Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

FISCHHOF BERTHE

lundi 11 mars 2024

Berthe Fischhof, 50 ans en 1944

Berthe Rabinowitz, épouse Fischhof, est née à Rambouillet le 12 octobre 1894. Ses parents, Meir Hirsch Rabinowitz et Caroline Poliakoff, originaires de Russie, vivaient donc en France depuis au moins la fin du XIXème siècle. Cette famille juive était certainement bien intégrée lorsqu’éclate la guerre. Berthe Rabinowitz s’était mariée à Paris, à la mairie du 9ème arrondissement, le 11 novembre 1913 avec Richard Fischhof, né le 11 août 1891 à Vienne, en Autriche. Richard Fischhof était négociant. Ils ont eu 4 enfants, Huguette, née le 28 décembre 1918, Jean-Claude, né le 24 février 1920, Liliane, née le 1er décembre 1921 et Jean-Jacques, né le 18 décembre 1924.Berthe Fischhof et ses enfants étaient nés en France, donc tous Français, ce qui ne les empêche pas d’être rattrapés, dès 1942, par la politique antijuive du gouvernement de Vichy.

Jean-Jacques Fischhof et son père Richard sont arrêtés les premiers. Jean-Jacques est arrêté en juillet 1942, en raison du non-port de l’étoile jaune, selon sa famille, et est interné au camp de Drancy le 6 juillet 1942. Il est transféré le 1er septembre 1942 au camp de Pithiviers, puis le 15 septembre au camp de Beaune-la-Rolande, car le camp de Drancy était complet à ce moment-là. Il est à nouveau transféré au camp de Drancy le 21 septembre avec un groupe d’internés de la baraque 19 du camp de Beaune-la-Rolande, en vue de sa déportation. Il est déporté deux jours plus tard à Auschwitz, le 23 septembre 1942, par le convoi 36. Il décède le 5 octobre, quelques jours après l’arrivée du convoi, probablement gazé. Richard Fischhof est, lui, arrêté en 1942. Il est arrêté rue Lafayette dans le 9e arrondissement avec des personnes que la Gestapo venait d’arrêter, est-il dit dans son dossier de déporté. Il est conduit au camp de Drancy et déporté le 28 septembre, par le convoi 38. Il a pu donc rencontrer son fils au camp de Drancy. Il est dit décédé le 3 octobre 1942, donc assassiné à l’arrivée du convoi à Auschwitz. Il ne restait qu’une vingtaine de survivants de ces deux convois de 1000 déportés en 1945.
Le frère de Richard, Léo, est lui, raflé à Nice où il semble qu’il s’était réfugié, le 11 septembre 1943. Il s’agit des premières rafles effectuées par Brunner qui a fait son entrée à Nice le 10 septembre, à la tête d’une équipe de dénonciateurs qui font la chasse aux Juifs en ratissant toute la ville de Nice et les localités voisines. Il est déporté par le convoi 60 parti de Drancy le 7 octobre 1943. Âgé de plus de 60 ans, il a probablement été assassiné dès l’arrivée du convoi à Auschwitz.

Photographie de Berthe Fischhof - Fonds privé

Berthe Fischof est arrêtée à son domicile, au 7 bis rue Lalo, dans le 16ème arrondissement, le 20 juin 1944. Elle est arrêtée par le Kommando de Drancy composé de trois internés viennois du camp de Drancy qui opèrent, sous la direction de deux SS, des arrestations à domicile dans Paris. Ce jour-là et le jour suivant, ils ratissent le 16ème arrondissement, dans la partie située entre l’avenue de la Grande Armée et l’avenue Foch. Les familles arrêtées le 20 juin habitaient toutes dans la rue Lalo et sont internées le jour même au camp de Drancy, sans enregistrement de ces arrestations "sauvages". Très souvent ce Kommando obtenait les adresses en exerçant des menaces diverses auprès de familles internées au camp. Berthe Fischhof reçoit au camp de Drancy le numéro matricule 24187.

Dix jours plus tard, le 30 juin, elle est conduite à la gare de Bobigny avec 1153 internés destinés à être déportés vers le centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. C’est le 76ème convoi de déportés juifs parti de Drancy. Le voyage qui dure quatre jours, par une chaleur torride, dût être particulièrement épuisant pour ces familles entassées dans des wagons à bestiaux plombés. Le 4 juillet, le convoi entre à l’intérieur du camp de Birkenau sur la "rampe d’Auschwitz" où a lieu la sélection. Les travaux de Serge Klarsfeld ont permis d’apprendre que 223 femmes sur 495 et 398 hommes sur 654 sont déclarés " aptes " pour le travail. Ce sont généralement les plus jeunes. Le nombre de déportés désignés pour ce travail d’esclave, plus de la moitié, est beaucoup plus élevé que celui des transports précédents car les camps deviennent, en 1944, un vivier de travaille pour l’industrie de guerre. L’autre moitié du convoi, les malades et les enfants, dits "inaptes" au travail, sont gazés dès l’arrivée.

Bien qu’âgée de 50 ans, Berthe Fischhof entre au camp de femmes de Birkenau. Elle devient la déportée A- 8577. On sait qu’elle survit au moins jusqu’au 12 août 1944 , car un document conservé dans les archives du camp y note son passage à l’infirmerie. On ne trouve plus trace d’elle par la suite.

Acte de disparition daté du 4 novembre 1947, adressé par le Ministère des anciens combattants à la famille de Berthe Fischhof

L’aînée des enfants de Berthe et Richard Fischhof, Huguette, s’était engagée dans la Résistance. Il semble qu’elle se trouvait à Grenoble, puis dans la Creuse et appartenait au mouvement Libération. Elle disparaît le 13 juillet 1944, alors qu’elle devait prendre le train en gare de Montluçon pour Paris.

Le sort de cette famille reflète la destinée tragique de nombreuses familles juives. Seuls Jean-Claude et Liliane Fischhof ont échappé aux persécutions. Jean-Claude a été sauvé par son engagement, dans la Résistance. Il avait regagné les Français Libres dès l’automne 1941. Liliane a été sauvée par sa sœur aînée, Huguette, qui organisa son passage en Suisse.

DAVCC 21P450317- 21P450317- Mémorial de la Shoah. Feuille de témoignage Yad Vashem.
Chantal Dossin

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