Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Jules Fainzang 1922-2015

déporté au camp de Blechhammer, Auschwitz III.
vendredi 1er janvier 2016

Jules Fainzang vient de nous quitter. Il fut un compagnon très agréable du Cercle. Un passeur auprès des élèves.
Il avait participé au DVD sur le travail concentrationnaire, au Petit Cahier "Lettres à témoins" et aux rencontres Témoins-professeurs au siège de l’UDA.

Jules Fainzang, biographie

Jules Fainzang à Birkenau, photo Dominique Dufourmantelle

Jules Fainzang est né à Varsovie en 1922. Il est âgé de trois ans lorsque ses parents décident de quitter la Pologne pour émigrer en Palestine, alors sous mandat britannique. Sa sœur Esther meurt du typhus, et sur le conseil des médecins, la famille repart en Europe et s’installe à Anvers, en Belgique. Lors de l’offensive allemande de mai 1940, les Fainzang trouvent refuge dans le village de Lizac, dans le Tarn-et-Garonne.

Alors que le département se trouve en zone non-occupée, Jules, son père et son petit-frère Joseph sont arrêtés par des gendarmes français en mars 1942, et internés au camp de Sept-Fonds. Joseph parvient à s’évader, mais Jules est transféré à Drancy et déporté vers Auschwitz le 28 août 1942.

"Plus tard, j’ai appris que notre convoi, parti le 28 août 1942 de Drancy, était le 25ème. Donc vingt-quatre convois comme le notre nous avaient déjà précédés, de mille Juifs au moins chacun. Cinquante deux autres convois devaient prendre par la suite le même chemin.
J’ai été hissé et projeté avant-dernier wagon du convoi. Les portes coulissantes ont été verrouillées derrière moi et je me suis retrouvé dans le noir absolu, la sensation a été terrible. Pressé contre des corps de toutes parts, jai senti une odeur forte, mélange d’urine et de sueur ; j’ai entendu des lamentations, des pleurs et des cris. Petit à petit mes yeux se sont habitués à l’obscurité et j’ai vu des hommes, des femmes, des enfants en pleurs qui demandaient à boire."

Son père et sa mère, arrêtée à son tour, sont déportés deux semaines plus tard, le 9 septembre 1942. Plusieurs dizaines de kilomètres avant d’atteindre Auschwitz, le convoi de Jules marque un arrêt dans la gare de Cosel, et les hommes entre 18 et 45 ans reçoivent l’ordre de descendre des wagons.

Pendant un mois, Jules travaille dans une forge avant d’être transféré au camp de Laurahutte, puis en avril 1943, à Blechhammer, où il est affecté au chantier de construction d’une usine d’armement. Blechhammer est un un ZAL für Juden, Zwangsarbeiteslager für Juden : camp de travail forcé pour Juifs [1]. En 1944 seulement, lorsque Blechhammer est rattaché au complexe d’Auschwitz III, les déportés sont tatoués.

Le 21 janvier 1945, à l’approche des troupes soviétiques, les détenus de Blechhammer sont jetés sur les routes par un froid glacial pour rejoindre à pied le camp de Gross-Rosen, d’où ils sont transportés en train vers Buchenwald.

Jules est libéré par l’armée américaine le 13 avril 1945. Il est l’un des huit survivants du convoi n° 25, parti de Drancy 32 mois auparavant avec 1000 personnes. Son témoignage, Mémoire de déportation, est paru aux éditions L’Harmattan en 2002.
CR. Mémoires de déportation, Jules Fainzang
Jules Fainzang est décédé le 21 décembre 2015.

L’évacuation du camp de Blechhammer

Blechhammer, Ziegenhals, Gross-Rosen, Liegnitz, Görlitz, Dresde, Chemnitz, Gera, Iena, Weimar, Buchenwald...

Le 21 janvier 1945, devant la progression accélérée des armées soviétiques qui venaient d’atteindre Cracovie, l’évacuation du camp fut annoncée aux prisonniers à I’appel du matin : munis de 800 grammes de pain, d’une ration de margarine et d’un peu de miel synthétique, 4 000 fantômes exténués prirent à pied la direction du camp de concentration de Gross-Rosen qu’ils atteignirent 13 jours après.

