Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Yvonne Laure Bellot, née Brunel, dite Yo Laur, franc-maçon

par Catherine Monjanel.
lundi 30 juillet 2018

Yo Laur, femme peintre, franc-maçon, déportée à Ravensbrück. Des dessins témoignent des conditions de vie des déportées.

Yvonne Laure Bellot, née Brunel, dite Yo Laur

Paris 1879-Ravensbrück 1944

Laure, Alice, Yvonne Brunel est née le 22 juillet 1879 à Paris. Elle est fille, petite-fille et nièce d’artiste-peintre. Son père, Alfred Brunel-Neuville est un célèbre peintre animalier. Yvonne a trois sœurs mais elle sera la seule à reprendre le flambeau familial.

Elle dessine, peint et s’initie avec son père, elle prend également des cours avec Jean-Léon Gérôme [1]. et intègre les Beaux-Arts avant de voler de ses propres ailes. Elle excelle dans les peintures délicates de chats.

Assez tôt, sans doute pour marquer son indépendance et ne plus être la fille de, elle choisit un pseudonyme, elle devient Yo Laur. En 1912 elle rencontre André Bellot, aviateur et journaliste. Ils se marient en 1913 et partent vivre en Algérie où André a des attaches. Yo Laur peint désormais les fabuleux paysages de l’Afrique du Nord, ainsi que des portraits de femmes indigènes (comme l’on disait alors).

Après la guerre de 1914 où André sert, brillamment, dans l’aviation, ils rentrent en France et s’installent boulevard de Clichy, à Paris. André est journaliste au journal « Le Matin » et Yo continue à peindre. Elle expose dans divers salons et remporte des prix dont une médaille d’Or à Bruxelles.

Un autre chemin spirituel, différent des arts, de la peinture l’attire : la Franc-Maçonnerie. En 1934 elle devient membre d’une loge du Droit Humain, seule Obédience mixte et internationale dans le paysage maçonnique de cette époque. Elle en restera adhérente jusqu’à l’interdiction de la maçonnerie par le régime de Vichy, en août 1940.

Les hostilités de septembre 1939 la trouvent à Paris, André est mobilisé, toujours dans l’aviation, à Casablanca. Il ne reviendra jamais en France et mourra en 1945, sans avoir revu son épouse.

Nous ne savons rien de ce que fit et pensa Yo Laur pendant l’Occupation si ce n’est qu’une enquête diligentée juste après la Libération, suite à sa déportation, indique « qu’elle a toujours manifesté des sentiments nationaux ».

En effet, le 24 juin 1944 la Gestapo vient perquisitionner à son domicile et l’arrête en compagnie d’autres personnes soupçonnées d’appartenir à la Résistance. Au cours de cette perquisition deux carabines anciennes offertes par Charles Nungesser [2], célèbre aviateur et ami du couple, sont découvertes, ce qui aggrave le cas de Yo Laur.

Fresnes, Yo Laur©

Elle est transférée à la prison de Fresnes puis, après un transit par le camp de Romainville, elle est déportée à Ravensbrück par le convoi parti de Paris le 15 août 1944. Elle porte le numéro matricule 57772 et le triangle rouge des politiques.

Camp de Torgau, Yo Laur©

Après quelques jours, elle est envoyée au camp de Torgau

Löthaus, Yo Laur©
Poste de soudure

mais sera finalement rapatriée à Ravensbrück.

La revue du dimanche, Yo Laur©

Elle a 65 ans et outre tous les maux du système concentrationnaire, elle souffre de graves problèmes pulmonaires.

Polonaises à Ravensbrück, Yo Laur©
debout toute la nuit

Elle s’éteint au Revier le 11 novembre 1944.

L’"infirmerie" Yo Laur©

Depuis sa détention et jusqu’au bout de son martyre, Yo Laur a dessiné, avec toutes les difficultés et dangers que cela pouvait comporter. Ces dessins ont été enterrés, déterrés, cachés puis ramenés en France par Béatrix de Toulouse-Lautrec [3], codétenue et amie de Yo Laur. Ils sont la mémoire du calvaire enduré par les prisonnières de Ravensbrück.

Les dessins :
Madame Marie Charrel, arrière petite-nièce de Yvonne Bellot en autorise la publication par le Cercle d’ étude de la Déportation et de la Shoah. Qu’elle en soit vivement remerciée ici.

Pour permettre au lecteur d’avoir une vision plus complète de la vie de sa parente Marie Charrel a écrit un livre [4] qui met en évidence l’existence, riche et variée, de Yo Laur, ainsi que sa tragique fin.

Catherine Monjanel, juillet 2018.

Ravensbrück, La mémoire et le silence

[1Jean-Léon Gérôme ( Vesoul 1824-1904)

[2Charles Nungesser, né en mars 1892 à Paris, disparu en mai 1927 dans l’Atlantique nord, avec François Coli lors d’une tentative de traversée Paris New-York sans escale, à bord de « l’oiseau blanc ».

[3Béatrix de Toulouse-Lautrec ( 1924-2017) Résistante et déportée.

[4Marie Charrel,  Je suis ici pour vaincre la nuit, éditions Fleuve, 2017.