sont déportés par le convoi n°62 du 20 novembre 1943 à Auschwitz où ils sont assassinés à leur arrivée ; Denise a été déportée avec les enfants de Louveciennes par le convoi n°77 du 31 juillet 1944 à Auschwitz-Birkenau, puis évacuée à Bergen-Belsen.
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article118
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article293

c) les enfants de prisonniers de guerre déportés avec leur mère
En mai et juillet 1944, venant du camp de Drancy, 258 femmes et enfants juifs de prisonniers de guerre arrivent au camp de concentration de Bergen-Belsen.
Bien qu’internés depuis 1942 pour certains, ils avaient été jusque-là considérés comme "non déportables" en vertu de la Convention de Genève qui protégeait les militaires prisonniers et leurs familles. Ils deviennent, au camp de l’Etoile, dans l’immense complexe concentrationnaire de Bergen-Belsen, des otages, que les Nazis pensent pouvoir échanger contre certains de leurs prisonniers des Alliés, contre de l’argent ou du matériel.
Àl’arrivée au Camp de l’Etoile les conditions matérielles des otages, échangeables, sont un peu meilleures que celles des autres détenus des différents camps du complexe de Bergen-Belsen. On leur donne un peu de nourriture, ils gardent leurs propres vêtements. Les mères sont employées dans des ateliers travaillant le cuir ou des cocons de vers à soie. Les enfants sont oisifs.
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article18

Albert Bigielman  est né le 1er novembre 1932 à Paris ; il a vécu à Ménilmontant. Ses parents sont venus d’un shtetl de Pologne. Sa mère ne parle que le yiddish. Son père est repasseur. Le père d’Albert s’est engagé dans la légion étrangère en septembre 1939 et a été fait prisonnier au printemps 40. Albert est arrêté une première fois, avec sa mère, le 17 juillet 1942 lors de la rafle du Vél’ d’hiv’. Parce que son père est prisonnier de guerre, ils sont renvoyés chez eux. Sa mère et lui sont arrêtés de nouveau le 4 février 1944, ils passent par Drancy. Ils sont ensuite transférés entre le 2 et 4 mai 1944, dans des voitures de troisième classe jusqu’à Bergen-Belsen, dans le « camp de l’étoile » avec deux cent quatre vingt femmes et enfants de prisonniers de guerre.
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article437
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article47

Francine Christophe née en 1933, est issue d’une vieille famille bourgeoise française. Francine est fille de prisonnier de guerre. Elle a huit ans et demi lorsqu’elle est arrêtée avec sa mère en essayant de passer la ligne de démarcation, en Charente, le 26 juillet 1942 : elles sont envoyées à la prison d’Angoulême. Elles rejoignent le camp de Poitiers en autocar. Là, juifs et Tsiganes sont gardés par des gendarmes, il n’y a pas d’Allemands. Quelques jours après, elles sont conduites en wagon à bestiaux à Drancy. Puis elles sont transférées, en wagon à bestiaux accroché à un train de voyageurs, à Pithiviers pour 3 semaines. Elles sont envoyées en wagons à bestiaux à Beaune-la-Rolande. Elles restent 9 mois dans ce camp. Le père depuis son Stalag en Allemagne écrit partout en vain pour les faire libérer. Le 21 juin 1943, elles retournent à Drancy en wagons à bestiaux. Elles y restent 11 mois. Francine a été déportée en mai 1944 avec sa mère et d’autres femmes et enfants de prisonniers de guerre français, juifs. Ils deviennent des « juifs d’échange » à Bergen-Belsen.
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article62

Victor Pérahia un cas particulier Victor, né le 4 avril 1933 à Paris, est arrêté à Saint Nazaire avec ses parents, le 15 juillet 1942 par les Feldgendarmen. Son père Robert, de nationalité turque, engagé volontaire, avait été fait prisonnier mais avait été libéré car la Turquie était neutre. Toutefois son père fut ensuite arrêté à Saint Nazaire où il était assigné à résidence, et déporté d’Angers par le convoi n° 8 du 20 juillet 1942 à Auschwitz. Victor et sa mère Jeanne, âgée de 35 ans, sont internés au camp de La Lande à Monts (Tours) puis transférés à Drancy le 5 septembre 1942. Là, sa mère trompe les Allemands en se prétendant femme de prisonnier de guerre. Victor est donc déporté à Bergen-Belsen, à partir de la gare de l’Est avec sa mère par le convoi 80 du 2 mai 1944.
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article97

d) Hors de France :
Izabela Choko est née à Lodz, le 18 septembre 1928, de parents juifs polonais, Hersz-Motel Sztrauch et Jenta Galewska. Ils étaient pharmaciens. Fille unique, très entourée et choyée, elle a été enfermée, avec toute sa famille, dans le ghetto de Lodz, dès le début de l’occupation militaire allemande, en 1940. Elle a été contrainte de porter deux étoiles jaunes et de travailler, à 11 ans, ainsi que sa mère dont la pharmacie avait été confisquée. Elle a vu son père, à bout de forces, mourir en février 1942. Pour tenter d’échapper à la déportation, sa mère et elle se sont cachées mais elles ont été découvertes et déportées à Auschwitz-Birkenau, en août 1944, puis dans le camp de travail de Celle, près de Hanovre, et dans le camp-mouroir de Bergen-Belsen http://www.cercleshoah.org/spip.php?article438 + http://www.cercleshoah.org/spip.php?article104&lang=fr

Ceija Stojka, tsigane autrichienne. Née le 23 mai 1933, Ceija, cinquième d’une fratrie de six enfants, est issue des Lovara, une longue lignée de marchands de chevaux originaires de Hongrie mais installés en Autriche depuis plusieurs siècles. La famille de Ceija ne se sédentarise que lorsqu’elle y est contrainte par les lois consécutives à l’Anschluss : son père transforme la caravane en cabane de bois. Après l’arrestation du père et des mois de caches, les Stojka sont arrêtés, déportés à Auschwitz où ils sont enregistrés le 31 mars 1943 et détenus dans la section B-II-e dite ‘’Camp des familles tsiganes’’. Déportée à l’âge de dix ans avec sa mère et ses frères et sœurs, Ceija a connu trois camps de concentration, Auschwitz-Birkenau, Ravensbrück, Bergen-Belsen.
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article594

L’histoire de Ceija me parait particulièrement pertinente pour une étude avec des élèveshttp://www.cercleshoah.org/ecrire/?exec=article_edit&id_article=673# car :
. il s’agit d’une ‘’Tsigane’’, or il y a peu de témoignages de déportés issus de cette communauté. De plus plusieurs ouvrages écrits par Ceija, traduits en français, sont disponibles ; des extraits sont facilement lisibles par des élèves.
. Ceija a construit bien après la guerre une œuvre picturale [7] de très grande qualité, très expressive qui ne peut que toucher les élèves, surtout les plus jeunes.

