Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

L’évacuation de Blechhammer

Auschwitz III
samedi 24 janvier 2015

Le 21 janvier 1945, devant la progression accélérée des armées soviétiques, le camp de Blechhammer est évacué dans la campagne couverte de neige.
A partir de témoignages écrits, récit de ce qui devient une Marche de la mort. "Les Unterführer qui dirigeaient ces convois de cadavres vivants ignoraient, dans la plupart des cas, où il leur fallait diriger leurs pas." Rudolf Höss

L’évacuation de Blechhammer (Auschwitz III)
Trajet Blechhammer-Buchenwald

- L’évacuation de Blechhammer, chronologie
• Départ du camp de Blechhammer le 21 janvier 1945 au matin
• 13 jours de marche
• Arrivée à Groß-Rosen le 2 février
• Halte à Groß-Rosen du 2 au 7 février 1945
• Voyage en train - wagons ouverts - pendant 2 jours et 2 nuits
• Arrivée à la gare de Weimar le 10 février 1945 pour le camp de Buchenwald

- Trajet de Blechhammer à Buchenwald
• Blechhammer-> 50km • Ziegenhals ->135 km• Groß-Rosen
• Liegnitz • Görlitz • Dresde • Chemnitz • Gera • Iena • Weimar •Buchenwald

voir aussi le récit de Walter Spitzer sur la Marche de la mort.

Témoignages croisés

D’après les témoignages de Charles Baron (CB), Marcel Dolmaire ( MD), Jules Fainzang dit Coco (JF), Addy Fuchs (AF), Simon Grinbaud (SG), Herman Idelovici (HI), Georges Ostier (GO), Nathan Prochownik (NP), Walter Spitzer (WS).

L’évacuation de Blechhammer
"Ces quelques réflexions m’incitent à souhaiter que d’autres compagnons de souffrance dans cette Marche de la mort de Blechhammer-Groß-Rosen, livrent aussi leurs souvenirs tant à propos de ce que je raconte, qu’à propos des faits que je n’aurais pas connus ou que j’avais oubliés. Aucune mémoire n’est infaillible. Cela permettra peut être de répondre aussi à certaines interrogations auxquelles je n’ai pas apporté de réponses" .
Herman Idelovici, matricule 177554, "Réflexions".

"Très jeunes encore, nous étions ensemble à Buchenwald. Mais nous ne nous connaissions pas. Étions dans le même Block ? Non. Walter était dans le grand camp, moi dans le petit. Toi, tu connaissais beaucoup de monde, moi non. Depuis la mort de mon père, survenue trois ou quatre jours après notre arrivée d’Auschwitz, je vivais à l’écart, comme emmuré, résigné, affaibli, fermé au moindre rayon d’espérance, je ne me battais plus. Walter oui. Il se peut que nos chemins ou nos regards se fussent croisés, surtout les derniers jours de l’évacuation. Mais nous nous souvenons sûrement de la couleur du ciel, de sa couleur grise, de son poids de plomb, au dessus des baraques. Il m’arrivait alors, il m’arrive encore maintenant de chercher un sens à tout cela.
Et maintenant des éternités après, je lis les souvenirs de Walter avec la même émotion que j’éprouve en regardant ses tableaux, ses sculptures, je les interroge pour y rencontrer des visages égarés, des destins sombres et condamnés, couronnés de cendre." Élie Wiesel, préface au livre de Walter Spitzer, Sauvé par le dessin [1]

  • Avant le départ : le matin du 21 janvier 1945

Les avions anglais lâchent en parachutes des torches phosphorescentes qui éclairent les objectifs à bombarder - explosions des bombes mêlées aux tirs de la DCA allemande- La baraque de la comptabilité est en feu. La plupart des malades à l’infirmerie, intransportables, regardent l’incendie avec frayeur. Le docteur Hyrsz annonce une température de - 25 degrés Celsius. Un malade, artilleur dans l’armée tchèque, estime que la distance des coups de canon qu’ils entendent est de moins trente kilomètres. Depuis plusieurs jours, ils perçoivent une sourde canonnade. Tous espèrent la libération. Aucun uniforme russe n’est encore en vue.
Pagaille indescriptible dans le camp : coups de feu dans les baraques pour obliger les détenus à sortir. Les plus faibles sont abattus. Les SS et les soldats de la Wehrmacht ratissent le camp. Coups de crosse et de cravache, les chiens mordent les traînards. Depuis une heure environ, des dizaines de Kapos courent dans tous les sens, d’un Block à l’autre, avec sifflet et matraque. Ceux qui tentent de se cacher sont abattus sur place. Les partants sont réunis sur la place d’appel, pour la première fois depuis octobre 1942, ils ne sont pas comptés. 
 Les déportés portent une tenue rayée, un peu plus épaisse pour l’hiver, un manteau et une Mütze, calot de même tissu. Des chiffons, petits carrés en toile, les Lappen [2], enveloppent les pieds. Certains se sont procurés des chaussures militaires de prisonniers anglais. Walter Spitzer obtient une paire de chaussures montantes noires et une paire de chaussettes en laine, en échange de dessins. Ces chaussures lui ont sauvé la vie, dit-il. Pour se protéger du vent et du froid, des sacs de ciment. Pour tout bagage, une musette, avec la gamelle et la cuillère en aluminium. Hommes et femmes sont emmitouflés dans des couvertures.

