Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Émile NIEDERMAN, convoi 76

vendredi 3 mars 2023

Émile Niederman, 16 ans en 1944

Émile Niederman est né à Paris dans le 15ème arrondissement le 9 septembre 1927. Il est le fils de Geza ( Gaston) Niederman et d’Ilonka (Hélène) Krausz, tous les deux d’origine hongroise. Ils viennent l’un et l’autre en France pour se perfectionner dans l’art de travailler les bijoux. Après s’être rencontrés à Vienne, ils se retrouvent à Paris en 1924 et se marient. Ils habitent Boulevard Saint Martin, dans le 3ème arrondissement. Geza fonde son atelier de joaillerie. Ils ont deux enfants, Robert, en 1925 et Émile en 1927.

Les mesures antijuives touchent rapidement la famille. Leur atelier est aryanisé dès 1940. Le 17 juillet 1942, lors de la rafle du Vél’ d’Hiv, Émile Niederman assiste depuis l’appartement des voisins d’en face à l’arrestation de son père. Gravement malade, celui-ci est transporté sur un brancard jusqu’au camp de Drancy puis déporté à Auschwitz par le convoi 9 le 22 juillet 1942. Les enfants et leur mère échappent à l’arrestation. Robert, déjà à Lyon, organise la venue de son frère Émile, puis de sa mère. Ils partent ensuite pour Nice où se trouvent déjà les frères de leur père, Louis et Marcel. En juin 1943, Émile Niederman obtient son premier bachot avec un an d’avance.

Photographie d’Emile Niederman avant-guerre

A l’automne 1943, à la fin de l’occupation italienne, la famille se réfugie dans un premier temps dans l’arrière-pays niçois, près de Sclos de Contes. Ils sont recueillis par Joseph et Ludivina Gallo, une famille italienne qui les cache. Émile, qui ne peut plus suivre d’étude, était toujours avec ses livres, dit Ludivina. Puis, se trouvant probablement trop près de Nice où se succèdent les arrestations, ils fuient encore.

Joseph Gallo conduit Ilonka à Monaco où elle se cache chez un ami avant de trouver une cachette au Cap-d’Ail, près de Monaco. Robert et Émile, eux s’enfoncent dans la montagne, près de Barcelonnette. Ils se rendent à l’auberge de jeunesse de St Paul sur Ubaye dirigée par un ami de Robert où ils se font embaucher comme domestiques agricoles à Fouillouse. Les auberges de jeunesse devinrent souvent des nids de résistance. Puis, le patron de Robert ne pouvant plus le garder, Robert quitte Fouillouse pour Valserres, un village situé au sud de Gap où il espère être rejoint par Émile.

Émile, quant à lui, veut rejoindre sa mère au Cap-d’Ail. Il se joint pour cela à un groupe de résistants italiens. Ils sont arrêtés par la Gestapo vers le 20 juin aux environs de Saint-Etienne de Tinée, à proximité de la frontière italienne. Émile Niederman est conduit à l’hôtel Excelsior à Nice. Il reste à Nice environ 1 semaine, et entre au camp de Drancy le 28 juin 1944 avec 46 déportés arrêtés dans la région de Nice. Il est enregistré sous son faux nom Émile Bottin. La fiche de son carnet de fouille dit qu’il remet au chef de la police du camp la somme de 32 francs, puisque chaque interné devait remettre argent et objets de valeur à son arrivée au camp. son numéro matricule est le 24583. Le 30 juin, il est conduit à la gare de Bobigny avec 1153 internés destinés à être déportés vers le centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. C’est le 76ème convoi de déportés juifs parti de Drancy.

Le voyage qui dure quatre jours, par une chaleur torride, est particulièrement épuisant pour ces familles entassées dans des wagons à bestiaux plombés. Le 4 juillet, le convoi entre à l’intérieur du camp de Birkenau sur la "rampe d’Auschwitz" où a lieu la sélection. Les travaux de Serge Klarsfeld ont permis d’apprendre que 223 femmes sur 495 et 398 hommes sur 654 sont déclarés " aptes " pour le travail. Ce sont généralement les plus jeunes. Le nombre de déportés désignés pour ce travail d’esclave, plus de la moitié, est beaucoup plus élevé que celui des transports précédents car les camps deviennent, en 1944, un vivier de travailleurs pour l’industrie de guerre. L’autre moitié du convoi, les malades et les enfants, dits "inaptes" au travail, sont gazés dès l’arrivée.

Émile Niederman, âgé de 16 ans, entre au camp d’ d’Auschwitz III situé à une dizaine de kilomètres d’Auschwitz près du village de Monowitz. Y était installée l’usine surnommée « Buna », d’IG Farben-Industrie destinée à fabriquer du caoutchouc synthétique. On lui tatoue sur le bras gauche le numéro matricule A-16594. Il survit jusqu’à l’évacuation du camp. Selon le témoignage d’un déporté qui travaillait dans son Kommando, il était apprenti soudeur et travaillait à l’intérieur, ce qui lui a probablement permis de survivre jusque là. Mais le 18 janvier 1945, il fait partie des 250 à 300 déportés du convoi 76 évacués du camp de Monovitz. Il effectue la première marche de la mort, une marche de 60 kilomètres sur des routes enneigées, en plein hiver, jusqu’à la ville de Gleiwitz, un Kommando du camp d’Auschwitz. Le 20 ou le 21 janvier, 2451 déportés sont entassés dans des wagons à charbon que les hommes rentrés dénommaient "wagons découverts", car sans toit, donc ouverts à tous les vents, à la neige et au froid, sans recevoir de nourriture. Après six jours de transport, il arrive vivant avec 100 hommes du convoi 76 le 26 janvier 1945 au camp de Buchenwald.

Carte de déporté d’Emile Bottin-Niederman au camp de Buchenwald. Cause de la mort : septicémie due à un phlegmon




Il devient le déporté 122 315. Probablement épuisé par ces marches de la mort, il décède à l’infirmerie du camp deux mois plus tard, le 20 mars 1945.

Robert Niederman retrouve sa mère au Cap d’Ail après la Libération. Ils reviennent à Paris où Robert Niederman poursuit ses études alors que la mère d’Émile Niederman reprend , après un long procès, la joaillerie créée par son mari où elle travaille jusqu’en 1970. Ils terminent ensemble, Ilonka et la famille de Robert Niederman, leur vie au Pérou où Robert Niederman a poursuivi sa carrière d’ingénieur agronome. Ilonka y est décédée en 2006.

DAVCC AC21P520604- Mémorial de la Shoah- site Arolsen
Site l’Echo de leurs voix

Chantal Dossin
Retour à la liste :
Liste du Convoi 76 et liens vers des notices biographiques