Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

LEVI IVELINE

Convoi 76
jeudi 22 février 2024

Yveline Levi, 19 ans en 1944

Yveline Levi est née le 3 décembre 1925 à Paris 10ème. Elle vivait au 1 rue Ferdinand Laborie dans le 18ème arrondissement avec ses parents Joseph et Louise et ses deux sœurs Simone, dite Mina, l’aînée, et Jeanine , la plus jeune. Joseph et Louise Levi étaient nés à Bougie en Algérie. Ils ont quitté l’Algérie pour la France en 1925 et se sont installés à partir de 1928 au 1, rue Laborie, dans le 18ème arrondissement, un quartier populaire où vivaient de nombreuses familles juives. Un appartement modeste, mais avec un long balcon qui plaisait au père de famille. Joseph Levi était commerçant. Yveline a le souvenir d’une enfance heureuse.

Photographie d’Yveline Levi, quelques années avant son arrestation




Mais dès 1940, le statut des Juifs élaboré par le gouvernement de Vichy, prive le père de son commerce. Il doit alors travailler comme manœuvre dans l’entreprise Joubert et Corbier. Il est par ailleurs arrêté, puis relâché le 18 décembre 1941, suite à un contrôle de sa carte d’identité.

En 1943, c’est au tour de Simone Levi, la sœur d’Yveline, d’être arrêtée le 24 janvier 1943, pour recel, incarcérée à la prison de la petite Roquette, puis, en tant que Juive, conduite le 1er avril au camp de Drancy. Son numéro matricule est le 20296. Elle est déportée par le convoi 57 parti de Drancy le 18 juillet 1943 et arrivé à Auschwitz le 23 juillet. À partir de là, on perd sa trace. De ce convoi, seules 16 femmes ont survécu. Simone Levi n’en faisait pas partie. Elle avait 20 ans. Assassinée soit dès l’arrivée du convoi, soit à l’intérieur du camp de Birkenau.

Yveline Levi travaillait dans un atelier du Pelotonnage parisien depuis l’âge de 14 ans. C’est en rentrant de son travail qu’elle est arrêtée dans la rue le mercredi 14 juin par des inspecteurs de police de la SEC, section d’enquête et de contrôle, police aux questions juives créée par le gouvernement de Vichy. Ils effectuent le plus souvent ces arrestations sur la voie publique, repérant les personnes, débusquant les infractions aux lois antisémites. Yveline Levi est ainsi arrêtée dans la rue, près de chez elle. Elle est dite en infraction à la 6e ordonnance sur les heures de sortie et sur le port de l’étoile jaune. Après être montés à son domicile d’où ses parents et sa jeune sœur étaient heureusement absents, elle est conduite au commissariat du 18e arrondissement, puis mise à la disposition de la Préfecture de police qui transforme cette mise à disposition en arrestation. Dès le lendemain, elle est internée au camp de Drancy. Son numéro matricule est 23970, catégorie déportable. Elle est internée escalier 3 chambre 2. La fiche du carnet de fouille de Drancy dit qu’elle remet au chef de la police du camp la somme de 23 francs, puisque chaque interné devait remettre argent et objets de valeur à son arrivée au camp.

Le 30 juin, elle est conduite à la gare de Bobigny avec 1153 internés destinés à être déportés vers le centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. C’est le 76ème convoi de déportés juifs parti de Drancy. Le voyage qui dure quatre jours, par une chaleur torride, est particulièrement épuisant pour ces familles entassées dans des wagons à bestiaux plombés. Le 4 juillet, le convoi entre à l’intérieur du camp de Birkenau sur la "rampe d’Auschwitz" où a lieu la sélection. Les travaux de Serge Klarsfeld ont permis d’apprendre que 223 femmes sur 495 et 398 hommes sur 654 sont déclarés " aptes " pour le travail . Ce sont généralement les plus jeunes. Le nombre de déportés désignés pour ce travail d’esclave, plus de la moitié, est beaucoup plus élevé que celui des transports précédents car les camps deviennent, en 1944, un vivier de travailleurs pour l’industrie de guerre. L’autre moitié du convoi, les malades et les enfants, dits "inaptes" au travail, sont gazés dès l’arrivée.

Yveline Levi, jeune, entre au camp de femmes de Birkenau. Son numéro matricule, tatoué sur le bras, est le A-8640. Selon un document d’archives du camp exceptionnellement conservé, on sait qu’elle se trouvait dans la baraque 22b du camp en octobre 1944. Elle est affectée à un Kommando de terrassement où les femmes doivent creuser des fossés avec des pioches, un travail très pénible dans un Kommando extérieur, donc exposée au froid. Elle survit cependant jusqu’à l’évacuation du camp en janvier 1945.

Page du répertoire de la baraque 22b du camp de Birkenau à la lettre L. : Y figurent de gauche à droite, le numéro matricule d’Yveline Levi, A-8640, Fr. J., Française juive, Son nom écrit "à l’allemande", Levy evelina, son âge, 20 ans.




Le 7 janvier, peu de temps avant l’évacuation générale du camp, elle est transférée en wagons à bestiaux au camp de Bergen-Belsen. Le convoi y arrive le 10 janvier. Nouveau camp, nouveau numéro. Ce sera le matricule 7891 pour Yveline Levi. De ce camp surpeuplé, en raison des évacuations successives des autres camps, elle est évacuée le 7 février avec 500 femmes, dont une trentaine du convoi 76, au camp de Raguhn, un Kommando du camp de Buchenwald, où les firmes Heerbrandt et Junkerswerke firent appel à des femmes juives pour fabriquer des pièces d’armes et d’avions. Des baraques furent construites en toute hâte et encerclées de barbelés.

Le Kommando est évacué le 10 avril 1945, dans les mêmes wagons à bestiaux, direction Theresienstadt. Encore un voyage terrible qui dure une semaine ou plus, nous dit Ginette Kolinka, rien à manger, quantité de mortes à l’arrivée au camp de Theresienstadt, le 9 mai 1945, jour où il est libéré par l’Armée Rouge. Ces femmes sont convoquées dès leur arrivée à une séance de désinfection. Une liste donne les noms de ces femmes. Yveline Levi figure sur la liste ainsi que 20 femmes du convoi 76.Par la suite, nous dit-elle, elles ont été lavées, soignées, on leur a donné à manger.

Fin mai commencent les rapatriements en France. Yveline Levi arrive le 7 juin 1945 à Lyon, puis, après une nuit d’hôtel, est transférée à l’hôtel Lutetia le 9 juin 1945.
A son retour, à partir de 1945 et plusieurs années après, Yveline Levi a dû effectuer de nombreux séjours en centres de convalescence, à Penne d’Agennais, et à la Baule. Elle a recommencé à travailler environ à partir de 1952. Elle a été employée de maison pour différents employeurs puis a fini sa carrière comme vendeuse au Bon Marché.

DAVCC Caen- Mémorial de la Shoah-Témoignage de Micheline Taillardat-

Chantal Dossin

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