Les engagés volontaires juifs étrangers dans les armées françaises durant les deux guerres mondiales.
Hommage aux engagés volontaires anciens combattants juifs - Dimanche 3 juin 2018 à 10h30 au Cimetière parisien de Bagneux
Exposition au Mémorial de la Shoah jusqu’au 8 mars 2015.
Première guerre mondiale
La première photo que l’on aperçoit en descendant l’escalier menant à l’exposition est celle d’un poilu de la grande guerre. Elle indique sobrement : Jacob Michalowitch. Engagé volontaire en 1914. Assassiné à Auschwitz-Birkenau en 1942. Tout est dit.
Dès le début du conflit, une affiche rédigée par la communauté juive, en français et en yiddish invite « tous les Juifs qui même s’ils ne sont pas français de droit, le sont de cœur et d’âme, à s’engager pour la France, qui la première a reconnu les droits de l’homme pour les Juifs, afin de défendre cette grande et noble nation ».
La mobilisation est générale, l’enthousiasme ne l’est pas moins. Sur 32 000 volontaires étrangers engagés à partir de 1914, près de 6 000 sont juifs. Mais l’antisémitisme ne faiblit pas puisque des membres de la communauté se sentent obligés, en 1915, d’éditer des brochures mettant en évidence, avec noms et faits, les actes de bravoures des soldats, gradés ou hommes du rang, afin de répondre aux attaques antisémites.
Même si, théoriquement l’intégration des volontaires étrangers dans les corps français est possible, la majorité des engagés est dirigée vers la Légion étrangère où elle est enrôlée dans des régiments de marche de volontaires étrangers ( RMVE). Ces unités rassemblent plusieurs milliers d’hommes d’environ 50 nationalités et où la moyenne d’âge est de 30-35 ans.
Les engagés volontaires pour la durée de la guerre ( EVDG) juifs retrouvent parfois au sein de ces régiments l’antisémitisme qu’ils avaient connu dans la vie civile. L’ambiance est lourde, aussi des mutineries éclatent au printemps 1915 au sein du 2 ème régiment étranger entre engagés et gradés. Beaucoup de soldats auraient préféré être incorporés dans l’armée régulière. Le soldat Maurice Sloutchewki affirmant même « choisir la potence plutôt que de rester à la Légion ». Certains mutins sont condamnés et fusillés. D’après les témoins ils sont morts en criant « Vive la France ». Même si dans tous groupes humains, pour les Juifs comme pour les autres, la peur peut aller jusqu’au refus d’obéissance devant l’ennemi, dans ce cas ce ne fut pas la couardise qui les menât au peloton d’exécution mais c’est le refus de subir des injures, des vexations, des mauvais traitements et l’antisémitisme qui motivèrent ces mutineries.
Tout rentra dans l’ordre et les soldats étrangers, Juifs ou non firent leur devoir, souvent, comme les soldats des troupes coloniales, en premières lignes et ce jusqu’à la fin des hostilités puisque les engagés l’étaient jusqu’à la fin de la guerre.
Dans l’entre-deux guerres (1918-1939) diverses associations d’anciens combattants juifs virent le jour, pour garder vive la mémoire de l’engagement, faire connaître et reconnaître, auprès des autorités, de l’opinion publique et au sein du monde communautaire l’attachement viscéral de ces anciens soldats à la France, dans la guerre comme dans la paix. Au début des années 1930, un comité d’entente est créé. Il regroupe les anciens combattants juifs et les volontaires juifs étrangers. Ces derniers peuvent revendiquer la fière devise de la Légion étrangère : « Français, non par le sang reçu, mais par le sang versé »
Deuxième guerre mondiale
La Seconde guerre mondiale se profile. Dès septembre 1939, les volontaires étrangers affluent pour s’engager. 43 000 étrangers sont incorporés sur 83 000 demandes et parmi ces derniers environ 25 000 Juifs. Les volontaires ont à cœur de défendre leur patrie d’adoption contre la menace nazie. Certes, d’autres facteurs motivent cet engagement : acquisition de la nationalité française ou amélioration matérielle de la vie de leur famille mais quelles qu’en soient les raisons, cet engagement était au risque de leur vie et de tout temps, des hommes s’engagent pour le gîte, le couvert et la solde. Accuser les Juifs et seulement eux, de n’avoir d’autre intérêt que matériel ou de manquer de patriotisme comme l’a écrit le sinistre Lucien Rebatet ( un des plus vils « collabos » que Vichy ait compté), dans son torchon « Les Décombres » relève de l’antisémitisme le plus abject.