  • B. Enfants, adolescents déportés seuls.

Addy Fuchs est né, le 26 février 1926 à Paris, de parents polonais. Son père est tailleur à domicile. Ses parents sont naturalisés français en 1929. Addy a fréquenté l’école de la rue Martel, puis le lycée Colbert. Le 26 juillet 1942, il est arrêté à Vierzon en voulant franchir la ligne de démarcation avec de faux papiers. Transféré à Pithiviers, puis à Drancy, il est renvoyé à Pithiviers où il reste dans la baraque 14 avec un groupe de jeunes de 15 à 18 ans. Déporté le 21 septembre 1942, par le convoi 35, Addy et ses copains songent à s’évader mais les autres occupants du wagon les en empêchent. A l’arrêt du train à Cosel, il se faufile parmi les deux cents hommes âgés de 16 à 40 ans sélectionnés pour le travail. Il est envoyé à Blechhammer, camp de travail forcé pour Juifs.

Ida Grinspan est née le 19 novembre 1929 à Paris, de parents juifs polonais, de nationalité française par déclaration volontaire de ses parents ; elle a un frère né en 1924. En juin 1940, a lieu l’exode. Ses parents décident de l’envoyer à la campagne dans une famille de paysans pour la mettre à l’abri des bombardements. Elle vit dans un village des Deux- Sèvres, à 30 km de Niort, dans le hameau de Lié, par Melle, et fréquente l’école de Sompt. Dans la nuit du 30-31 janvier 1944, peu après minuit, elle est arrêtée par trois gendarmes français. Elle a 14 ans. La nourrice proteste, mais on la menace de prendre son mari. Ida est conduite au dépôt, à Niort, puis le 2 février 1944, en wagon de voyageurs, à Drancy, où elle reste une semaine. Elle est déportée vers Auschwitz par le convoi n°68, le 10 février 1944. Le 16 juillet 1942, sa mère avait été arrêtée, lors de la rafle du Vél’ d’hiv’, mais son père et son frère avaient pu se cacher. Son père Jankiel Fensterszab, fut déporté ultérieurement, par le dernier convoi, le convoi n° 77, celui du 31 juillet 1944. Les deux parents d’Ida ont été assassinés à Auschwitz. http://www.cercleshoah.org/spip.php?article60

Jacqueline Houly : Jacqueline est née à Boulogne le 5 octobre 1930. Ses parents étaient originaires de Smyrne (aujourd’hui Izmir), dans l’ancien Empire ottoman. En 1925, ils avaient quitté le nouvel État turc pour la France. Ses parents étaient domiciliés à Versailles où est née sa sœur Marcelle le 1er août 1932. Le 17 mai 1944, la Gestapo de Maisons-Laffitte organise une rafle. Arrêtées par la Gestapo au lycée La Bruyère de Versailles où elles sont scolarisées, Jacqueline et sa sœur Marcelle, sont emmenées au commissariat de police. Les deux sœurs (13 ans et demi et 11 ans) sont déportées le 30 juin 1944 à partir de Drancy par le convoi 76, à Auschwitz-Birkenau. Marcelle est « sélectionnée » pour la chambre à gaz dès l’arrivée.
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article397

Esther Sénot : Esther est née le 15 janvier 1928 à Kozieniece, en Pologne. Nachim Dzik et Gela, ses parents, sont arrivés en France en 1928 et habitaient Belleville. Ils avaient sept enfants. La naturalisation leur a été refusée en 1934. Le 17 juillet 1942 ses parents ont envoyé Estger faire le tour des membres de la famille pour savoir qui avait échappé à la rafle. Tous avaient disparu, emmenés au Vél’ d’Hiv’ ou en fuite. Quand elle est rentrée chez elle, ses parents et son frère de 11 ans, avaient été arrêtés. Une concierge qu’Esther connaissait a trouvé un passeur pour lui permettre de rejoindre son frère Maurice qui habitait Pau en zone non-occupée. En novembre 1942, quand les Allemands ont envahi la zone non-occupée, son frère a décidé de s’engager dans les armées de la France Libre. Esther a alors regagné Paris où elle s’est retrouvée isolée. Elle trouve de l’aide au foyer de l’UGIF, rue Vauquelin, les responsables lui fournissant pendant plusieurs semaines des adresses de familles qui acceptaient de l’héberger pour deux ou trois nuits, pas plus pour éviter d’être repérées. Puis elle a trouvé un abri dans le foyer de la rue Paul Albert. Elle ne portait pas "l’étoile" mais elle subit un contrôle à une station de métro. Son nom fut retrouvé sur les listes qui avaient servi à l’arrestation de ses parents et elle a été envoyée à Drancy le 24 août 1943. Esther a été déportée par le Convoi 59 du 2 septembre 1943. Elle était plutôt grande pour ses 15 ans et a échappé à la sélection sur la Judenrampe.
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article298