  • Avancer : la colonne

Ils quittent le camp vers 13h30. À la sortie du camp, les gardiens sont là, fusil à l’épaule, certains avec des chiens qui aboient férocement. Walter Spitzer décrit un ciel incandescent, illuminé d’un terrifiant déluge de feu. Rangés par cinq, ils avancent lentement. Ils marchent uniquement droit devant.Très vite, la colonne se disloque. Les chefs se trouvent en tête. Les SS poussent en queue. Les tirs de canon cessent de se faire entendre. Un officier SS à cheval ordonne le retour. Puis à nouveau des coups de canon. En avant, au pas de course ! Ordre, contre ordre, cris, demi-tour ! Coups de crosse et une balle dans la tête de ceux qui trainent à l’arrière. La route est jonchée de cadavres dans toutes les positions, assis, couchés, debout, appuyés contre un arbre. Le sang ruisselle dans la neige. La colonne est coupée, hachée, disloquée. La colonne s’étire interminablement sur la route.

La progression se fait dans un silence total, perturbé par les aboiements des Allemands et de leurs chiens. Ils avancent sous les coups, la tête et les oreilles enturbannées de bouts de tissu, chiffons récupérés sur les morts. Les visages sont glacés, les oreilles se cassent comme des morceaux de carton. S’enfonçant jusqu’aux genoux dans la neige fraiche, des dizaines tombent sans pouvoir se relever. Ils avancent en désordre, la colonne se déforme et s’allonge. Ils ne marchent plus, ils attendent des heures que les gardiens trouvent la bonne direction. Certains se couchent dans la neige et meurent. Ceux qui ne peuvent plus ni s’asseoir, ni s’allonger, se suicident en se couchant sur le côté. Une rafale de mitraillette met fin à leur calvaire. Un commando spécial de SS habillés d’uniformes noirs, "les charognards", Ukrainiens d’origine, abandonnent les cadavres sur les bas côtés.

Il vaut mieux se trouver plus en arrière où la neige est piétinée, mettre ses pieds dans les trous laissés par ceux qui précèdent. Sous les semelles en bois des galoches, une épaisse couche de neige glacée s’agglomère. Pour ne pas tomber, il faut cogner une galoche contre l’autre pour libérer la semelle, ou s’arrêter au bord de la route pour les nettoyer ce qui provoque l’arrivée d’un SS qui peut tirer. Le Nachkommando ramasse les trainards sur les bords de la route, les aligne au cimetière. Les SS lancent des grenades avant de tirer sur ce qui bouge encore. La marche est irrégulière : lenteur, allure folle. Piétiner, se geler en s’engourdissant, des douleurs insupportables dans les reins, courbés en deux. Ils avancent dans la tempête de neige et avancent dans un champ, à moitié endormis. Les SS recrutent des hommes pour pousser leurs voitures avec leurs valises, leurs armes, leurs sacs et leurs vivres. Ces voitures à roues de bois cerclées de fer, sur lesquelles les mains collent, patinent sur le verglas.

Les pieds ont gelé, saignent et suppurent dans des chaussures dures et raides comme du bois. La neige s’infiltre sous le pantalon, les jambes sont gelées. Il dégèle et il pleut, la route devient glissante. Les moins solides ont été éliminés. Les déportés suivent de petits chemins et longent des ruisseaux. Tout est dégelé sauf leurs pieds et leurs chaussures. Chaque pas est une torture pour des pieds en sang dans des chaussures durcies. Certains marchent depuis plusieurs jours avec les pieds complètement gelés, c’est à dire violets, enflés, sentant mauvais de gangrène. Les pieds se détachent presque. