Kerkyra, Corfou
De nombreux Juifs vivaient à Corfou depuis l’Antiquité, d’autres sont venus d’Italie, de Sicile et des Pouilles, d’Espagne et du Portugal après l’expulsion des Juifs de la péninsule ibérique. A la fin du XIXe, ils sont 5000. Ils vivaient dans l’ancien quartier juif d’Evraiki, en dessous de la nouvelle forteresse de Corfou. Ils ont longtemps bénéficié de la protection de la République de Venise.
L’île devint grecque par le traité de Londres en 1864.
Suite à des rumeurs sur un crime rituel, des pogroms éclatent en 1891. De nombreux juifs dont la famille d’Albert Cohen [1], quittent l’île, partent vers l’Italie, la Turquie et à Alexandrie en Égypte.
L’île a été occupée par les Italiens pendant la seconde guerre mondiale, puis par les Allemands le 27 septembre 1943. La communauté juive comptait alors plus de 2 000 personnes.
Le 9 juin 1944, presque tous les Juifs corfiotes sont arrêtés, [2], regroupés sur la place Centrale. Ils sont enfermés dans les cachots de la vieille forteresse Fortezza Vecchia.
Les 11, 14 et 17 juin 1944, ils sont transférés par bateau dans le camp de concentration de Chaïdári (KZ Chaidari) près d’Athènes.
Le 20 juillet, ils sont déportés en wagon à bestiaux, au camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau.
Des troupes britanniques libèrent l’île en 1944. Il reste 180 juifs après la guerre. Des Grecs ont caché des Juifs dans des villages de l’île de Corfou et les ont sauvés de la déportation.
La Scuola Greca est la seule synagogue encore debout. L’école juive a été bombardée, le grand cimetière a été complètement détruit.
Une visite un soir de Shabbat, récit d’Ulrich Schmoll :
« En haut de la synagogue, une lumière brûlait, on pouvait voir des lustres à travers les volets fermés. Nous pensions que c’était là que se trouvait le service du Shabbat.
Nous avons regardé par l’entrée au rez-de-chaussée et avons été accueillis dans une petite pièce éclairée par des néons. L’atmosphère et le mobilier de la pièce me donnaient l’impression d’un bureau d’auto-école. À une table ou dans la salle se tenaient quelques hommes (5) et deux femmes. Un homme, le rabbin, nous a dit en anglais qu’ils allaient maintenant dire les prières du Shabbat et que nous étions invités (pour que la célébration du Shabbat puisse se dérouler de manière numériquement correcte).
Une femme, avec une perruque noire, a sorti des gobelets en plastique de l’emballage. L’autre femme avait de vrais cheveux blonds, comme les femmes russes. Elle nous a demandé si nous étions juifs. Le chef de prière a versé du vin rouge dans les gobelets en plastique : lui-même plein à ras bord, nous autres un pouce de large.
Pendant ce temps, j’ai demandé à l’un des hommes de me parler de la communauté juive (60 membres, m’a-t-il dit) et de son cimetière. Le vieux cimetière avait été nivelé et transformé en terrain constructible en 1967 sous Papadopoulos. Il y a maintenant un tout petit cimetière juste à côté du cimetière catholique. Les plus âgés, parmi la soixantaine de personnes, parlent le ladino, les Romaniotes (Grecs byzantins) « citoyens de l’Empire romain d’Orient », parlent grec et hébreu. L’homme qui nous a donné des informations, âgé d’environ 60 ans, est né à Corfou. Son père a survécu à Auschwitz. « Ce qui est arrivé, c’est vrai », répétait-il. 87% des Juifs de Corfou ont été exterminés.
Le chef de prière a récité diverses prières hébraïques, parfois l’une ou l’autre personne présente s’y est jointe. C’était vite terminé. Puis nous avons porté un toast. Shalom Shabbat. Le chef de prière a bu la moitié de son verre et a ensuite distribué le reste dans l’un ou l’autre gobelet. Il est reparti rapidement. »
Les rues de la vieille ville ont un aspect vénitien.
En savoir plus :
http://www.hans-dieter-arntz.de/zur_juedischen_gemeinde_von_korfu.html
https://www.klaus-boetig.de/juden-auf-korfu.html
https://www.gedenkorte-europa.eu/de_de/kz-chaidari.html
Ralph Klein, Chaidari, in : Wolfgang Benz, Barbara Distel (Hrsg.), Der Ort des Terrors, t.9, C.H. Beck, München 2009
http://www.jewishencyclopedia.com/articles/4656-corfu
Albert Cohen, parle des Juifs de Corfou- Salonique.
Solal, Gallimard, 1930, Mangeclous, Gallimard, 1938, Les Valeureux, Gallimard, 1969, Ô vous, frères humains, 1972...
La Grèce a accueilli de nombreux juifs.
http://www.klaus-boetig.de/griechenland-auf-den-spuren-des-judentums.html
Thessalonique Salonique, la Jérusalem des Balkans
Jacques Stroumsa, Tu choisiras la vie : violoniste à Auschwitz, Paris, Éd. du Cerf, 1998, 148 p.
Jacques Stroumsa, Geiger in Auschwitz, Ein jüdisches Überlebensschicksal 1941–1967. hg. von Erhard Roy Wiehn. Hartung Gorre, Konstanz 1993
Tu choisiras la vie : violoniste à Auschwitz, Jacques Stroumsa
Ulrich Schmoll, octobre 2016
NM
In memory of an ancient community snuffed out by the Holocaust.
https://blog.nli.org.il/en/corfu_jews/
[1] Albert Cohen (1895 – 1981) réfugié à Marseille, Ô vous, frères humains, 1972
[2] Appel du maire Kollas, du chef de la police Dedopoulos et du préfet Komianos : « Tous les Juifs qui n’ont pas fait leur déclaration doivent se présenter à la police ou à l’administration de la Feldgendarmerie avant 20 heures ce soir, sinon ils seront fusillés. La même sanction s’applique à quiconque cache des Juifs ou sait où ils se trouvent et ne les dénonce pas aux autorités. » https://die-quellen-sprechen.de/14-297.html certains s’en réjouissent en félicitant les Allemands