Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Lieux de mémoire en Europe centrale...

par Maryvonne Braunschweig
lundi 28 juin 2010

Quelques lieux et monuments originaux et émouvants en Europe centrale.
A Vienne et Budapest

A Vienne (Autriche)

des livres
© M. Braunschweig

Mémorial aux victimes de la Shoah, dans la capitale autrichienne

Le Mémorial aux victimes de la Shoah est un monument créé par la Britannique Rachel Whiteread qui choisit de symboliser le peuple juif, peuple des livres, par une bibliothèque. Toutefois les livres ne laissent voir que la tranche ce qui ne permet pas de les identifier, la porte de la bibliothèque est verrouillée, illustrant ainsi la perte irréparable des Juifs assassinés. Sur le socle on trouve les noms des différents endroits où 65 000 Juifs d’Autriche furent éliminés sous le nazisme.
Ce monument, inauguré en 2000, est érigé sur la Judenplatz (au cœur de Vienne). Juste derrière se trouve un musée consacré à la première communauté juive de Vienne au Moyen Age, massacrée ou expulsée en 1421. C’est là que se trouvait le quartier juif médiéval et dans le sous-sol se trouvent encore les fondations de la synagogue médiévale. Le rez-de-chaussée abrite le centre de documentation des victimes de la Shoah en Autriche. 66 000 citoyens juifs perdirent la vie.
Stolpersteine, "pierres de mémoire", pavés scellés dans le trottoir ou dans le mur de la rue Linke Wienzelle face au Naschmarkt près du Pavillon de la Sécession

Steine der Erinnerung : pierres pour se souvenir

Sur un mur à Vienne. Se souvenir pour l’avenir

©M. Braunschweig
Déportés à Lodz, Auschwitz, camp inconnu, Maly Trostinec, Jasenovac

Mémoire encore dans certaines rues de Vienne. Des pavés de cuivre sont scellés dans le sol ou le mur pour rappeler l’arrestation de Juifs qui résidaient à cet endroit. Ils portent les nom, prénom, date de naissance, date d’arrestation et lieu de déportation, parfois la date de décès, de chacun de ces Viennois.
Maison de l’histoire d’Autriche :
Entre 1933-1938, une dictature répressive se met en place : “dictature Dollfuss-Schuschnigg”. Le dictateur Engelbert Dollfuss est considéré comme une victime des nazis.
https://www.wien.info/fr/locations/house-of-austrian-history
Mythe d’une Autriche victime du nazisme.

Centre de documentation et d’archives sur la résistance (DÖW)

À Budapest (Hongrie)

D’abord un peu d’histoire : L’occupation directe de Budapest par les nazis commence à partir de mars 1944 et, fin octobre, les Croix Fléchées hongroises sont directement au pouvoir. Le ghetto fermé, instauré dans le quartier juif, isole les Juifs de Budapest du restant du monde pendant 56 jours, de novembre 1944 à janvier 1945, jusqu’à l’arrivée des Soviétiques. Plus de la moitié de la population juive de Budapest est envoyée dans les camps d’extermination malgré l’aide apportée par des diplomates, comme le Suédois Raoul Wallenberg ou le consul suisse, Karl Lutz. Elle se trouve réduite de 200 000 à 70 000 personnes. Dans le ghetto on meurt de faim, d’épuisement, de maladie. Le long de la Grande Synagogue, sur le terrain menant à la cour arrière, se trouvent les tombes fosses communes où sont enterrées 5 000 victimes des conditions de vie durant ces deux mois. D’autre part, plusieurs milliers de Juifs sont conduits par les Croix fléchées au bord du Danube où ils sont exécutés.

La cour de la Grande Synagogue : Le "Saule pleureur"

La reconnaissance par la Hongrie de ce passé et de sa responsabilité est lente mais depuis moins de vingt ans quelques lieux de mémoire ont été créés ; ils sont intéressants, beaux et ne laissent pas le visiteur indifférent, d’autant que le premier présenté ci-après se trouve dans un des lieux les plus visités de la capitale hongroise.
Dans la cour, derrière la Grande Synagogue, rue Dohány, dans le quartier juif, un monument vous coupe le souffle. C’est le Saule pleureur, en acier et argent, œuvre du sculpteur Imre Varga, créée en 1991, à la mémoire des plus de 400 000 Juifs hongrois victimes du nazisme dont au moins 3000 noms sont gravés sur les feuilles. Monument mémorial original, sobre et émouvant.

saule pleureur © © M. Braunschweig

Le saule pleureur d’Imre Varga

Sur le mur du fond, à gauche, deux plaques uniquement en hongrois
rendent hommage à Raoul Wallenberg [1].


