Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Exposition sur la Fondation Rothschild sous l’Occupation

par Anne Pasques
vendredi 30 juillet 2010

La Fondation et les tribulations de ses différents services pendant cette période, les dénonciations et les persécutions au sein de l’Hôpital, les actes de résistance à l’occupant et à Vichy
L’Hôpital Rothschild sous l’Occupation (1940 – 1944) conférence débat mercredi 13 avril 2016, à l’Hôpital Rothschild

En octobre-novembre 2010, une exposition sur la Fondation Rothschild sous l’occupation fut présentée rue Picpus. (un catalogue reproduisant tous les panneaux présentés a été édité : « La Fondation de Rothschild sous l’occupation 1939-1944).

La Fondation

Plaque. Photo Monique Vidal.

Des panneaux rappelaient les différents moments de la persécution des juifs entre 1940 et 1945, d’autres présentaient la Fondation et les tribulations de ses différents services pendant cette période, les dénonciations et les persécutions au sein de l’Hôpital puis les difficiles mais multiples actes de résistance à l’occupant et à Vichy ainsi que les saignées parmi les malades et le personnel. Quelques figures font l’objet de panneaux particuliers, médecins, assistantes sociales, infirmières…
Plusieurs panneaux traitent de situations particulières :
- de «  La Guette » où furent accueillis en 1939 des enfants juifs d’Allemagne et d’Autriche,
- du sanatorium « l’Espérance » proche de la frontière suisse, ce qui permit parfois d’évacuer des enfants vers ce pays
- du cas des juifs argentins qui séjournèrent à la Fondation.

L’Hôpital Rothschild pendant la guerre

En 1852 la Fondation Rothschild est à l’origine d’un hôpital reconnu d’utilité publique dès 1886. Au cours des années qui suivent il prend rapidement de l’importance et tout un complexe se constitue autour : c’est d’abord un dispensaire qui ouvre près des bâtiments de l’hôpital puis un hospice, une maternité et un orphelinat.
L’hôpital de la rue Santerre est inauguré en 1914, il dispose de 340 lits en1937. Les soins s’y organisent avec l’ouverture de plusieurs services.

Lors de la déclaration de guerre en septembre 1939 l’hôpital est partiellement fermé ; au cours de l’année 1940 des services sont à nouveau ouverts, certains avant même l’armistice, c’est le cas de la maternité qui fonctionne dès février 1940 mais il faut attendre novembre pour que le service de médecine générale accueille des malades.
L’hospice a été réquisitionné pour abriter les pompiers en cas de bombardement : aussi les vieillards sont déplacés à Guipy dans la Nièvre pendant que les orphelins de la rue Lamblardie vont à Berck dans un hôtel appartenant à la baronne Alexandrine de Rothschild ; des malades sont installés dans le sanatorium de Hauteville.

Avec l’occupation, les Rothschild sont déchus de leur nationalité, la majorité de leurs biens mis sous séquestre et saisis. Cependant ce ne fut pas le cas de la Fondation qui put poursuivre ses activités (en partie seulement) à la suite d’un conflit entre Vichy et les Allemands et qui ne fut mise sous tutelle de l’UGIF que le 19 juin 1944. Mais dès l’été 40 les établissements parisiens de la Fondation sont privés du soutien financier de la Banque Rothschild.

Mais, à la suite des premières rafles parisiennes, notamment « la rafle du billet vert », le camp de Drancy reçoit, à partir du 20 août 1941, 4320 hommes juifs raflés dans Paris ; certains d’entre eux sont malades : ils quittent momentanément Drancy, sont transférés à l’Hôpital Tenon puis à partir de décembre 1941 à l’Hôpital Rothschild. La Préfecture de Police et les Affaires sociales de la Seine y réquisitionnent deux pavillons et deux services, la médecine avec le docteur Worms et la chirurgie avec le docteur Hertz.
Y sont également hospitalisés des résistants torturés par la Gestapo ainsi que des détenus des Tourelles. En cette fin 1941, l’Hôpital est entouré de barbelés et surveillé par la police française.
Le nouveau directeur Samy Halfon dispose d’un budget qui est divisé par 5 ; il fait fonctionner les services restants très difficilement. Le décret du 11 juin 1941 instaure un numerus clausus pour les médecins juifs ; ceux qui sont exclus ne peuvent travailler qu’à la Fondation Rothschild. Quand Samy Halfon proteste en 1942 contre l’exigence de Dannecker d’« un retour à Drancy de 60% des malades internés », il est arrêté, interné à Compiègne d’où il parvient à s’évader.
Le personnel d’origine reste en partie en place et cherche tous les moyens qui peuvent éviter aux malades qui arrivent dans leurs services un enfermement à Drancy et une déportation. Le personnel se divise cependant en deux, ceux qui veulent garder tous les internés et ceux qui veulent refuser toutes les prolongations et les renvoyer à Drancy. Des conflits se font jour.
Mais au cours de cette année 1942, les exigences des occupants s’accentuent, ainsi, en mai les familles des détenus ne peuvent plus venir voir les malades ; des dissensions divisent le personnel pris en tenaille entre les ordres allemands et l’aide à apporter aux prisonniers. Les évasions de détenus accentuent les menaces sur les médecins et les infirmières.

Pour aider les internés hospitalisés, certains médecins font de faux diagnostics, truquent des radios, inventent de longues suites opératoires et font même parfois des opérations superflues pour garder certains de ceux qui risquaient la déportation ; ce fut le cas pour Paulette Sliwka Sarcey
Elle est tabassée puis conduite à l’hôpital Rothschild (12ème arrondissement) où elle subit une opération de l’appendicite purement “ stratégique ”
cf. son témoignage pour le DVD du Cercle d’étude :
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article43.

