Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

FAMILLE OSMAN

Convoi 76
vendredi 27 octobre 2023

Famille Osman, Maurice, 38 ans, Czypa dite aussi Oszypa ou Tsypa, 36 ans et Jacqueline, 11 ans

Maurice Osman est né à Stehelovo ( qui semble avoir été une banlieue de Varsovie) le 26 décembre 1905. Il était le fils d’Anszel et Rosa Osman. Anszel tenait au cœur de la ville de Varsovie, au 52, rue Mila, dans le quartier Muranov, un restaurant devenu le lieu de rendez-vous de la communauté juive de Varsovie. Ils avaient 8 enfants, 5 garçons, Sally, Arnold, Nathan, Maurice et Léon et 3 filles, Gitla, Mania et Irenka. Les fils aînés quittent Varsovie dès 1919, fuyant l’antisémitisme en Pologne. Maurice rejoint son frère Léon à Paris en 1927. Il travaille dans l’atelier de maroquinerie du beau-frère de sa sœur Gitla, Jacques Pfefer. Il fait la connaissance d’Oszypa Nurflus, née à Varsovie le 14 octobre 1907 avec qui il se marie en juin 1929. Ils vivent tout d’abord rue de Meaux, puis dans un minuscule deux-pièces au 82, boulevard de Ménilmontant, dans le 20ème arrondissement. Après la naissance de leur fille Jacqueline, le 13 mars 1933, ils s’installent rue Crespin du Gast, dans le 11ème arrondissement, entre la rue Oberkampf et l’avenue de la République.

Le 14 mai 1941, Maurice et Isaac Pfefer, le mari de sa sœur Gitla, sont convoqués au Gymnase Jappy sous le prétexte d’un contrôle banal de leur situation administrative. C’est la rafle dite du billet vert (du nom du billet vert de la convocation ) qui arrête 3700 hommes , tous juifs étrangers, principalement polonais. Arrêtés, ils sont conduits immédiatement à la gare d’Austerlitz puis au camp de Pithiviers. A l’occasion d’une permission en fin de semaine, Maurice ne revient pas au camp et se cache tout en travaillant clandestinement dans l’atelier d’un nommé Rosenberg. Il décide rapidement de quitter Paris. La famille Osman part avec deux autres couples et leurs enfants âgés de 5 à 16 ans. Le soir même ils s’arrêtent à Bourges après avoir passé la ligne de démarcation, sans problème.

Par la suite, ils se dirigent vers un village des environs d’Avignon où Rozenberg avait des amis. Ils se cachent et travaillent dans une exploitation des environs, grâce à la complicité de militants et sympathisants communistes. Les enfants y sont scolarisés. Cependant, craignant des dénonciations, les trois familles quittent Avignon en février 1942 pour Saint-Laurent-de-Neste situé à 50 km de Tarbes. Des familles juives originaires de Paris, peut-être connues d’eux, s’étaient déjà réfugiées dans ce village où il semble qu’ils étaient attendus. De plus ce village était situé à proximité des Pyrénées. Le passage de la frontière vers l’Espagne, à travers les Pyrénées, y était difficile, dans ce secteur, mais possible. Par ailleurs une famille d’agriculteurs de la commune, la famille Marmouget, avait hébergé clandestinement plusieurs de ces familles. Pour l’aide offerte à ces familles persécutées, les Marmouget seront honorés du titre de Justes de France en 1992.

Isaac Rosenberg et Maurice Osman trouvent du travail à Tarbes dans un atelier de maroquinerie. Ils partent tôt et rentrent le soir dans la grange désaffectée mise à leur disposition par la famille Marmouget. Mais, à la fin de l’année 1942, après l’occupation de la zone sud par les troupes allemandes, les contrôles sur les routes étant permanents, il devenait trop dangereux de sortir du village. Ils doivent renoncer à leurs emplois. Protégés par les habitants du village, ils tiennent bon jusqu’au jour où, en février 1944, Isaac Rosenberg, à l’occasion d’une de ses rares sorties hors de sa planque, est contrôlé à l’entrée du village. Il n’a pas de papiers d’identité. Il est convoqué le lendemain à la gendarmerie du village. Il décide alors de passer la frontière. Deux jours plus tard, on venait l’arrêter…En mars 1944, les hommes du village partent à leur tour et franchissent les Pyrénées avec des passeurs. Maurice, quant à lui reste avec sa famille à Saint-Laurent-de-Neste. Comme tout s’est bien passé pour le passage de ces hommes, ils demandent à leurs familles de les rejoindre par la même filière avec les mêmes passeurs.