- Le cas particulier et tellement dramatique des enfants de Pithiviers et Beaune la Rolande :
Suite à la rafle du Vél’ d’Hiv’ des 16 et 17 juillet 1942, les familles ont été disloquées : les hommes, séparés des femmes, sont déportés, puis les mères sont arrachées à leurs enfants avec une grande brutalité par des gendarmes et déportées à leur tour. Les Allemands n’avaient pas prévu de déporter les enfants de moins de 16 ans. Laval pose la question aux Allemands, sous prétexte de "regroupement familial". Un télex indique que "les enfants peuvent être peu à peu répartis dans les convois prévus pour Auschwitz". Les enfants à leur tour sont transférés au camp de Drancy et déportés vers Auschwitz-Birkenau où ils sont assassinés. http://www.cercleshoah.org/spip.php?article346
Les camps du Loiret jouent un rôle clé dans les déportations des « raflés du Vél d’Hiv », puisqu’y sont acheminées les familles, de 7.600 à de 7.800 personnes – alors que les adultes raflés sans enfants sont enfermés à Drancy. Dans un premier temps, les familles sont internées à Beaune-la-Rolande et Pithiviers. En juillet, août et septembre 1942, les internés juifs subissent l’insuffisance du ravitaillement, la saturation des installations d’hygiène, le manque de soins élémentaires, les épidémies, et pire que tout l’éclatement des familles dans le processus de déportation. En effet des internés sont déportés par quatre convois, qui partent directement pour Auschwitz, du 31 juillet au 7 août (n° 13 à 16), puis le 21 septembre. Ces convois comportent beaucoup de femmes et d’adolescents, mais pas les enfants plus jeunes. Car ceux-ci, après avoir été arrachés à leurs mères et après les avoir vues partir les premières, sont maintenus dans les camps du Loiret, en attendant que le gouvernement de Pierre Laval et les nazis se mettent d’accord sur leur sort. Les plus jeunes savent à peine leur nom. Ces enfants sont ensuite pour la plupart transférés à Drancy (les 15 et 22 août pour ceux de Pithiviers – 1.833 enfants dans 2 convois totalisant 2.482 transférés, et les 19 et 25 août pour ceux de Beaune-la-Rolande – 1.164 enfants dans 2 convois de 1.564 transférés en tout) ; et ils sont, à leur tour, déportés à Auschwitz, essentiellement par les convois 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 34, 36, en août et septembre 1942, au départ de Drancy donc. Ceux qui sont restés dans le Loiret partent, eux aussi pour Auschwitz, par le dernier convoi direct depuis la gare de Pithiviers, le n° 35 en date du 21 septembre 1942 : 1.000 à 1.007 déportés, dont au moins 462 femmes et 163 enfants de moins de 18 ans, dont la plus jeune a 2 ans.
http://jewishtraces.org/campsduloiret/

  • C. Les enfants arrêtés en groupe, déportés avec leurs moniteurs/monitrices

a) Le témoignage d’Yvette Lévy, responsable de la protection d’enfants à « l’Orphelinat » rue Lamarck dans le 18ème, ancien hospice appartenant à la famille Rothschild et transformé en maison d’enfants de l’UGIF. Afin de mettre les enfants de parents déportés en sécurité, il faut leur fabriquer des actes de baptême, des faux papiers d’identité afin d’obtenir des cartes d’alimentation et les soigner. Il faut aussi trouver des lieux d’accueil avant de les cacher en zone sud. En 1944, il n’est plus possible de se déplacer avec les enfants car les laissez-passer ont été supprimés. Les plus âgées du groupe s’installent rue Copernic dans le 16ème, à deux pas du siège de la Gestapo rue Lauriston.
Après le bombardement de Noisy en avril 1944, la famille d’Yvette, se retrouve sans logement et vient s’installer à Paris ; Yvette va dormir dans la maison d’enfants rue Vauquelin dans le 5ème où sont hébergées des orphelines âgées de 13 à 20 ans. Dans la nuit du 21 au 22 juillet 1944, en représailles à des actes de résistance contre la division Das Reich appelée en renfort sur le front de Normandie, Brunner fait cerner toutes les maisons d’enfants. Yvette et les 32 autres adolescentes de la rue Vauquelin sont emmenées à Drancy. Le 31 juillet, elles sont transférées, dans des wagons à bestiaux, à Birkenau par le dernier grand convoi parti de Bobigny. Sur les trente-trois, vingt-trois sont envoyées directement à la chambre à gaz avec 976 personnes dont 300 enfants de moins de 18 ans.
Seules Yvette et neuf de ses camarades sont rentrées de l’enfer des camps en mai 1945.
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article155

b) Les enfants d’Izieu : En avril 1943 Sabine Zlatin et son mari cherchent une maison en zone d’occupation italienne (autorité italienne plus ‘’tolérante’’ que l’occupant allemand) pour installer les enfants juifs qu’ils protégeaient. Le sous-préfet de Belley, Pierre-Marcel Wiltzer, réquisitionne une maison vide à Izieu et procure lits, couvertures, matériel de cuisine, tables, bancs … Le 6 avril 1944 il restait quarante-quatre enfants que Sabine et son mari voulaient disperser. Sabine pour cela prit contact avec l’abbé Prévost lors d’un voyage à Montpellier : celui-ci, directeur de l’institution Saint-François-Régis accepte de prendre une vingtaine de garçons. Sabine a prévu de prendre le train le 6 avril au soir pour retourner à Izieu mais un télégramme arrive chez son amie Berthe Weber à midi : « Famille malade. Maladie contagieuse. » En effet, ce jeudi 6 avril 1944, Klaus Barbie et ses hommes de la Gestapo raflent les quarante-quatre enfants et les six adultes, membres du personnel, Léa, Lucie, Mina/Marie (accompagnée de sa petite fille Lucienne) les monitrices, Sarah-Suzanne, la doctoresse avec son fils Claude et ses parents, Moïse et Mova/Eva ainsi que le directeur, Miron. [l’orthographe des noms et prénoms varie selon les sources]. Sabine le soir du 6 avril part à Vichy pour alerter les services gouvernementaux. On lui répond : « Pourquoi vous occupez-vous de ces sales youpins ? Adressez-vous au chef de la milice ». À la Milice, on la menace de l’arrêter si elle insiste. Les enfants, le personnel d’encadrement sont transférés à Montluc puis Drancy. Miron, Arnold Hirsch et Théo Reiss/Théodore Reis (dix-sept et seize ans) sont déportés le 15 mai 1944 par le convoi n° 73 vers les Pays Baltes et sont fusillés le 31 juillet 1944 à Reval (aujourd’hui Tallinn) alors que les Soviétiques approchent. Les quarante-deux autres enfants et cinq adultes arrivent à Auschwitz et y sont exterminés à l’exception de Léa.http://www.cercleshoah.org/spip.php?article669

Lyon : 75 enfants juifs de 4 mois à 14 ans, ont été raflés par la Gestapo et la police française, séparés de leurs parents, séquestrés en 1944 au sein de l’hôpital de l’Antiquaille, Esplanade Saint Pothin, dans le 5e arrondissement de Lyon. 48 de ces enfants ont été déportés.

