Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Monsieur Batignole, film de Gérard Jugnot

Compte rendu par Marie Paule Hervieu
jeudi 10 janvier 2008

Une histoire de sauvetage d’enfants juifs par un Français ordinaire

Le film de Gérard Jugnot, « Monsieur Batignole », date de 2001. Il met en scène un personnage de Français ordinaire pendant le période de l’occupation : Edmond Batignole est un artisan-commerçant charcutier, mais il est aussi un petit profiteur du marché noir et du commerce de
bouche avec des officiers de l’armée d’occupation. De plus, il récupère sans état d’âme un appartement spolié à ses voisins juifs arrêtés et une camionnette de livraison. Nationaliste, il manifeste par la bande des sentiments anti-allemands hérités de son expérience de la première guerre mondiale, il n’aime pas ceux qu’il appelle les « Frisés » ou « les Boches », enfin il partage le système de valeurs et de représentation pétainistes.

Quant à son antisémitisme, il est de tradition, avec des stéréotypes datant du XIXème, mais dans son environnement, son futur gendre travaillant à « Je suis partout » et au «  Pilori » est lui très engagé dans la collaboration idéologique et affiche une volonté destructrice.

Au travers d’une histoire de sauvetage d’abord involontaire puis assumé, le metteur en scène opère un renversement de situation en faisant d’Edmond Batignole un sauveteur d’enfants juifs, qu’il cache puis fait passer en Suisse : d’abord son jeune voisin Simon / Gérard Bernstein, puis deux petites filles, ses cousines.

Ses motivations sont assez simples : on n’arrête pas des enfants, seraient-ils juifs, et à terme, une prise de conscience par sa capacité à se mettre à la place de l’autre, des victimes : une conduite très explicite dans le discours qu’il adresse au policier français sur les multiples formes de la persécution des juifs. Aidé par un prêtre catholique, il accompagne les trois enfants jusqu’en Suisse, choisissant d’y rester avec eux jusqu’à la fin de la guerre.

Ce film, tout public, est très efficace parce qu’il ne dissimule pas les enjeux d’argent ou idéologique par exemple des antisémites militants : dans le film, un écrivain et un policier. Il est aussi émouvant parce que le personnage de Batignole, dans sa simplicité et les risques
qu’à terme il assume, devient un être attachant sans se transformer en héros.

Enfin les enfants, explicitement de religion juive, fils et filles de parents disparus sont des acteurs à part entière. Ils disent à la fois la vérité des situations mais aussi les mensonges, les ambiguïtés et les vantardises des adultes.

Si, comme l’écrit Lucien Lazare, le Juste est un non-juif qui participa de façon active et désintéressée au sauvetage des Juifs, Monsieur Batignole est bien une figure cinématographique de « Juste des Nations ».
Marie-Paule HERVIEU, décembre 2003

Pour en savoir plus sur les Justes ces « Héros
silencieux » comme les appelle Inge Deutschkron :
Pour une histoire des Justes, avec Lucien Lazare, expert auprès de Yad Vashem, ancien professeur au lycée René Cassin de Jérusalem.
et des témoins :
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article27
Petit cahier en ligne, retranscription de la conférence
http://www.cercleshoah.org/IMG/pdf/les_justes_cahier_19.pdf


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