Mala, une femme juive héroïque dans le camp d’Auschwitz-Birkenau
Le livre de Gérard Huber publié en 2006 est le texte d’un psychanalyste qui s’est fait historien. C’est dire que l’auteur a lu les travaux des historiens : A. GRYNBERG, A. WIEVIORKA, O. WORMSER mais aussi M. POLLAK, et surtout BER MARK directeur de l’institut juif de Varsovie et auteur de La résistance juive à Auschwitz-Birkenau. Il a aussi recherché des témoignages écrits et oraux et en particulier ceux de deux anciens déportés, le livre de Suzanne Birnbaum Une Française juive est revenue, édité en 1946 [1] et les textes et encouragements d’Henry Bulawko, président de l’Union des Déportés d’Auschwitz.
Mais c’est en utilisant les concepts de la psychanalyse qu’il a étudié la vie et l’action d’une femme juive héroïque à Auschwitz-Birkenau : Mala ZIMETBAUM.
Le livre part d’un double questionnement : comment écrire sur une déportée juive qui a eu une conduite héroïque en se refusant à subir sa condition d’internée, qui a usé d’un poste « protégé » celui d’interprète et de coursière, pour aider ses camarades déportées, voire pour les sauver, mais dont il est difficile d’établir le degré d’engagement dans la résistance organisée des camps d’Auschwitz-Birkenau. D’autre part, la vie de Mala relève-t-elle d’un destin individuel tragique, une tentative d’évasion en compagnie de l’homme qu’elle aime, Edek Galinski, suivie d’une double exécution publique ou est-elle emblématique d’une histoire collective, celle de la résistance juive dont elle fut une figure historique ?
C’est que Mala Zimetbaum, née en Pologne, en 1918, dernière des cinq enfants d’une famille juive pauvre réfugiée à Anvers, a eu un premier engagement dans un mouvement de jeunesse sioniste. Puis elle a subi, ainsi que sa famille, la persécution des Juifs en Belgique occupée. Elle a été arrêtée comme le seront ses parents et neveux, et déportée de Malines à Auschwitz le 15 septembre 1942, à l’âge de 21 ans.
Les quelques avantages qu’elle a obtenu de ses qualités propres , elle parle plusieurs langues, elle les a mis au service des femmes juives déportées internées à Birkenau pour, par exemple les faire changer de Kommando, les encourager à écrire des lettres, leur transmettre des nouvelles, des photos, des médicaments. C’est donc bien d’une forme élémentaire de résistance juive qu’il s’agit : aider à survivre, mais sa rencontre avec un jeune résistant polonais interné, Edek Galinski, l’a sans doute aussi mise en contact avec d’autres formes d’organisation plus collectives, plus politiques. C’est d’ailleurs avec lui qu’elle va tenter et réussir une évasion, le 24 juin 1944, qui dura treize jours et dont l’un des objectifs était d’alerter les autorités politiques et religieuses sur la réalité de l’extermination.
L’héroïsme qu’elle partage avec son compagnon est aussi, après avoir été arrêtée et torturée, de ne pas avoir donné de noms. Enfin sa mort, le 15 septembre 1944, dans sa double volonté d’en choisir la forme et d’en faire un appel à la résistance, dans le sens de tenir bon, mais aussi de tenir tête, est celle d’une jeune femme exemplaire, saluée par Simone Veil dans la préface écrite à ce livre.
S’il apparaît bien que, vu le nombre limité de photos et de documents administratifs relatifs à Mala, l’histoire de sa vie et de sa mort ne peut se passer des témoignages écrits et oraux (que G. Huber publie dans leur diversité et dans leurs variations sans volonté de les réduire), ce livre atteste aussi, à travers la biographie de cette personnalité d’exception que fut Mala Zimetbaum, de l’existence d’une résistance juive à Auschwitz-Birkenau.
M.P. Hervieu, août 2006
HUBER Gérard, Mala, une femme juive héroïque dans le camp d’Auschwitz-Birkenau, préface de Simone VEIL, Éditions du Rocher, 2006, 307 p.
Une parente belge de Mala, Giza Weissblum, faisant partie des Partisans Armés, la retrouve à Auschwitz :
http://www.getuigen.be/Getuigenis/3den/enfants-partisans-juifs/tkst.htm#Weissblum
Histoire de Mala, Résister dans les camps nazis
La fin de Mala racontée par Ida Grinspan :
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article194
Conférence de Gérard Hubert sur Mala, la Belge
– La dernière étape, Wanda Jakubowska, 1948
« Je notais tout, l’histoire de Mala la belge, de Michèle la française, que j’allais reprendre dans mon film » raconte Wanda Jakubowska.
Wanda Jakubowska, mémoire de Birkenau :
http://www.liberation.fr/culture/0101140106-wanda-jakubowska-memoire-de-birkenau-son-film-la-derniere-etape
– Sursis pour l’orchestre, Daniel Mann, avec Vanessa Redgrave, Jane Alexander, Maud Adams, 1980 ; DVD 2012, avec une interview de Fania Fénélon
N.M.