  • D. Les enfants cachés et sauvés jusqu’à la Libération

Devant l’ampleur des arrestations, devant le fait que très peu de déportés juifs soient revenus à la Libération, on oublie que beaucoup de juifs en France ont pu être protégés, ont pu échapper aux arrestations.
Persécutions et entraides dans la France occupée, Jacques Sémelin

Jeannette Dreyfuss  : Le père de Jeannette, juif polonais arrivé en France en 1925, impliqué dans la Résistance dès sa démobilisation en 1940, décide de se séparer de sa femme et sa fille unique pour les protéger. Jeannette est alors confiée à une nourrice puis à un couple âgé. A partir du mois d’octobre 1942, elle est inscrite à l’Institut Notre-Dame à Versailles sous le nom de Jeannette Jouriste. Pendant ce temps, dès juillet 1942, la mère de Jeannette est accueillie au château de Saint-Ange à Villecerf (Seine-et-Marne) « officiellement » en tant que gouvernante s’occupant des quatre enfants du couple de Roys, les propriétaires du château. Quand la mère de Jeannette exprime le désir d’avoir auprès d’elle sa fille, le marquis et sa femme donnent leur accord sans tenir compte du danger que pourraient représenter d’éventuels bavardages d’une très jeune enfant. Jeannette arrive au château Saint-Ange le 10 mai 1943. Une vie très protégée et entourée de respect et d’affection commence pour Jeannette. Le 4 août 1944 (donc après le débarquement du 6 juin), le marquis de Roys, résistant, est arrêté à son domicile, suite à une dénonciation, par des Allemands accompagnés de miliciens qui lui reprochent ses activités de résistant mais ignorent qu’il cache deux juives. Par précaution (peur d’une nouvelle dénonciation), Jeannette ne sort plus de la chambre. Début septembre, Jeannette et sa mère reprenant leurs véritables identités, quittent Saint-Ange et retournent à Paris. Le père de Jeannette avait été arrêté, assassiné par la Gestapo à Lyon en avril 1944. Le marquis de Roys est mort en déportation au camp d’Ellrich
Libération des enfants cachés : un exemple dans le Sud seine-et-marnais

Arlette Testyler : Arlette Reiman-Testyler est née le 30 mars 1933, à Paris, de parents juifs polonais : Abraham Reiman et Malka Zolwker, elle a une sœur aînée, Madeleine, née en 1931. Son père est artisan fourreur dans le quartier du Marais, il s’est engagé dans l’armée, à la déclaration de guerre, mais il est arrêté comme Juif étranger dans la rafle dite du billet vert, le 14 mai 1941. Puis il est interné dans le camp de Pithiviers et déporté à Auschwitz, où il est assassiné. La petite fille est d’abord victime des persécutions à caractère antisémite avant d’être arrêtée, à l’âge de 9 ans, dans la rafle du Vél’ d’Hiv’ (16 juillet 1942) opération dite « Vent printanier ». Elle est internée dans le camp de Beaune-la-Rolande, mais s’évade avec sa mère et sa sœur du train qui les reconduit à Paris. Elles arrivent chez une amie, Pauline Pint, mère de la petite Lili, et par son intermédiaire, partent se cacher en Touraine. Arlette Testyler devient, ainsi que sa sœur, une enfant cachée par Jean et Jeanne Philippeau, famille très pauvre, lui savetier, elle s’occupant des cinq enfants qu’ils hébergent (dont quatre enfants juifs), et qu’ils prennent en affection. Les problèmes sont multiples : se ravitailler, ne pas se faire repérer, il faut cacher son nom (d’autant que l’armée allemande occupe un bâtiment juste en face de la maison de Vendôme), fréquenter le patronage. Leur mère loue ses services de cuisinière "alsacienne" ou de couturière dans les fermes. Elles apprendront que le curé de la paroisse a été dénoncé mais elles échapperont à l’arrestation, après avoir vécu la fin de l’occupation dans des champignonnières.

Arlette Testyler, vidéo pour les élèves
Arlette Reiman-Testyler
Les enfants aussi ! Témoignages d’Arlette et Charles Testyler

De très nombreux sites présentent des témoignages du retour des camps. On retrouve un certain nombre des témoins présentés dans cet article au lien suivant : http://liberation-camps.memorialdelashoah.org/reperes/temoignages/victor_perahia.html

  • A. Les enfants revenus des camps
    Les enfants déportés de France ou dans l’Europe occupée constituent un ensemble spécifique dans l’histoire des camps de concentration et d’extermination. Les enfants internés en ghettos et en camps, qu’ils soient juifs ou tsiganes, privés de droits élémentaires, comme l’éducation et la santé, ont dû tout endurer de ce qui relève d’un crime contre l’humanité : affamés, humiliés, battus, exploités par des travaux forcés, subissant des expériences médicales … S’ y ajoutèrent pour les enfants et adolescents rescapés, la rupture brutale des liens familiaux. Les jeunes déportés de France, par mesure de répression, âgés de moins de 18 ans, sont 2508, à 93% des garçons, et 53% sont rentrés. A leur retour, les séquelles sont multiples et la reconstruction toujours difficile demande une grande détermination : il faut se refaire une santé, commencer ou reprendre des études interrompues, parfois s’exiler pour retrouver un membre éloigné de sa famille. Les traumatismes liés à la déportation perdurent et ne seront en partie surmontés qu’avec l’engagement dans une vie familiale, professionnelle et associative ou le témoignage par la parole, l’écriture, le dessin. http://www.cercleshoah.org/spip.php?article364&lang=fr

