Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

ROZENBERG NECHA

Convoi 76
mardi 5 décembre 2023

ROZENBERG Necha, 40 ans et sa fille Lisa, 10 ans

Necha Rozenberg orthographié également Rosenberg est née Wartelski le 14 novembre 1903 à Varsovie. Elle s’est mariée en 1925 avec Isaac Rozenberg, né le 20 août 1902 à Varsovie également. Nous ne connaissons pas la date de leur arrivée en France mais on sait qu’ils se marient à Paris en 1925. Ils auront deux filles, Rosa, née à Paris le 12 septembre 1927, et Lisa, née également à Paris, le 20 juin 1934. Ils sont alors maroquiniers. Comme beaucoup de familles juives polonaises, ils ont probablement fui l’antisémitisme à l’œuvre dans leur pays durant l’entre-deux-guerres.

Photographie de Lisa, prise à Avignon, probablement lors du passage de la famille dans cette ville Source : site AJPN

La politique antisémite des nazis mise en œuvre par le gouvernement de Vichy les pousse à quitter Paris pour Bourges, puis Avignon. Et finalement Saint-Laurent-de-Neste, un petit village situé à 30 km de Tarbes où se trouvent déjà des frères d’Isaac. C’est probablement par eux qu’ils ont connu ce village, un village situé à proximité des Pyrénées. Le passage de la frontière vers l’Espagne, à travers les Pyrénées, y était difficile, dans ce secteur, mais possible.

Dans un premier temps, Isaac Rozenberg trouve un travail dans un atelier de maroquinerie à Tarbes. Lorsque les Allemands occupent la zone sud, en novembre 1942, face aux menaces de rafles, ils décident d’envoyer, à partir du mois de décembre, leurs deux filles au couvent du Pradeau à Tarbes. Et eux sont cachés par une famille du village, Jeanne-Eulalie et Joseph Marmouget qui prennent le risque de les héberger dans une grange qu’ils possédaient dans le village. Mais, à la fin de l’année 1942, après l’occupation de la zone sud par les troupes allemandes, les contrôles sur les routes étant permanents, il devenait trop dangereux de sortir du village. Isaac et ses frères doivent renoncer à leurs emplois. Protégés par les habitants du village, ils tiennent bon jusqu’au jour où, en février 1944, un des hommes de la famille Rosenberg, à l’occasion d’une de ses rares sorties hors de sa planque, est contrôlé à l’entrée du village. Il n’a pas de papiers d’identité. Il est convoqué le lendemain à la gendarmerie du village. Il décide alors de passer la frontière. Deux jours plus tard, on venait l’arrêter…

En mars 1944, les autres hommes du village partent pour l’Espagne accompagnés de passeurs. Comme tout s’est bien passé pour eux, ils demandent à leurs familles de les rejoindre par la même filière avec les mêmes passeurs. Ainsi, à la tombée de la nuit, le 2 juin 1944, Necha Rozenberg et ses deux filles, tentent ce périple extrêmement risqué avec 18 personnes dont 8 enfants et adolescents de 8 à 16 ans, pour la plupart nés en France.

Alors qu’elles progressent de nuit en file indienne aux abords du village de Chaum en Haute-Garonne, leurs deux passeurs rémunérés en tête de la caravane, des cris brisent le silence : Halt ! Halt ! Cernées, les familles, terrorisées, tentent de fuir de toute part. Des tirs claquent et Jankiel Kadenski s’effondre, sous les yeux de son fils Marcel âgé de 12 ans et de son épouse Rywka. Rosa quant à elle, guidée par un instinct de survie, s’agrippe au bras d’un des passeurs qu’elle ne lâchera plus. Elle est ainsi extraite de la nasse nazie et fuit via le petit cours d’eau, déjouant le flair des chiens. Les passeurs s’enfuient et Rosa Rozenberg réussit aussi à s’enfuir. Elle revient chez Jeanne-Eulalie et Joseph Marmouget [1] à Saint-Laurent-de-Neste qui la cacheront jusqu’à la fin de la guerre. Les familles, quant à elles, prises au piège, sont dirigées vers la Kommandantur de Luchon puis internées à Toulouse avant d’être rapidement transférés à Drancy. Necha et sa deuxième fille Lisa entrent ainsi au camp de Drancy le 19 juin 1944 avec plus de 100 Juifs arrêtés dans la région de Toulouse. Leurs numéros matricule sont 24164 et 24165
Dix jours après leur arrivée, le 30 juin, elles sont conduites à la gare de Bobigny avec 1153 internés destinés à être déportés vers le centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. C’est le 76ème convoi de déportés juifs parti de Drancy.

Le voyage qui dure quatre jours, par une chaleur torride, dût être particulièrement épuisant pour cette mère, seule dans ces wagons à bestiaux plombés avec sa fille âgée de 10 ans. Le 4 juillet, le convoi entre à l’intérieur du camp de Birkenau sur la "rampe d’Auschwitz" où a lieu la sélection. Les travaux de Serge Klarsfeld ont permis d’apprendre que 223 femmes sur 495 et 398 hommes sur 654 sont déclarés " aptes " pour le travail. Ce sont généralement les plus jeunes. Le nombre de déportés désignés pour ce travail d’esclave, plus de la moitié, est beaucoup plus élevé que celui des transports précédents car les camps deviennent, en 1944, un vivier de travailleurs pour l’industrie de guerre. L’autre moitié du convoi, les malades et les enfants, dits "inaptes" au travail, sont gazés dès l’arrivée. Il est probable que Necha et Lisa aient été ainsi assassinées dès l’arrivée du convoi.

Rosa, quant à elle, retrouvera son père après la guerre. Elle s’est mariée. Épouse Zombek, elle habitait en Belgique, à Molenbeek. Elle est cependant restée en relation avec la famille Marmouget, notamment avec la fille de la famille. Elle est décédée à Molenbeek le 28 mars 2017.

Stèle de Saint-Laurent-de-Neste rendant hommage aux victimes de la rafle, mortes en déportation Y figurent Necha Rozenberg et sa fille, Lisa

Sources : DAVCC- AC21P 533978 et 534015- Mémorial de la Shoah- écrit en collaboration avec Sandrine Espouey, documentaliste au musée de la Déportation et de la Résistance de Tarbes et des Hautes-Pyrénées.-

Chantal Dossin

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[1Les Marmouget seront honorés du titre de Justes de France en 1992