Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Pourquoi transmettre la mémoire de la Shoah, enseigner son histoire ?

Sam Braun expose les valeurs à transmettre aux élèves
mardi 14 janvier 2014

Pour nous, Cercle d’étude de la déportation et de la Shoah – Amicale d’Auschwitz, l’histoire de la Shoah ne s’inscrit en aucun cas dans une "course à la victimisation".
Les faits que nous enseignons, les explications que nous en donnons, les témoignages des déportés dans les classes ne sont pas destinés à susciter une compassion particulière mais à devenir éléments d’analyses permettant vigilance citoyenne et défiance contre les tentations racistes, antisémites et totalitaires.

Texte de Sam Braun

Pourquoi transmettre la mémoire de la Shoah, enseigner son histoire ?

Écoutons le docteur Sam Braun (1927-2011), déporté à Auschwitz, il expose les valeurs qu’il souhaite transmettre aux élèves des établissements scolaires.

« Aux enfants, je dis « on ne vous demande pas de pleurer parce que nous avons pleuré, ni de souffrir parce que nous avons souffert, mais de tout faire pour que les hommes ne souffrent et ne pleurent à nouveau ». […]
Sam Braun
Sam Braun à l’Hôtel de ville de Paris,
lit le Testament d’Auschwitz, le 24 janvier 2010, photoNM

Tout d’abord, et c’est pour moi un des points essentiels car il nous concerne tous, et les enfants au premier chef, je leur explique que nos bourreaux étaient des hommes ordinaires, comme nous le sommes nous-mêmes. Ils n’étaient pas génétiquement programmés pour faire tout ce qu’ils ont fait. Tous les hommes ordinaires, s’ils se laissent entraîner, embrigader, par une idéologie d’exclusion et de rejet de l’autre, par des théories qui prônent l’élimination physique de tous ceux qui ne leur ressemblent pas, peuvent devenir des bourreaux si les théoriciens de telles idéologies savent flatter leur ego et grandir à leurs yeux leur petitesse. […]

Lutter contre la haine c’est aussi et surtout débusquer le fanatisme partout où il se terre, partout où il est en embuscade se tenant prêt à l’attaque.
Méfions-nous des certitudes dont l’exacerbation mène au fanatisme et à tous les excès comme ceux qui, en 1942, à Wannsee, dans la banlieue de Berlin, ont défini les bases de la solution finale, c’est-à-dire l’assassinat programmé de 12 millions de Juifs [1].

La vie concentrationnaire nous a appris aussi que tous les hommes devraient être solidaires les uns des autres et se sentir concernés par toutes les injustices qui arrivent à l’un d’entre eux.
Un professeur disait à ses élèves [antillais] :
«  Quand on dit du mal des Juifs, dressez l’oreille, mes enfants, on parle de vous » [2]

Le poète René-Louis Laforgue, ne pensait-il pas aussi que la solidarité entre les hommes était indispensable à l’Art de vivre ensemble, lorsqu’il chantait dans le Grand Manitou à peu près cela :

"Dans le monde des racistes anti-noirs, je me sens un petit noir,
Dans le monde des anti-arabes, je me sens un petit arabe,
Dans le monde des antisémites, je suis un petit juif
"

Développant cette solidarité nous disons aux enfants qu’il faut lutter sans cesse contre les injustices et contre le rejet de l’autre, combattre l’inacceptable, s’engager chaque fois que la liberté des hommes est en danger, car on est toujours responsables de ce qu’on n’a pas empêché.

Mais il faut que leur réflexion précède l’action, car il n’y a de bonne pensée que si elle est exprimée en parole, il n’y a de bonne parole que si elle est traduite en action. Cela aussi l’ayant appris là-bas nous l’expliquons aux enfants. » Sam Braun

Personne ne m’aurait cru, alors je me suis tu, Sam Braun
Personne ne m’aurait cru... adaptation théâtrale du livre de Sam Braun

Accès par les archives au blog Sam Braun :
Sam Braun

Autres pistes

L’Inspection, court métrage de Caroline Brami et Frédéric Bas, 2021,16 min.
Le programme : 3/4 d’heure pour la Shoah.
https://ajff.org/film/inspection

https://www.aphg.fr/L-Inspection-Un-Court-metrage-de-Caroline-Brami-et-Frederic-Bas

Pour faire venir un témoin en classe  :
Adresser toute demande de témoignage à Victor Perahia, responsable de la commission Témoignages  : écrire à maisonauschwitz_ mettre [@] wanadoo.fr

Lire VENEZIA Shlomo, Sonderkommando, dans l’enfer des chambres à gaz, Albin Michel, 2007

  • François Hollande, 27 janvier 2015 à l’UNESCO :
    "L’un des instruments pour désamorcer cette ignorance, c’est l’enseignement de l’histoire de la Shoah. Elle est au programme de l’école, du CM2, de la 3ème, de la 1ère ; elle doit pouvoir être enseignée sans aucune restriction. Il y a aussi un certain nombre d’événements qu’il nous faut renouveler : le concours national de la Résistance et de la Déportation, dont je remettrai les prix le 8 mai prochain à l’occasion des cérémonies du 70ème anniversaire de la défaite du nazisme. Ce prix, ce concours, existe depuis 1961. Il doit être renouvelé, rénové et je souhaite qu’il puisse y avoir une mission qui soit conduite pour en assurer la pérennité."

Les diverses formes d’antisémitisme
De l’antijudaïsme à l’antisémitisme raciste (1)
L’antisémitisme français de l’affaire Dreyfus à Vichy (2)
La tentation antisémite. La haine des Juifs dans la France d’aujourd’hui, Michel Wieviorka

NM

[1victimes réelles : 5,1 M d’après R. Hilberg.
Le protocole de la Conférence de Wannsee, documents originaux en allemand :
http://www.ghwk.de/fileadmin/user_upload/pdf-wannsee/protokoll-januar1942.pdf
Environ 11 millions de juifs sont concernés par la "solution finale de la question juive en Europe.

[2Franz Fanon, Peau noire, masques blancs, 1952 rééd., Le Seuil, col. « Points », 2001