1) Orphelins de père et de mère
Sam Braun  : Début juillet 1945 Sam rentre au Bourget par avion sanitaire où il vit douloureusement le fait qu’il n’y ait personne à son arrivée - sauf un bus de la RATP qui le conduit à un cinéma ... pour un interrogatoire d’un agent du contre-espionnage ! Il ne rencontre qu’indifférence, silence, gêne, voire suspicion. Resté trois jours au Lutetia, il retrouve son frère et sa sœur aînés... et s’enferme alors dans sa coquille, faisant tout pour occulter sa déportation : il entre dans un silence de 40 ans !
Sam a 18 ans ; il doit retrouver sa forme physique et est hospitalisé. Il passe ses deux bacs et fait des études de médecine. Mais surtout, il doit dépasser sa culpabilité d’être survivant alors que ses parents et sa petite sœur ont disparu, accepter ses origines juives (il
cachait son numéro et a failli faire enlever son tatouage), vivre avec l’indifférence des autres.
Ce sont des défis tellement lourds à surmonter sans l’aide du moindre psychologue, que Sam est passé par la dépression et l’alcoolisme. Mais il a construit une famille et a su ne pas laisser de place à la haine. Personne ne m’aurait cru, alors je me suis tu, Sam Braun
Isabelle Choko : orpheline et ayant changé de pays
A la libération du camp, Isabelle part en Suède et se rétablit à l’hôpital de Nörkoping. Au début de 1946, Isabelle quitte la Suède pour la France où elle est accueillie par la famille de son oncle. La « deuxième vie » (en reprenant le titre de son livre) d’Isabelle Sztrauch, devenue Isabelle Choko par son mariage, se partage entre sa vie de famille (enfants, puis petits-enfants et arrières petits-enfants) et des activités multiples dans le domaine professionnel – mais elle a été aussi championne de France d’échecs. Elle écrit son livre par besoin de témoigner, et y adjoint une partie pour répondre aux nombreuses questions de ses auditoires sur la reconstruction de sa vie après l’effroyable expérience du ghetto et des camps de concentration. http://www.cercleshoah.org/spip.php?article104&lang=fr
Maurice Cling : Le 19 avril 1944 Maurice subit une évacuation en train de voyageurs d’abord, puis à pied vers les Alpes, et enfin, après maints allers et venues, connait la libération par les Américains à Mittenwald (en Haute Bavière, à 100 km au sud de Munich). Puis, c’est enfin le retour à Paris à l’hôtel Lutetia le 18 mai, juste un an après son arrestation - Maurice pesait au maximum 28 Kg. Il est le seul rescapé de sa famille : ses parents, son frère sont morts en déportation. A Paris, il retrouve ses grands-parents, sa tante et son cousin qui n’ont pas été déportés. Par la suite, Maurice a eu quatre fils, il est devenu professeur d’anglais universitaire, spécialiste de linguistique. http://www.cercleshoah.org/spip.php?article84&lang=fr
Ida Grinspan a été libérée par les Américains, puis des Soviétiques sont arrivés, elle se trouve à la jonction des deux armées sur l’Elbe. Ida a été conduite à l’hôpital en brouette. Puis elle est emmenée en brancard en France le 30 mai 1945. Elle est rapatriée en avion. Ida doit retourner à l’hôpital Brousset à Paris où elle retrouve son amie Claudine, déportée à Auschwitz comme elle. Elle retrouve aussi son frère alors qu’elle est encore hospitalisée.
Lorsqu’elle sort de cet enfer, Ida a 15 ans et demi. Ida n’a jamais su comment son père et sa mère étaient décédés suite à leurs déportations. Ida reste très marquée, autant physiquement que moralement. Elle s’est mariée et a eu une fille. http://etab.ac-poitiers.fr/coll-Truffaut-chef-boutonne/IMG/pdf/Ida_Grinspan.pdf

Nadine Heftler : Ses parents sont morts en déportation (sa mère a été avec elle jusqu’à sa ‘’sélection’’ = son envoi à la chambre à gaz le 14 octobre 1944). Nadine est ‘’libérée’’ le 2 mai 1945. Elle a 16 ans ½. A l’hôtel Lutetia elle trouve une cousine qui la conduit chez une grand-tante. Elle pèse 36 kgs pour 1,60 m. Elle est prise à charge moralement par sa famille ‘’adoptive’’, Andrée et Marcel Deker qui avaient été des amis de ses parents. Elle reprend des études (interrompues à plusieurs reprises pour des soins) et devient médecin. Voir

Denise Holstein est libérée le 15 avril 1945 par les Britanniques. Elle est rapatriée de Bergen-Belsen à Paris en cinq jours, en camions militaires puis en train. Elle arrive à la gare du Nord et va chez sa grand-mère où l’espoir de revoir son père s’effondre, ce qui est un choc terrible. Elle éprouve de grandes difficultés à se faire comprendre même en famille. Elle connait un séjour bénéfique chez les Samson à Cayeux-sur-Mer et se met à l’écriture pour raconter sa déportation. Mais elle est en mauvais état physique : fatigue, inquiétude, incapacité à se concentrer, à lire, dysenterie … Denise connait des difficultés de réadaptation : elle n’oublie rien, mais se ferme et se tait. Elle doit aussi faire face à des difficultés matérielles d’où la nécessité de travailler, dès son retour.
http://www.cercleshoah.org/IMG/pdf/Denise_Holstein.pdf
Gilbert Michlin, le 3 mai 1945, au terme d’une seconde marche de la mort en direction de Lübeck, est libéré près de la ville de Schwerin, dans le Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, en zone libérée par les Soviétiques. Rentré seul après la mort de ses deux parents déportés, il retrouve son appartement vide, est sans travail, mais il se tait et, pour se refaire une vie, avec l’aide d’un cousin, côté paternel, il décide d’émigrer aux Etats-Unis où il reprend des études et devient ingénieur-mathématicien, travaillant pour IBM-Europe.
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article122

