Klaus Harpprecht, écrivain, éditeur, conseiller du chancelier Willy Brandt, né en 1927 à Stuttgart, élève officier en 1945.
La débâcle de l’armée de Hitler, extrait des mémoires de Klaus Harpprecht
A 16 ans il est Flakhelfer, auxiliaire de la Flak.
Après deux ou trois jours de train nous arrivons à Brünn (Brno). Que devons-nous y faire, les officiers ne le savent pas non plus.
Le lendemain matin nous reprenons le train pour rejoindre un détachement d’élèves officiers. Où ? Le commandant ne le sait pas.
Arrivés du côté de Nuremberg nous savons que les Américains n’étaient pas loin, mais nous sommes encore à peu près une formation en bon ordre. Ce n’est qu’après un bombardement que notre commandant nous signifie de nous rendre en direction de l’ouest en évitant Nuremberg. Il pensait que défendre ce tas de ruine n’avait pas de sens. Mais il ajoute : « Gardez vos armes. Elles pourraient vous sauver la vie. » Nous nous mettons d’accord de prétendre, si nous sommes contrôlés, que nous avons perdu notre unité et que nous sommes à sa recherche. Nous passons non loin de l’endroit où avaient lieu les congrès du parti et voyons des jeunes, pendus, en uniforme de la jeunesse hitlérienne.
Nous rencontrons d’autres camarades dans la même situation que nous qui sont sous le commandement d’un officier de la Luftwaffe. Nous nous dirigeons vers le sud. D’après les bruits que nous entendons, nous précédons les chars américains de deux ou trois kilomètres.
Comme nous avons faim, nous frappons chez un paysan, mais il ne veut rien nous donner. Je le menace de mon arme (et je m’en veux pour cela encore aujourd’hui) et il s’exécute.
Plus loin, on nous montre le chemin d’un dépôt de vivres que la Wehrmacht a abandonné. Des civils avec des charrettes s’y dirigent aussi. Mais une fois arrivés, nous voyons que le dépôt est bouclé par des Waffen-SS. Heureusement que nous avons encore nos armes. Notre commandant explique au chef des Waffen-SS ce que nous avons convenu de dire. Rudement, il nous dit que nous sommes dès maintenant sous son commandement et qu’il abattra tous ceux qui essayent de se sauver.
Nous sommes tombés dans un piège de la brigade Dirlewanger : c’était une troupe redoutée, formée de droits communs libérés des prisons et de blessés à moitié guéris des hôpitaux, mais aussi de surveillants des camps de concentration évacués, [1] chaque unité contrôlée par des soldats SS durement éprouvés au combat. Le même jour on nous lance au front. Mais nous n’avons aucune chance contre les chars et l’infanterie américaine. Nos officiers disparaissent. Nous battons en retraite, commandés par un capitaine dégradé de la Wehrmacht, et nous trouvons encore de quoi nous nourrir. Nous creusons des abris pour chacun de nous. Plusieurs fois nous sommes obligés de quitter nos trous et de battre en retraite.
Le lecteur se demande avec raison pourquoi nous n’attendons pas tout simplement dans nos trous, l’arrivée des Américains. C’est que Goebbels et sa clique, avaient fait courir le bruit que les Américains livraient leurs prisonniers aux Russes. Cela fait son effet : tout sauf cela ! Donc, le jeu meurtrier continue.
Le lendemain, - c’est autour du 20 avril, l’anniversaire du « Führer »- , le chef de l’unité SS nous fait creuser nos trous près d’une rivière, au fond de la vallée, un choix de lieu idiot [pour être en position]. En haut de colline nous aurions pu nous sauver bien plus vite. Peut-être est-ce qu’il veut : nous faire tirer comme des lapins.
[Lors d’une dernière tentative de combattre contre des chars, l’auteur est grièvement blessé, mais sauvé par un camarade qui parvient à le transporter hors de portée des chars américains.]
Quelques infirmiers me soignent et lorsqu’un véhicule avec des SS passe, ils l’arrêtent en menaçant le chauffeur de leurs armes pour qu’ils m’emmènent dans un hôpital. Dans le prochain village,les SS me somment de descendre en me disant que je trouverais sûrement de l’aide. Une paysanne me prend sous ses ailes et je perds conscience.
Je me retrouve dans un hôpital gardé par des soldats américains. Quand je regarde par la fenêtre, deux soldats me montrent en riant un mur sur lequel il est écrit à la craie blanche : « Hitler dead ». Je pense « Maintenant tu es libre ». Et je pense en même temps « Maintenant tu es prisonnier ».
(Klaus Harpprecht a épousé Renate Lasker, survivante d’Auschwitz et de Bergen-Belsen. Anita Lasker qui était dans l’orchestre d’Auschwitz, a pu aider sa soeur à survivre.)
http://www.zeit.de/2014/19/auschwitz-ueberlebende-renate-lasker-harpprecht/komplettansicht
Anita-Lasker-Wallfisch survivante de l’orchestre de femmes à Auschwitz et du camp de Bergen-Belsen, reçoit le prix national allemand des mains du président Steinmeier le 3/ 9/ 2019.
https://www.haz.de/Nachrichten/Politik/Deutschland-Welt/Nationalpreis-fuer-Holocaust-Ueberlebende-Anita-Lasker-Wallfisch
Mathias Schenk, 18 ans, Sturmpionier dans la Wehrmacht pendant l’insurrection du ghetto de Varsovie, combat avec Dirlewanger.
http://www.warsawuprising.com/witness/schenk.htm
INGRAO Christian, Les chasseurs noirs. La brigade Dirlewanger, Librairie Académique Perrin, 2006, 290 p.
N.M. décembre 2014