Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Le jardin des Finzi Contini, Giorgio Bassani

Analyse du livre par Marie Paule Hervieu
mercredi 18 août 2021

Dans ce roman qui se passe à Ferrare, on peut voir l’évocation de la montée du fascisme et de l’antisémitisme en Italie.

De l’intégration à la déportation : Le jardin des Finzi Contini

Ce « roman vrai » publié en 1962, est non seulement l’histoire d’une famille juive ferraraise mais aussi celle d’une petite communauté évaluée à environ 750 personnes, traversée de différenciations multiples : sociales, politiques et culturelles.

Au- delà d’une famille juive qui disparaît tout entière dans la déportation, à partir de 1943, c’est tout un monde, toute une société qui sont confrontés à la crise de leur mode d’existence en même temps qu’à l’échec d’une intégration qu’ils vivaient comme réussie. Ainsi le père du narrateur, ancien docteur en médecine et libre penseur s’était- il, comme engagé volontaire de la première guerre mondiale, inscrit au Fascio en 1919 (l’adhésion au parti national fasciste étant le fait de près de 90 % des Juifs de Ferrare). Ce n’était pas le cas, en dépit de sa fortune terrienne, d’Ermanno Finzi-Contini, lequel avait refusé l’offre faite en 1933.

Rappelant l’histoire du bisaïeul paternel de Micol et Albert, Moise Finzi-Contini qui vécut à la fois l’égalité civique à l’époque de la République cisalpine (1797-1802), et la fin du ghetto, après l’annexion des légations pontificales au royaume d’Italie (en 1860), Giorgio Bassani étudie la généalogie de leur mère Olga Herrera, issue d’une famille juive de Venise, dont les deux derniers descendants, (Giulio et Fédérico) seront eux aussi déportés.

C’est donc d’une communauté de destin que parle ce livre même si dans la première partie, il différencie les familles selon leur statut social, aristocratique ou bourgeois, mais aussi leurs origines multiples et leurs différents usages des langues et des dialectes.
Aussi est-il fait référence à des mots de dialecte judéo-ferrarais.

C’est ainsi qu’à la synagogue coexistent plusieurs rites : au premier étage allemand, au second italien mais il existe aussi une petite synagogue levantine et la synagogue espagnole restaurée par les Finzi-Contini entre 1933 et 1938.

Les références à la politique antisémite du gouvernement Mussolini commencent avec la deuxième partie et les années d’avant- guerre : la « campagne de la race » à partir de l’été 1937, le« Manifeste de la race » en juillet 1938, les lois raciales de septembre 1938. Ce sont alors des interdictions multiples qui ne sont pas sans rappeler la législation antisémite de l’Allemagne nazie :
interdiction de fréquenter des lieux et des établissements d’enseignement publics, entraves aux mariages mixtes, obstacles à l’embauche de domestiques « aryens » et expulsion d’organes fascistes comme le parti ou les groupes universitaires (GUF). Le contraste est très brutal avec l’historicité des Juifs de Venise arrivés à la fin du XIVème siècle, enterrés dans le cimetière israélite du Lido et qui donnèrent à l’Italie de grands écrivains, de grands intellectuels comme en témoignent les études et la bibliothèque de 20 000 livres du professeur Ermanno.

Bas-relief d’Arbit Blatas dans le ghetto de Venise, photo UH

Au terme de ce roman hanté par la mort qui s’annonce, arrive l’ épilogue : l’arrestation, par les fascistes de la République de Salo, de l’ensemble des membres de la famille des Finzi-Contini, en septembre 1943, soit Micol, ses parents, sa grand-mère et ses oncles maternels, puis l’internement dans le camp de Fossoli en novembre (comme Primo Levi) et la déportation, après que l’aîné soit mort de maladie, et que leur ami milanais, chimiste et communiste ait disparu sur le front russe.

C’est bien d’un tombeau littéraire redoublant le monument funéraire encore visible aujourd’hui dans le cimetière de Ferrare qu’il est question ici, en hommage aux descendants d’un peuple héritier d’une longue histoire.

Marie-Paule Hervieu

Giorgio BASSANI, Le jardin des Finzi-Contini, traduit de l’italien par Michel Arnaud, Gallimard, 1964. Folio n° 634, 1975, 373 p.

[Dans ce roman qui se passe à Ferrare, on peut voir l’évocation de la montée du fascisme et de l’antisémitisme en Italie et l’insouciance de la bourgeoisie. NM]

Le Jardin des Finzi-Contini, Vittorio De Sica, 1970, d’après Giorgio Bassani

Primo Levi, écrivain et témoin