Esther Senot : Le 5 mai 1945 le camp de Mauthausen est libéré par la 11ème division blindée US. Grâce à l’aide de prisonniers de guerre français, Esther et son amie Marie sont hospitalisées dans un ancien couvent-hôpital militaire pour blessés SS et soignées du typhus par les Américains. Le 28 mai 1945, Esther est rapatriée par un avion militaire à Villacoublay. Elle a 17 ans, elle se retrouve à l’hôtel Lutetia, mineure, seule. Elle pèse seulement 32 kilos quand elle revient en France. Sur les 17 membres de sa famille déportés, Esther Senot est la seule survivante : ses parents, sa sœur Fanny, ses deux frères, Achille et Marcel, sont morts à Birkenau. Esther Senot a vécu une longue dépression, fait une tentative de suicide ("à l’époque, il n’y avait pas de cellules psychologiques pour nous !"), subit "l’indifférence générale" (ce sont ses mots) envers le sort des juifs dans une France en reconstruction , a connu de grandes difficultés à s’insérer dans la vie active...
https://www.francebleu.fr/infos/societe/nantes-le-temoignage-poignant-d-esther-senot-rescapee-d-auschwitz-devant-les-lyceens-1515692834

2) Retrouvant un parent au moins à leur retour

Henri Borlant, fin octobre 1944, est évacué vers l’Allemagne à l’approche de l’armée soviétique, à Oranienburg-Sachsenhausen, puis Buchenwald, Ohrdruf. Henri réussit à s’évader à la veille de l’arrivée des Américains. Quinze jours plus tard, il est à Paris où il retrouve sa mère et cinq de ses frères et sœurs qui n’avaient pas été déportés. A son retour, son idée principale est de rattraper le temps perdu, de rattraper les trois années de vie, volées par les nazis. Titulaire du simple certificat d’étude, il surmonte tous les obstacles et démarre des études secondaires. A 20 ans, il obtient son bac et entre à la faculté de médecine. Installé comme généraliste à Paris à partir de 1958, il fait une rechute de la tuberculose en 1974. Un long traitement induit un état dépressif et il commence alors une psychanalyse.
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article172
Addy Fuchs, de retour chez lui, retrouve ses parents cachés par la résistance. Mais il tombe malade et ne peut reprendre ses études. Il rejoint un temps le parti communiste et participe à la fondation de l’Amicale de Blechhammer en 1965. Il se marie, a trois enfants. Addy témoigne auprès des jeunes et il a pris une part active à la pose de plaques avec l’AMEDJ, Association pour la mémoire des enfants juifs déportés, dans les écoles primaires. Addy Fuchs, témoin, rescapé du camp de Blechhammer, vidéo pour les élèves

Jacqueline Houly  : Lorsqu’elle est arrivée à l’hôtel Lutetia, l’un des prisonniers de guerre avec lequel elle avait fait le retour depuis la zone russe, lui a proposé de la conduire à Versailles. Elle a alors appris que ses parents avaient réintégré leur appartement. Elle était malade, souffrait d’une pleurite qui, par la suite, évolua en tuberculose pulmonaire. Elle avait perdu la capacité de s’émouvoir… Ses parents ont demandé de suite où était sa petite sœur. Elle a laissé entendre qu’elles avaient été séparées, qu’elle l’avait perdue de vue. Pendant des mois, ses parents ont espéré en vain son retour… Jacqueline était fermée comme une huître et plutôt agressive… Elle est restée chez ses parents pour se soigner pendant les mois d’été. A la rentrée scolaire, elle est retournée dans son lycée. La reprise s’est faite dans la plus parfaite indifférence : aucune question, ni de la part des professeurs, ni des élèves… C’est entre ses études secondaires et universitaires que la tuberculose s’est à nouveau manifestée ; elle a passé un an au sanatorium des étudiants, à Saint-Hilaire-du-Touvet, en Haute-Savoie… La vie a repris : elle a essayé de vivre comme toutes les filles de son âge. Mais, même au milieu de ses amis, elle avait souvent l’impression de ne pas être comme eux, d’être une morte-vivante. Lorsqu’elle a rencontré son futur mari, il savait qui elle était et savait aussi qu’elle ne désirait pas raconter car cela lui faisait mal. Elle a eu un garçon et une fille ; elle a commencé par une vie de mère au foyer, mais elle pensait n’être pas capable de leur apprendre la joie de vivre et Jacqueline a préféré travailler et prendre une personne sympathique et "normale" pour garder ses enfants.
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article397

3) Revenus avec un de leurs parents

Albert Bigielman, le 25 juin 1945, arrive au Lutetia, et c’est le retour à la maison avec sa mère. Il retrouve son père, revenu du stalag et son frère, enfant caché. Chacun a vécu des choses très difficiles, aucun n’arrive réellement à comprendre la souffrance des autres.
Albert se reconstruit, entre en apprentissage, travaille dans la confection. Il fonde une famille ; il a une fille en 1962. Il ne parle quasiment jamais de sa déportation jusqu’en 1981.

Francine Christophe  : Quand elle est rentrée avec ses parents (sa mère avait été déportée avec elle, son père revenait d’un oflag), elle avait douze ans et elle essayait surtout d’être comme les autres. Elle ne pouvait pas raconter ce qu’elle avait vécu, c’était inracontable. Mais elle avait ses parents et ses deux grands-mères. Elle est rentrée à Paris malade, on a dû la soigner. Sa mère était encore davantage malade, et tous ces événements lui avaient porté sur la tête, elle avait même dû être internée. Francine a essayé la première année d’entrer en 6ème et a évidemment échoué, mais la directrice de l’école qui savait son histoire, l’a prise en mains et lui a fait suivre une 6ème à part, ce qui lui a permis d’entrer en 5ème juste après. Toutefois elle était rétive, insolente même avec ses parents, et à 15 ans, elle a décidé d’arrêter ses études. Elle voulait être comédienne. http://rescapesdelashoah.org/francine-christophe/

Sarah Montard : Sarah et sa mère sont libérées à Bergen-Belsen le 15 avril 1945 par l’armée anglaise, et rapatriées à Paris le 24 mai 1945, un an jour pour jour après leur arrestation. Le père de Sarah a survécu, mais ils n’ont plus rien, même pas de logement. La mère de Sarah n’a plus la force de travailler. Sarah a repris ses études et a trouvé du travail, mais c’est seulement quand elle s’est mariée et a eu des enfants qu’elle a pu recommencer à mener une vie « normale ». http://www.cercleshoah.org/spip.php?article443

