Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Felix Nussbaum, une biographie

exposition au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, par Anne Pasques
dimanche 10 octobre 2010

Felix Nussbaum, né à Osnabrück en 1904, peintre de la « Nouvelle Objectivité ». Jeté de l’Académie de Berlin en 1933, il part en exil en Italie, ne peut séjourner en France, songe à aller en Angleterre, puis se réfugie en Belgique.

Le MAHJ (Le Musée d’art et d’histoire du judaïsme), présente une soixantaine de tableaux de Felix Nussbaum, soit près de la moitié de ses œuvres répertoriées qui ont presque toutes été réunies dans le musée d’Osnabrück construit spécialement pour les abriter par l´architecte Daniel Libeskind.

Félix était né dans cette ville de Basse-Saxe en 1904 dans une famille de la bourgeoisie commerçante juive. Son père amateur et collectionneur l’a initié à l’art ( il aimait Van Gogh, Utrillo et Le Douanier Rousseau) et l’a encouragé à aller suivre des cours à Berlin. Les œuvres présentées et, semble-t-il, toutes ses œuvres évoquent les moments de sa vie et les influences artistiques qui l’ont accompagné. Beaucoup d’œuvres de ses débuts ont disparu, une grande partie ayant été détruite dans l’incendie accidentel du hangar où il les entreposait.

Au début, sa famille est sollicitée, son premier autoportrait (présent dans l’exposition) est très marqué par Van Gogh, ceux de ses parents, son père devant ses entrepôts, sa mère sévère et traditionnelle précèdent chronologiquement ceux de son frère puis de la maison de vacances.

On peut repérer dans son œuvre différentes influences qui se combinent, s’additionnent et sont peu à peu assimilées, ainsi après l’influence de Van Gogh, du fauvisme puis de l’expressionnisme, il s’intéresse à la peinture métaphysique et à la « Nouvelle Objectivité » sans oublier la peinture nordique ancienne. Peu à peu son style s’affirme, sa peinture est plus lisse, ses traits de plus en plus précis ; mais il ne se ferme jamais à d’autres influences, par exemple, dans ses dernières œuvres il s’inspire de la peinture flamande.

Des allusions à la judéité sont dispersées dans son œuvre ; son tableau sur La Synagogue fait probablement allusion à son questionnement sur le judaïsme : au premier plan le chantre est replié sur lui-même tandis que le jeune homme regarde le monde et les visiteurs, la modernité se détourne de la tradition.

Le tableau qu’il intitule La place folle, correspond aux interrogations qu’il a connues à l’époque de ses études à Berlin ; il représente la Sécession berlinoise : devant la Porte de Brandebourg les professeurs de l’Académie des beaux-arts défilent tristement vêtus de noir en rang et bien en ordre, le peintre Lieberman qui est alors le maître de la peinture allemande, est installé (de façon instable comme son influence ?) sur sa maison et fait son autoportrait tandis qu’au premier plan, les jeunes artistes s’agitent dans une certaine confusion en lançant leurs tableaux (parmi ceux-ci, l’un de ceux qui représentent les parents de Felix Nussbaum) dans différentes directions.

Après un court séjour à Rome à la Villa Massimo, il revient en Allemagne au moment de la venue au pouvoir des nazis ; il choisit de quitter son pays avec son épouse, Felka Platek, une jeune artiste juive polonaise qui ne plaisait pas beaucoup à sa famille. Ils vont en Belgique qui avait été avec Ostende, le lieu de vacances familiales. Il est arrêté, transféré et enfermé dans le camp de Saint Cyprien [1] dans le sud de la France ; il parvient à s’en échapper et retourne en Belgique où il retrouve son épouse et où il vit quasiment cloîtré jusqu’à son arrestation et sa déportation pour Auschwitz.

Son enfermement physique se traduit dans son œuvre ; d’abord, il peint beaucoup, et il peint l’enfermement, il réalise de nombreux autoportraits, tous terribles et d’autant plus que sa technique a progressé, qu’elle s’est affirmée plus personnelle et plus sûre. Ses autoportraits sur la plage de Saint Cyprien, en peintre, au passeport juif… le placent au premier plan dans une zone d’où il semble quasiment impossible de sortir : barrée par les barbelés sur la plage de Saint Cyprien ou par une rangée d’immeubles, ou un mur ou encore par des mâts de bateaux qui ferment le port d’Ostende pour Douvres. Quelques œuvres laissent une échappatoire souvent difficilement visible, un espace étroit et inquiétant entre deux hauts murs, ou un tunnel en contrebas et peu accessible.

