Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

FAMILLE ZYTANER

Convoi 76
lundi 20 novembre 2023
FAMILLE ZYTANER, Rebecca, 41 ans et Eliza, 11 ans

Rebecca Zytaner était née à Varsovie le 2 janvier 1903, elle était la fille de Szmul OKS et d’Estera Listenberg. A Paris, elle est dite "mécanicienne", une spécialité que l’on retrouve chez de nombreuses femmes immigrées, polonaises notamment, qui confectionnent des vêtements sur leurs machines à coudre.

Elle s’est mariée à Paris le 29 juin 1930 avec Baruch Zytaner, né le 10 octobre 1904 à Vladimir Volynsky, en Russie. Trois ans après, le 20 août 1933, naît une petite Eliza, enregistrée dans le 10ème arrondissement de Paris. Baruch Zytaner est dit chauffeur. La date de l’arrivée en France de Rebecca et Baruch Zytaner est inconnue, mais c’est inévitablement avant 1930, durant cette période de l’entre-deux-guerres qui voit venir en France de nombreux immigrés des pays de l’Est fuyant l’antisémitisme et les pogroms. Cependant la politique antisémite du gouvernement de Vichy les pousse à fuir encore. Ils partent alors en zone sud, peut-être après la rafle du Vel’ d’Hiv’.

Ils se réfugient à Saint-Laurent-de-Neste, un village situé dans le département des Hautes-Pyrénées à 45 kilomètres de la ville de Tarbes. Le passage de la frontière vers l’Espagne, à travers les Pyrénées, y était difficile, dans ce secteur, mais possible. De plus, au moins six familles juives originaires de Paris, s’étaient réfugiées dans ce village, certaines dès 1941, d’autres après la rafle du Vél’ d’Hiv’ : les Guttmann, les Osman, les Kadenski, les Jackson, les Rozenberg, les Kutas. Ces derniers vivaient à Paris, à la même adresse que la famille Zytaner, au 10, rue Soleillet. Probablement des parents ou des amis qui s’étaient donné l’information, d’autant plus qu’une famille d’agriculteurs de la commune, la famille Marmouget, avait hébergé clandestinement plusieurs de ces familles. Pour l’aide offerte à ces familles persécutées, les Marmouget seront honorés du titre de Justes de France en 1992.

Face à des menaces de rafles grandissantes dans la région, la plupart des hommes de ces familles sont déjà partis pour l’Espagne, en mars 1944 avec des passeurs. Il semble que Baruch Zytaner souhaitait s’engager dans les Forces Françaises Libres en Afrique du Nord. Comme tout s’est bien passé pour eux, ils demandent à leurs familles de les rejoindre par la même filière avec les mêmes passeurs.

Photographie d’Elisa Zytaner, à l’âge de 8 ans environ, Source : Yad Vashem



Ainsi, à la tombée de la nuit, le 2 juin 1944, Rebecca Zytaner et sa fille, Eliza, avec 18 personnes dont 8 enfants et adolescents de 8 à 16 ans, pour la plupart nés en France, tentent ce périple extrêmement risqué. Durant la journée suivante, le groupe de candidats à l’évasion se cache dans une grange et ne reprend sa marche qu’à la nuit tombée le 3 juin 1944. Trahis par leur passeur, ils sont interpellés vers 2h du matin par des douaniers allemands dans une prairie bordant la voie ferrée Luchon-Montréjeau à Chaum en Haute-Garonne près de Saint-Béat. Une adolescente, Rosa Rozenberg, 16 ans, parvient à s’échapper en agrippant instinctivement le bras d’un des deux passeurs qui s’enfuient via le lit d’un cours d’eau, déroutant le flair des chiens, mais un homme, Jacques Kadenski, est tué devant sa femme et son fils par les balles allemandes qui fusent de toutes parts pendant près de 30 mins . Les recherches pour retrouver la fugitive durent jusqu’à 7h du matin. Les 16 restants sont amenés au poste allemand de Cierp puis internés dans les geôles de la Gestapo de Luchon, puis à Toulouse (prison Saint-Michel puis Caffarelli) avant d’être rapidement transférés à Drancy où ils entrent le 19 juin 1944 avec plus de 100 Juifs arrêtés dans la région de Toulouse. Leurs numéros matricule sont le 24170 et 24171. Dix jours après leur arrivée, le 30 juin, ils sont conduits à la gare de Bobigny avec 1153 internés destinés à être déportés vers le centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. C’est le 76ème convoi de déportés juifs parti de Drancy.

Le voyage qui dure quatre jours, par une chaleur torride, dût être particulièrement épuisant pour cette mère, seule dans ces wagons à bestiaux plombés avec sa fille âgée de 11 ans. Le 4 juillet, le convoi entre à l’intérieur du camp de Birkenau sur la "rampe d’Auschwitz" où a lieu la sélection. Les travaux de Serge Klarsfeld ont permis d’apprendre que 223 femmes sur 495 et 398 hommes sur 654 sont déclarés " aptes " pour le travail. Ce sont généralement les plus jeunes. Le nombre de déportés désignés pour ce travail d’esclave, plus de la moitié, est beaucoup plus élevé que celui des transports précédents car les camps deviennent, en 1944, un vivier de travailleurs pour l’industrie de guerre. L’autre moitié du convoi, les malades et les enfants, dits "inaptes" au travail, sont gazés dès l’arrivée. Il est probable que Rebecca Zytaner et sa fille, âgée de 11 ans aient été assassinées, le 4 juillet 1944, dès l’arrivée au camp de Birkenau, où se trouvaient les chambres à gaz.

Photographie de Rebecca Zytaner, Source Yad vashem



DAVCC AC21P552891-AC21P552890- Mémorial de la Shoah
Écrit en collaboration avec Sandrine Espouey, documentaliste au Musée de la déportation et de la résistance des Hautes-Pyrénées, 63 rue Georges Lasalle, 65000 Tarbes

Chantal Dossin

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