Victor Pérahia, libéré le 22 avril 1945, est rapatrié, via Leipzig, le 29 juin 1945 avec sa mère. Ce n’est que lorsqu’il est arrivé à Paris, ce 29 juin 1945, et qu’il était debout, à l’arrière de l’autobus, sur la plateforme, pour aller à l’hôtel Lutetia, qu’il a pris conscience qu’il était libre. Il a senti cette liberté qu’il aimait tant, à laquelle il avait rêvé tant de fois venir en lui par bouffée. Il était enfin « comme les autres », a retrouvé sa grand-mère et son frère aîné, Albert, restés cachés. Il avait treize ans, et était malade. Il avait d’abord contracté le typhus et en rentrant à Paris, après avoir été soigné, on a découvert qu’il était tuberculeux. Il a donc dû se soigner pendant deux ans car il n’existait pas à l’époque de produit très efficace pour guérir de cette maladie. Son père et son grand-père maternel, Salomon Passy ne sont plus là et ce double manque l’a marqué même si l’amour de sa mère et de son frère l’ont aidé à étudier, à se refaire une vie au terme de beaucoup de souffrances physiques et morales. Il a, après un long silence, décidé de parler aux jeunes et d’écrire un livre dédié à ses deux enfants et quatre petits-enfants.
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article97

http://rescapesdelashoah.org/victor-perahia/

Ceija Stojka : Lorsque les Anglais libèrent Bergen-Belsen, ils touchent les détenus pour savoir s’ils étaient vivants. Le camp est un grand chaos. Ceija et sa mère se mettent en route à pied, pour retourner à Vienne. Toutes sortes de gens sont sur les routes. Elles mettent quatre mois pour rentrer à Vienne en traversant l’Allemagne. Elles y retrouvent Kathi, Hans et Karl (sœur et frères de Ceija) qui ont survécu également. En 1946 la famille reprend une vie normale de marchands ambulants de chevaux et en 1949 Ceija donne naissance à son premier enfant, Hojda, à Knittefeld. C’est en 1988 que Ceija commence à dessiner et peindre en autodidacte. Ceija Stojka exprime par une peinture soit en noir et blanc, soit très colorée et violente, sa douleur de la déportation. Les âmes des Tsiganes assassinés hantent les lieux sous forme de corbeaux dans ses tableaux.
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article594
http://lamaisonrouge.org/Maison%20Rouge/documents/mrDPfrCeijaStojka10206.pdf

Simone Veil, revenue avec sa sœur mais sans sa mère : Ce n’est que le 23 mai 1945 que Simone et Milou arrivent au Lutetia. Leur sœur Denise, arrêtée en juin 1944 en tant que résistante, déportée à Ravensbrück, était rentrée avant elles. La famille Jacob a « payé un lourd tribut à la fureur nazie ». Mais les trois sœurs sont jeunes et ont leur vie à construire. Milou a dû être longuement soignée. Simone Veil est recueillie par ses oncle et tante et a des difficultés à s’insérer dans une vie sociale. Elle passe l’été 1946 à Nyon en Suisse et y vit un cauchemar entre questions insensées et moralisme infantilisant. Ayant été admise aux épreuves du bac passées en mars 1944, elle s’inscrit à la faculté de droit puis à Sciences-Pô. Aux vacances de Mardi-Gras elle rencontre Antoine Veil qu’elle épouse à l’automne 1946. Leur premier enfant naît à la fin 1947.... Sa vie professionnelle, ses responsabilités politiques font partie dorénavant du domaine public http://www.cercleshoah.org/spip.php?article117&lang=fr

  • B. Les enfants restés en France dont les parents ne sont pas revenus

Henri Ostrowiecki  : son père puis sa mère ont été arrêtés et sont morts en déportation. Depuis la « disparition » de ses parents, il vit chez ses oncle et tante qui deviennent ses tuteurs. Sa cousine Sylvia, son aînée de cinq ans, étudie l’histoire-géographie à la Sorbonne, Henri son cousin a terminé ses études de chimie. Ses tuteurs sont parfois violents, il a le sentiment de ne pas être compris. En classe, il est bavard, agité. Par contre à la maison sa tante le surnomme « l’ours », il garde le silence pendant des heures. La violente rupture d’avec ses parents s’est cristallisée dans un refus catégorique de prononcer un seul mot en yiddish alors que jusqu’à quatre ans et demi il était bilingue. Il se réfugie derrière son patronyme qui lui sert de paravent car aux yeux des Français, il passe pour un véritable polonais. Entre colère et désespoir, son attitude de révolte correspond à un lent suicide. Il reste fasciné par ce fantasme de venger ses parents, morts sans sépulture, « leurs cendres mêlées à la terre, à l’air ». Henri ne peut pas accepter que ses parents soient morts « pour rien ». En février 1959, Henri rejoint Bizerte, base arrière servant pour les opérations en Algérie. Lors d’une nuit de garde, il ressent une « furieuse envie d’écrire ». Il couche alors sur le papier un flot de souvenirs.
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article505
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article470