Tout se referme sur l’artiste et son épouse, la situation inquiétante qu’il voit venir ne l’empêche pas de s’interroger sur son travail et sur l’art, cette interrogation est présente depuis le début.

Dans ses dernières œuvres il n’y a aucun espoir, ni pour lui Felix Nussbaum, ni pour l’humanité comme on peut le voir dans son Joueur d’orgue de barbarie : le musicien ne joue pas, il est au milieu de squelettes et d’un monde qui se décompose, il apparaît comme le seul vivant.

Sa dernière œuvre, d’avril 1944, est intitulée Le triomphe de la mort : l’inspiration recoupe celle des vieux maîtres, Bosch et Breughel, la multitude des figures représentées peut trouver sans doute souvent plusieurs interprétations mais ce qui domine, ce sont les destructions, de tout ce qui est sculpture, art… la machine à écrire…le temps est arrêté, les boussoles sont brisées ; il y a aussi la représentation de la justice aveugle ou de la synagogue ( ?), les anges de la mort, les trompettes de Jéricho….
A-t-il encore peint ou dessiné ? en a-t-il été physiquement empêché ? On ne sait.

Mais, Felix et son épouse Feka sont arrêtés à Bruxelles, transférés au camp de Malines, puis déportés le 31 juillet 1944 à Auschwitz où ils sont assassinés.

Ses œuvres furent alors confiées à un docteur et ne furent récupérées que très tardivement par une cousine seule survivante de sa famille. En 1969, à la suite d’un procès, elle confia la majorité de ses œuvres à Osnabrück qui les installa dans un musée.

Anne Pasques, janvier 2011

Ses parents, Philipp et Rachel Nussbaum sont assassinés à Auschwitz en février 1944. Felix Nussbaum et sa femme Felka, en août. En septembre un frère, sa belle-soeur, sa nièce. Un frère meurt au Stutthof en décembre.
https://www.yadvashem.org/yv/en/exhibitions/nussbaum/about_nussbaum.asp

Felix Nussbaum, Osnabrück

Une exposition Felix Nussbaum au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, jusqu’au 23 janvier 2011
http://www.mahj.org/fr/3_expositions/expo-Felix-Nussbaum.php

Le musée Felix Nussbaum d’Osnabrück :
Felix Nussbaum Haus

Oeuvres en ligne de Felix Nussbaum d’Osnabrück, Felix-Nussbaum-Haus, 1998.
http://www.yadvashem.org/yv/en/exhibitions/nussbaum/index.asp?WT.mc_id=wiki

vidéo :
https://forward.com/video/302073/felix/

Hélène Cixous, Osnabrück, Des femmes, 1999
Hélène Cixous, Gare d’Osnabrück à Jérusalem, Galilée, 2016
Hélène Cixous, Cécile Wajsbrot, Une autobiographie allemande, Christian Bourgois, 2016

Osnabrück ancrée dans l’« Histoire de l’Europe et des Juifs »

Pour le juif, aucun refuge. Tableau avec une mappemonde et un homme, la tête dans ses mains, abattu, 1939.

Note de lecture sur Consolation de Mireille Calle-Gruber par Anaïs Frantz
Consolation de Mireille Calle-Gruber

Cf. Exposition Erich Maria Remarque : Im Westen nichts Neues traduit en 60 langues
http://www.remarque.uni-osnabrueck.de/

N.M. janvier 2011-avril 2018

[1voir Luis Bonet, Une auberge espagnole, Agone, 2016.
"Nous sommes là depuis déjà plusieurs jours. Nous continuons en vain d’attendre une distribution de nourriture qui apaiserait notre faim. Et l’administration du camp demeure invisible. Nul ici n’est responsable de l’existence de ces milliers d’hommes entassés sur cette plage, sans manteaux, privés d’eau potable et de nourriture. Pour nous accueillir, seuls ont été prévus des carrés de terrain délimités par quelques piquets enfoncés dans le sable. Ils sont reliés entre eux par plusieurs lignes de barbelés, pour nous parquer comme on le fait pour les vaches. Mais nous n’avons que du sable pour ruminer notre misère et les raisons qui nous ont amenés là. " Saint Cyprien, Pyrénées orientales.


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