Au début de 1942, le Dr Walther obtient avec Samy Halfon que les mères restent 6 mois pour allaiter leurs nouveau-nés. De faux certificats de décès permettent parfois de sortir les plus âgés, ainsi le Docteur Leibovici est évacué par la morgue. Des nouveaux-nés venus au jour lors du séjour de leur mère sont bâillonnés pour étouffer leurs cris et transportés dans des paniers à linge vers la sortie.

Mais il y a aussi à la Fondation des salariés non juifs, ils sont 214 en mai 1943, et certains dénoncent, ainsi une lettre est envoyée le 31 août au commandant de Drancy.
Parallèlement, un réseau de résistance se met en place notamment autour de Claire Heyman et de Maria Errazuriz qui font de faux papiers, de faux certificats de baptême, cachent des enfants dans des couvents avec l’OSE, la Sixième ou les EIF.

En 1943, la répression s’accentue encore, Alois Brunner multiplie les rafles et considère les bâtiments de la Fondation comme des camps d’internement, le camp Picpus et le camp Lamblardie
http://www.ajpn.org/internement-Hospice-de-la-rue-Lamblardie-264.html ; l’hôpital devient une prison, les policiers qui le gardaient sont chassés et Alois Brunner engage une société de surveillance à la charge de l’hôpital. Brunner multiplie les rafles, en juillet, le 5, des mères sont déportées, puis des vieillards le 29, des malades et des enfants le 11 novembre… Il s’agit souvent de compléter un convoi pour Auschwitz.

En 1944, les autorités allemandes prennent le contrôle total de la Fondation : tous les juifs de Paris, malades et personnel hospitalier, doivent y être regroupés tandis que tout le personnel non juif doit partir. En avril l’hôpital est entouré de barbelés, le personnel est fouillé à l’entrée et à la sortie il est considéré comme détenu. Les établissements des rues Lamblardie et Picpus deviennent des annexes de Drancy. Les détenus juifs d’Aurigny ( île anglo-normande ) y arrivent en mai 1944.

Au cours des combats pour la Libération de Paris, l’Hôpital Rothschild est libéré dès le 18 août 1944 par les FFI. C’est également le 18 août que le camp de Drancy passe sous contrôle de la Croix-Rouge.

plaque Fondation
À la mémoire des centaines d’enfants et de vieillards juifs qui, de 1942 à 1944, regroupés à l’orphelinat, à l’hôpital) Source Commons wikimedia.

Ainsi on peut voir dans cette poursuite partielle des services de l’Hôpital Rothschild que l’aryanisation connut des exceptions - dans ce cas parce que les autorités collaboratrices et les occupants ont eu « besoin » de cet établissement de soins, du moins momentanément. Cette exposition nous montre que dans ce cas, chaque fois que ce fut possible, des juifs ont résisté et ont cherché à sauver d’autres juifs ainsi que des résistants malgré la terrible répression qui s’abattait sur eux.
Anne Pasques

Pour en savoir plus :
Paulette Sarcey :

http://picpus.mmlc.northwestern.edu/mbin/WebObjects/Picpus.woa/1/wa/browseView?wosid=B0TjI78v0n8CmIn5ELYFZw

http://picpus.mmlc.northwestern.edu/mbin/WebObjects/Picpus.woa/wa/displayDigitalObject?id=1220

Claire Heyman et l’Hôpital Rothschild :
Claude ALBERMAN Dominique DUFOURMANTELLE, Annie LYON-CAEN, Serge KLARSFELD, Une Juste juive à l’Hôpital Rothschild, Association Fils et Filles des Déportés Juifs de France, 2020
Commande : FFDJF, 32 rue de la Boétie, Paris, 75008

Fernand Cohen

Le 28 janvier 2013 cérémonie à Jacques Decour
Un hommage sera rendu à M. Fernand COHEN, qui fut professeur de physique-chimie au lycée Rollin (lycée Jacques Decour). Il en fut évincé pendant quatre ans par les lois antisémites du gouvernement de Vichy.
Il a été interné à Drancy en 1942 (et en 1944 en raison d’une évasion). Il devint ensuite directeur de l’orphelinat Rothschild rue de Lambardie.
Cet hommage sera suivi de l’inauguration d’une exposition et d’une conférence.

Lundi 28 janvier 2013 à 13 h 30
au Lycée Jacques Decour –
12 avenue Trudaine – Paris 9ème

http://picpus.mmlc.northwestern.edu/mbin/WebObjects/Picpus.woa/wa/essayPageForAtomID?id=52493

Petit cahier N°3. Conférence-débat du 3 octobre 2007 : « Quand l’État français était antisémite : l’exclusion des juifs des fonctions publiques (1940-1944) » : conférence de M.-O. Baruch ; témoignages de C. Brull-Ulmann, J. Ulmann et E. Benattar ; article de R. Créange ; texte de M.-P. Hervieu sur J-G. Cohen ; hommage à Lucienne Lehmann-Netter.

Le film «  Les enfants juifs sauvés de l’hôpital Rothschild  », un documentaire de Jean Christophe Portes et Rémi Bénichou sur la chaine FRANCE 5 le dimanche 5 avril à 22h25, 1h00 min. avec Colette Brull-Ulmann qui avait témoigné à Edgar Quinet
"Quand l’ État français était antisémite, Marc-Olivier Baruch, le statut des Juifs et l’exclusion
Les Enfants juifs sauvés de l’hôpital Rothschild
Colette Brull-Ulmann, Hôpital Rothschild
L’Hôpital Rothschild sous l’Occupation (1940 – 1944)

N.M. 


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