  • C. Les enfants restés en France ‘’confrontés’’ à un parent étant revenu de déportation
    La rencontre en 2017-2018 avec des « enfants » de déportés devenus adultes et pour certains dorénavant retraités a permis de cerner combien grandir dans ce contexte fut compliqué. Certains enfants restés en France avec leur mère ont vu revenir un homme qu’ils ne reconnaissaient pas, qui prenaient une place énorme dans l’intimité familiale, qui nécessitait des soins attentifs afin qu’ils reprennent au plus vite des forces physiques. Un homme que leur mère disait fragile, qu’il fallait ‘’protéger’’. La plupart des enfants nés avant la déportation de leur parent comme ceux nés après ont été confrontés au silence, aux cauchemars … La violence vécue par un parent déporté fait des enfants des victimes du génocide même s’ils n’ont pas été directement confrontés à la déportation, aux horreurs des camps. [ été 2018 : j’écrirai l’article qui étoffera ce paragraphe]
  • D. La ‘’découverte’’ des aides apportées et la reconnaissance envers les « Justes »
    Ce n’est que tardivement que les enfants et les institutions, autorités françaises ont pris conscience de l’indispensable reconnaissance à apporter à ceux qui ont aidé les enfants poursuivis par les nazis.
    a) La distinction de « Juste parmi les nations  » est un titre décerné par l’État d’Israël, à partir de 1963, à tous les non-juifs qui ont sauvé bénévolement des Juifs pendant la Deuxième guerre mondiale. Dans la lancée du procès Eichmann, cet outil diplomatique a également un but pédagogique : montrer qu’il était possible de se mobiliser contre la volonté meurtrière des nazis. La nomination des premiers Justes fut improvisée. En France, 58,9% des Justes habitaient, au temps de leur action, la zone Sud contre 41,1% pour la zone occupée. Il s’agit d’un phénomène plutôt rural (69% des sauveteurs français vivaient dans des hameaux isolés) qui concerne des gens aux moyens modestes (40,8% d’entre eux étaient de petits fermiers et 25,4% des ouvriers). Pendant la Seconde guerre mondiale, les Justes sont des hommes ordinaires, des gens simples qui sont étonnés qu’on leur pose la question de leur engagement, trouvant naturel l’aide qu’ils ont apportée au péril de leurs vies. http://www.cercleshoah.org/spip.php?article382&lang=fr

b) Sauvetage : différents exemples

Des analyses du sauvetage des enfants cachés durant la dernière guerre :

- Les rafles, le réseau Garel, l’OSE, Georges Loinger, Dominique Laury http://www.cercleshoah.org/spip.php?article34
- Diverses organisations juives auprès des enfants : Les EIF, la Sixième, la maison des enfants à Moissac, la Suisse http://www.cercleshoah.org/spip.php?article360

L’hôpital Rothschild, seul hôpital où peuvent encore exercer des médecins juifs, devient à partir de 1941 un hôpital prison. Les malades aryens sont expulsés, l’hôpital est réservé aux juifs qui ne peuvent plus être admis dans les autres hôpitaux parisiens. Les autorités y transfèrent, avant leur déportation, les malades juifs enfermés dans des camps d’internement, notamment le camp de Drancy. Les médecins juifs mettent en place une filière d’évasion pour les enfants juifs. Ils maquillent les registres, déclarent des faux morts, arrachent les enfants à leurs mères et partent dans la nuit, munis de faux papiers.
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article468
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article514
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article470

L’abbé Glasberg, né dans une famille juive à Jitomir en Ukraine, converti au catholicisme, arrive en France où il suit des études de théologie. Il devient prêtre en 1938. Il est nommé vicaire à la paroisse de Saint Alban à Lyon, où le curé accueillait des réfugiés et des nécessiteux. L’abbé Glasberg propose au cardinal Gerlier, archevêque de Lyon, de créer un Comité d’Aide aux Réfugiés (CAR) en 1940. Dès 1941, il entre au Comité de Coordination pour l’Assistance dans les Camps dit "Comité de Nîmes", et a l’idée de faire légalement sortir des internés des camps. http://www.cercleshoah.org/spip.php?article583

Le Père Jacques et les résistants d’Avon (Seine-et-Marne) : Le père Jacques, professeur au collège Saint Joseph du Havre, entré chez les carmes en 1931 est le fondateur et le directeur du petit collège d’Avon en 1934. En janvier 1943, trois enfants juifs sont accueillis et cachés au Collège. Le 15 janvier 1944, ces trois enfants sont arrêtés par la Gestapo avec le Père Jacques. http://www.cercleshoah.org/spip.php?article302
Paul Mathéry, secrétaire de mairie à Avon (qui jouxte Fontainebleau) en septembre 1941, travaille avec le maire Rémy Dumoncel et fait la connaissance d’un homme à la forte personnalité, qui le subjugue et avec qui il se lie d’amitié, le Père Jacques qui vient souvent le voir en mairie. Très vite, des liens profonds unissent ces trois hommes, dont leur refus de l’occupant nazi. En particulier, Paul Mathéry fournit les cartes des enfants juifs cachés au Petit Collège par le Père Jacques, remplies avec des identités d’emprunt.
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article178

Histoire du comité lillois de secours aux Juifs : « Sauvons les enfants. Une histoire du comité lillois de secours aux Juifs » de Grégory Célerse, Les Lumières de Lille = la Résistance de sauvetage autour des cheminots résistants du mouvement "Voix du Nord". Portraits de résistants et de collaborateurs, premiers convois de mineurs, le train de Loos.
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article571

Fiche pédagogique réalisée par Martine Giboureau (mai 2018)

Le sauvetage des enfants :
http://lamaisondesevres.org/cel/cel1.html
http://lamaisondesevres.org/cel/cel2.html

[1thème 3
La France, des guerres mondiales à l’Union européenne. Deux guerres mondiales au vingtième siècle. La construction européenne.
Nous avons déjà proposé une fiche pédagogique : http://www.cercleshoah.org/spip.php?article89
"À partir des traces de la Grande Guerre et de la Seconde Guerre mondiale dans l’environnement des élèves (lieux de mémoire et du souvenir, paysages montrant les reconstructions, dates de commémoration), on présente l’ampleur des deux conflits en les situant dans leurs contextes européen et mondial.

On évoque la Résistance, la France combattante et la collaboration. On aborde le génocide des Juifs ainsi que les persécutions à l’encontre d’autres populations.
L’élève découvre que des pays européens, autrefois en guerre les uns contre les autres, sont aujourd’hui rassemblés au sein de l’Union européenne."

[2Les informations concernant les Tsiganes dans cette partie sont extraites du Petit Cahier n°19 (2ème série), septembre 2013 intitulé « Persécutions des Tsiganes en Europe occupée. Histoire et mémoires d’un génocide »

[3KL, une histoire des camps de concentration nazis par Nikolaus Wachsmann

[4 opus cité

[5La formulation allemande officielle : Deutschen Reich und besetzten Gebieten (Reich allemand et territoires occupés).