Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Une promenade nommée Dora Bruder, Paris XVIIIe

inauguration de la plaque, CR par Marie Paule Hervieu
lundi 8 juin 2015

Dora Bruder, une enfant du 18ème, une « adolescente anonyme » arrêtée parce que Juive...

Une promenade nommée Dora Bruder

Une promenade Dora Bruder a été inaugurée le lundi 1er juin 2015 par Anne Hidalgo, maire de Paris et Patrick Modiano, auteur du roman éponyme.

Plaque Paris 18 ème. Photo Joëlle Alazard (APHG)

Le départ est situé devant l’école primaire, 129 rue Belliard (18ème, où le nom de Dora Bruder est inscrit parmi ceux des enfants et adolescents juifs déportés. C’est là qu’un poteau indicateur, doublé le jour de l’inauguration du portrait d’une adolescente de 15 ans, reproduit l’avis de recherche paru dans Paris-Soir, le 31décembre 1941 :

« On recherche une jeune fille de 15 ans, 1m55, visage ovale, yeux gris-marron, manteau sport gris, pull-over bordeaux, jupe et chapeau bleu marine, chaussures sport marron. ».

C’est de ce texte banal, suite à une fugue, que Patrick Modiano date le début de ses recherches, en 1989, menées avec l’aide de Serge Klarsfeld, absent mais remercié.

Le lieu est saturé de références à Dora Bruder, le mail est situé à proximité du domicile de ses parents, 41 Boulevard Ornano, Ernst et Cécile Bruder, Juifs étrangers réfugiés à Paris, de celui de ses grands-parents, rue Leibniz, et du commissariat des Grandes Carrières où elle fut conduite avant d’être internée.

Successivement le maire du 18ème, Eric Lejoindre, Patrick Modiano, la famille de Dora, dont une partie réside en Israël, sa petite cousine Nadine Wlozczowski, et Anne Hidalgo, rappellent la géographie d’une déambulation d’une enfant du 18ème, et l’histoire d’une « adolescente anonyme » arrêtée parce que Juive, internée à Drancy, déportée à Auschwitz par le convoi du 18 septembre 1942, assassinée ainsi que ses parents.

Patrick Modiano associe à sa mémoire plusieurs familles tsiganes du quartier, dont celle de Django Reinhardt, et redit que pour lui, ce sont des lieux, peut être autant que des personnes, qui gardent la trace d’enfants obligés de porter une étoile, qu’ils ont vus « disparaitre un jour, sans comprendre, sans même y croire ».

Promenade Dora Bruder et son école primaire, 8 juin 2015, photo UH

Anne Hidalgo développe l’idée que la politique mémorielle de la municipalité de Paris cherche à restituer aux victimes de la Shoah, une identité, « une épaisseur autre qu’une ligne dans un rapport administratif », et en appelle à la sensibilité des enfants de l’école pour qu’en en ayant appris l’histoire, ils n’en perdent pas la mémoire, ajoutant que « l’art et l’écriture permettent de défier l’oubli et le temps, à défaut de défier la mort ».

Le livre de Patrick Modiano, prix Nobel de littérature en 2014, a été édité par Gallimard, en 1997, il est aujourd’hui traduit en 30 langues. L’écrivain, et il doit être lu et remercié, a fait du nom et de l’histoire tragique de cette adolescente libre, une référence universelle.

Marie-Paule Hervieu, juin 2015.

Les policiers sont venus le 16 juillet 1942 au 41 boulevard d’Ornano pour arrêter Ernest [1] qui est interné à Drancy depuis mars, et Cécile Bruder, les parents de Dora. Ernest Bruder, 40 ans, ex-Autrichien, a été interné en septembre 1939 à Libourne dans le camp de rassemblement des étrangers puis libéré en 1939 comme ancien légionnaire, gazé, mutilé de guerre. Dora, suite à ses fugues, était internée au camp des Tourelles.
Ernest et Dora sont déportés ensemble le 18 septembre 1942.

Cécile a été libérée le 23 juillet 1942. Elle est à Drancy le 9 janvier 1943.
Cécile est déportée le 11 février 1943.

Dora Bruder de Patrick Modiano, analyse

La Rafle du Vel d’Hiv, Paris, juillet 1942, Laurent Joly

NM

[1JOLY Laurent, La Rafle du Vél d’Hiv, Paris, juillet 1942, Grasset, 2022, p. 31