© M. Braunschweig

Raoul Wallenberg Emlékpark : Mémorial Raoul Wallenberg, inauguré en 1998

La Grande Synagogue, de style "mauresque-romantique", construite de 1854 à 1859 a été la plus grande d’Europe, pouvant accueillir 3 000 personnes. Elle a été restaurée dans les années 1990, grâce au financement de deux Américains descendants de Juifs hongrois, l’acteur Tony Curtis et la femme d’affaires, Estée Lauder (parfums et cosmétiques).

Le "Holokauszt Emlékközpont" (Holocaust Memorial Center)

Il est situé dans un autre quartier de Budapest, Rue Pavá (39). Tout récent, il a été inauguré en 2005. Construit autour d’une ancienne synagogue restaurée, c’est d’abord une création architecturale originale. C’est un complexe moderne aux contours brisés et aux murs penchés, ce qui rappelle un peu l’effet donné par le Musée juif de Berlin. Son architecture est donc pleine de symboles. A l’intérieur, dans la cour, des murs peuvent accueillir plusieurs dizaines de milliers de noms. Ce centre inauguré en avril 2004 poursuit quatre objectifs principaux :

- Présenter une exposition permanente. Ouverte en 2005, elle présente l’histoire des Juifs en Hongrie à partir du XIXe siècle. Elle donne aussi des informations sur les Roms. Elle s’appuie sur des moyens muséographiques modernes (vidéos, écrans d’ordinateurs, journaux, musique, objets). En plus de l’histoire générale elle retrace la vie de quelques personnes de milieux sociaux différents, que l’on peut suivre de salle en salle chronologiquement. Tout est présenté en deux langues, hongrois et anglais. L’attitude des autres Hongrois à l’égard des Juifs (aide, indifférence, persécution) est précisée.
- Etre un centre de documentation.
- Permettre d’intégrer l’enseignement de la Shoah dans le système scolaire (ce qui est loin d’être le cas encore semble-t-il), mais une chaire d’étude de l’Holocauste est désormais ouverte dans les universités hongroises.
- Etre un mémorial pour rendre hommage de façon digne aux victimes.
Et c’est ainsi que de façon surprenante pour qui découvre le lieu, la visite de l’exposition permanente se termine par l’entrée dans une dernière salle... qui est l’ancienne synagogue de 1923, restaurée de façon magnifique, devenue aujourd’hui lieu de recueillement, très émouvant.

mémorial Budapest
© M. Braunschweig

Intérieur de la synagogue du mémorial de l’Holocauste

Au centre, sont disposées les photos de nombreux Juifs hongrois disparus durant la Shoah. Derrière se dressent des pupitres-sièges en plexiglas qui doivent restés vides, sur chaque pupitre la photo d’un Juif hongrois disparu durant la Shoah avec son nom, ses dates et quelques mots sur sa disparition (en hongrois et en anglais).
mémorial synagogue
© M. Braunschweig

Sur la photo, le pupitre en bas au milieu évoque "Adolf Fényes 1857-1945".

Ce ne sont là que quelques découvertes, au hasard d’une visite touristique de ces deux capitales ; la liste n’est donc pas exhaustive. Ainsi peut-on encore signaler une sculpture, composition de chaussures en métal peint fixées tout au bord du Danube, côté Pest, face au château, qui rappelle, depuis 2005, les exécutions en masse par fusillades.

Maryvonne Braunschweig, février 2011

Le Juif qui négocia avec les nazis, Rudolph (Rezsö) Izraël Kasztner, juif hongrois

Giorgio Perlasca, un juste italien qui s’est fait passer pour un diplomate espagnol à Budapest, a sauvé plus de 5000 Juifs hongrois en prétendant que l’Espagne voulait récupérer les descendants de ses juifs sépharades expulsés en 1492.
http://www.giorgioperlasca.it

BECHTEL Delphine et JURGENSON Luba (dir.), Le tourisme mémoriel en Europe centrale et orientale, Paris, Editions Pétra, coll. « Usages de la mémoire », 2013.
DEROGY Jacques, Raoul Wallenberg, le Juste de Budapest, Stock, 1994.
KERTÉSZ Imre, Être sans destin (Sorstalanság, 1975), éd. all "Mensch ohne Schicksal", 1990, Actes Sud, 1998.
MENDELSOHN Daniel, Les Disparus, traduit de l’américain par Pierre Guglielmina, Paris, Flammarion, 2007, 650 p. (1ère éd., The Lost, New York, HarperCollins, 2006, 950 p.)
VERGILI Fabrice et WIEVIORKA Annette (dir), Raoul Wallenberg. Sauver les Juifs de Hongrie, Payot, « Bibliothèque historique », 2015, 222 p ;

Pour savoir ce qui se passe en Autriche, l’Autriche vue par un universitaire français :
http://jsegalavienne.wordpress.com/
Mise en ligne, N.M. 2014- mars 2015

[1La Hongrie, la Suède et d’autres pays ont célébré le centième anniversaire de la naissance de Raoul Wallenberg, né le 4 août 1912


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