Les soldats étrangers, juifs ou non, font leur devoir ; sous-armés, sous-équipés, ces fameux régiments « ficelles » comme les désigne, en se moquant, la propagande nazie. Ces soldats se battent comme des forcenés pour stopper l’avance de l’armée allemande. Leur bravoure est remarquable et remarquée puisque sur treize palmes obtenues par les unités au cours de la campagne 1939-1940, cinq le sont par des régiments étrangers.
Au moment où des officiers supérieurs (pas tous mais beaucoup) sont déjà aux pieds des Pyrénées, des hommes du rang, étrangers pour beaucoup et des soldats de la coloniale : tirailleurs sénégalais, division algérienne et marocaine, se font tuer sur les ponts de la Loire afin d’empêcher les Allemands d’aller plus loin. Ils ont sauvé, pour une grande part, l’honneur de l’armée française.
L’armistice est signé. Les régiments sont dissous, les soldats étrangers sont démobilisés, versés dans des groupements de travailleurs étrangers GTE ou en captivité.
Si les soldats juifs sont, théoriquement, protégés par la convention de Genève, ils n’en subissent pas moins, selon les camps, des brimades, mauvais traitements, vexations et humiliations comme le montre la photo du soldat Nathan Nejman, posant avec une étoile jaune cousue sur son uniforme !
Bien que devant être protégés, les épouses et enfants de ces prisonniers ne sont pas épargnés par les arrestations, l’internement et la déportation vers Auschwitz-Birkenau ou Bergen-Belsen.
Pour les soldats juifs, démobilisés ou évadés et vivants en France, leur engagement, leur courage dans les combats, leurs décorations gagnées dans l’une ou l’autre guerre ne leur vaudra aucun traitement de faveur de la part du Régime de Vichy. Leur calvaire sera semblable à celui de la population civile juive.
Entre autres exemples, les vexations et l’arbitraire que subit Jacques Cling. Forcé d’apposer sur la vitrine de son magasin l’affichette « entreprise juive », il place sous cette marque infamante un présentoir avec les sept médailles, dont les prestigieuses médailles militaires et croix de guerre, gagnées sur les champs de bataille de la première guerre mondiale où il fut engagé volontaire. Sa conduite héroïque lors de la grande guerre ne le protégea pas, puisqu’il fut déporté ainsi que sa famille.
Un enfant à Auschwitz, Maurice Cling
L’exposition se clôture sur quelques portraits d’engagés volontaires juifs et notamment celui de Victor Fajnzylberg. Il est représenté avec ses décorations et sa béquille car il avait été amputé de la jambe gauche lors des combats de mai 1940. Cette photo où il figure avec ses deux enfants, une petite fille qui porte l’étoile jaune et un petit garçon qui ne la porte pas encore, trop jeune, a été envoyée, accompagnée d’une lettre au maréchal Pétain, lui demandant de faire libérer son épouse Ita, arrêtée lors des rafles du 16 juillet 1942. Il n’eut pour réponse que sa propre arrestation. Il se défendit à coups de béquille lorsque les « courageux » policiers de Vichy vinrent l’arrêter pour l’envoyer à Drancy, puis Auschwitz. Son épouse et lui ne revinrent pas. Les deux petits enfants ont survécu, cachés en France.
Et dire que certains affirment que Pétain a protégé les Juifs et notamment les anciens combattants !
. Cette exposition éclaire ce moment de notre histoire où la Patrie et son intégrité fut défendue par des « pas français » voire des « métèques » pour reprendre la terminologie de l’époque. Cette exposition fera connaître et remettra à l’honneur et cela est grande justice, tous ces étrangers, juifs pour beaucoup, eux qui furent si souvent soumis à l’opprobre par les antisémites.
Catherine Monjanel, février 2015.
Guerre de 14-18 et le journal L’Illustration
http://www.lillustration.com/
Les régiments ficelles. Des héros dans la tourmente de 1940
http://www.combattantvolontairejuif.org/3.html
Un immigré est une personne née étrangère à l’étranger et qui réside en France. Même si elle devient française par acquisition, la personne continue à appartenir à la population immigrée.
Base de données :
https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/arkotheque/client/mdh/engages_volontaires_etrangers/
UEVACJEA : documents
Février 2015