Jules FAINZANG dit Coco
Évacuation du camp de Blechhammer
Le 21 janvier 1945 au matin, dans une grande panique, muni d’un pain, d’un peu de margarine et de miel, Coco quitte I’infirmerie du camp de Blechhammer.
Par - 25° degrés Celsius, entendant des coups de canon distants d’une trentaine de kilomètres, il rejoint ses camarades. Walter, une amie, Chaitcha et sa mère, Walter et Coco portent des chaussures en cuir, les femmes ont des couvertures sur le dos.
En colonne par 5, encadrés de gardiens fusil à l’épaule avec des chiens, ils prennent la route d’Erfurt. La neige tombe, le canon gronde au loin, la colonne avance puis recule, les cadavres des camarades jonchent le bord de la route. La mère de Chaitcha, épuisée, ne peut plus avancer ; elle est tuée par un SS, une balle dans la tête.
La marche reprend ; les camarades morts sur le bord de la route sont de plus en plus nombreux. Dans des dizaines de charrettes remplies de matériel, de meubles, des fermiers allemands s’enfuient en abandonnant « leur » lopin de terre polonaise. Une halte est enfin ordonnée, dans une immense grange. Le lendemain matin, on fit sortir les femmes - Chaitcha rejoint ses compagnes - qu’on ne reverra plus.
Au 3ème jour de marche, la colonne atteint la ville de Nysa, en pleine débâcle. L’armée allemande en fuite fait sauter le pont.
Pas la moindre-nourriture depuis la sortie du camp. Tard dans la nuit, exténués et affamés, ils sont parqués dans une ancienne usine de fabrication de sucre. On y trouve des betteraves à moitié pourries et un grand chaudron tapissé de caramel. Les hommes, dans le grand chaudron, grattent les parois avec les cuillers ...
Le matin, la marche reprend dans un vent glacial, sous une tempête de neige. Ils ont perdu la route ; ils attendront, immobiles, des heures les ordres. Beaucoup sont morts, gelés ou tués par les SS. Le froid est toujours aussi vif, la faim est tenace. Walter (Walter Spitzer) et Coco aperçoivent une ferme, proche de la route. Pendant que Walter dessine un cheval, moyennant quelques pommes de terre, Coco découvre un cellier plein de jambons. 1l en met un sous sa chemise et en fait un oreiller dans la grange
pour la nuit. Le matin, il ne retrouve pas son jambon !
Après avoir marché plus de 8 jours sur les routes de Haute Silésie, épuisés, ils arrivent en Allemagne .....

Peter, un Kapo allemand, lors de l’évacuation de Buchenwald, en cours de route, ordonne à Walter et Jules de fuir dans les bois.
Le 13 avril 45, les deux hommes sont libérés et incorporés dans l’armée américaine qu’ils ont rencontrée en sortant des bois avant de rentrer en France. 

L’évacuation de Blechhammer

Annie Lyon Caen et Dominique Dufourmantelle
Janvier 2016
USC Shoah Foundation :
http://sfi.usc.edu/exhibits/concours-national-de-la-r%C3%A9sistance-et-de-la-d%C3%A9portation-ann%C3%A9e-2015-1016?gclid=CM7rkb_X1ssCFcluGwodMh4Kqw

Une rencontre franco-allemande

Rencontre à l’UDA à l’initiative de Jules Fainzang

Sur l’initiative de Jules Fainzang, déporté à Blechhammer, des élèves de l’école Bertha von Suttner de Mörfelden-Walldorf en Hesse et des élèves de terminale du lycée Honoré de Balzac à Mitry-Mory, ont rencontré des témoins, le vendredi 24 novembre 2008 à l’UDA, Union des déportés d’Auschwitz. Cornelia Rühlig, responsable du musée local de Mörfelden et un professeur de mathématiques, Klaus Reichert-Girardin encadraient des élèves ayant un projet autour de l’étude de la Shoah, l’antisémitisme et le racisme. Des recherches sont effectuées sur le camp de Mörfelden où des travailleuses forcées juives ont participé à la construction de l’aéroport de Francfort-sur-le-Main [2] . Les élèves français de terminale européenne, étaient accompagnés par leur professeur d’histoire, Vincent Demont et par leur professeur d’allemand, Ulrich Hermann.
Raphaël Esrail et Jacques Altmann ont témoigné de leur passé de déportés devant les jeunes, intéressés et émus, qui ont posé de nombreuses questions.

[1Il y avait trois sections : un camp de travail (Arbeitslager), un camp de transit (Durchgangslager) à la population variable destiné aux punis qui y séjournaient peu de temps avant d’être envoyés à Auschwitz, et un camp de malades (Krankenlager)

[2De 1935 à 1944 a fonctionné le KZ-Außenlager Walldorf
http://www.kz-walldorf.de/


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