Ainsi, à la tombée de la nuit, le 2 juin 1944, Maurice, Czypa, et leur fille Jacqueline avec 18 personnes dont 8 enfants et adolescents de 8 à 16 ans, pour la plupart nés en France, tentent ce périple extrêmement risqué. Durant la journée suivante, le groupe de candidats à l’évasion se cache dans une grange et ne reprend sa marche qu’à la nuit tombée le 3 juin 1944. Trahis par leur passeur, ils sont interpellés vers 2 h du matin par des douaniers allemands dans une prairie bordant la voie ferrée Luchon-Montréjeau à Chaum en Haute-Garonne près de Saint-Béat. Rosa Rozenberg, 16 ans, parvient à s’échapper en agrippant instinctivement le bras d’un des deux passeurs qui s’enfuient via le lit d’un cours d’eau, déroutant le flair des chiens, mais un homme, Jacques Kadenski, est tué devant sa femme et son fils par les balles allemandes qui fusent de toutes parts pendant près de 30 minutes. Les recherches pour retrouver la fugitive durent jusqu’à 7h du matin. Les 16 restants sont amenés au poste allemand de Cierp puis internés dans les geôles de la Gestapo de Luchon, puis à Toulouse (prison Saint-Michel, puis Caffarelli) avant d’être rapidement transférés à Drancy où ils entrent le 19 juin 1944 avec plus de 100 Juifs arrêtés dans la région de Toulouse. Maurice, Czypa et Jacqueline Osman ont les numéros matricule 24152, 24153 et 24154. Dix jours après leur arrivée, le 30 juin, ils sont conduits à la gare de Bobigny avec 1153 internés destinés à être déportés vers le centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. C’est le 76ème convoi de déportés juifs parti de Drancy.

Le voyage qui dure quatre jours, par une chaleur torride, dût être particulièrement épuisant pour cette fillette et pour ses parents, dans ces wagons à bestiaux plombés. Le 4 juillet, le convoi entre à l’intérieur du camp de Birkenau sur la "rampe d’Auschwitz" où a lieu la sélection. Les travaux de Serge Klarsfeld ont permis d’apprendre que 223 femmes sur 495 et 398 hommes sur 654 sont déclarés " aptes " pour le travail. Ce sont généralement les plus jeunes. Le nombre de déportés désignés pour ce travail d’esclave, plus de la moitié, est beaucoup plus élevé que celui des transports précédents car les camps deviennent, en 1944, un vivier de travailleurs pour l’industrie de guerre. L’autre moitié du convoi, les malades et les enfants, dits "inaptes" au travail, sont gazés dès l’arrivée. Il est probable qu’Ozypa et sa fille aient été gazées dès l’arrivée du convoi, bien que plusieurs enfants de ce convoi âgés de 13 ans soient entrés dans le camp ?

Maurice Osman, encore jeune, âgé de 38 ans, entre au camp d’Auschwitz III situé à une dizaine de kilomètres d’Auschwitz près du village de Monowitz. Y était installée l’usine surnommée « Buna », d’IG Farben-Industrie destinée à fabriquer du caoutchouc synthétique. Il devient le déporté A-16800. Il réussit à survire près de 3 mois. Probablement épuisé par les terribles conditions de travail et de vie du camp, il entre à l’infirmerie des détenus du camp de Monowitz, appelé HKB ( Haftlingskrankenbau), à une date non connue et est ensuite transféré au HKB de Birkenau le 14 octobre, suite à une "sélection" effectuée au HKB. Il fait partie d’un groupe de déportés de Monowitz âgés, dits "Korperschwäche" ( affaiblis). Aucun d’eux n’est retourné au camp de Monowitz. Ils sont donc soit décédés au HKB de Birkenau, soit ont été gazés dans ce camp de Birkenau où se trouvaient les chambres à gaz.
Les trois membres de la famille Osman, Czypa, Jacqueline et Maurice ont ainsi été assassinés à Auschwitz.

Extrait de la liste des déportés de Monowitz transférés au camp de Birkenau le 14 octobre 1944, y figure Maurice Osman

Maurice Osman et Czypa le jour de leur mariage

Jacqueline Osman, à l’âge de 5 ans ( Archives familiales de Joseph Osman)

Anszel, Rosa et leurs deux plus jeunes filles Mania et Irenka, restés à Varsovie, ont disparu. Le restaurant d’Anszel et Rosa avait été enfermé dans le ghetto de Varsovie.
Sur les 6 autres enfants d’Anszel et Rosa, venus tous se réfugier en France, dans ce pays où ils pensaient être à l’abri des persécutions antisémites, seuls 3 étaient vivants en 1945. Sally, Gitla et Isaac ont tous été déportés et assassinés au camp d’Auschwitz.

Seuls ont survécu Léon, résistant, Arnold parti aux Etats-Unis et Nathan, dont le fils, Joseph, a écrit, à titre de témoignage, "Anszel, le sourd de la rue Mila"

Sources :
AC21P 737315-Mémorial de la Shoah
" Anszel, le sourd de la rue Mila", écrit par Joseph Osman
Notice écrite en collaboration avec Sandrine Espouey, documentaliste du Musée de la déportation des Hautes-Pyrénées.

Chantal Dossin

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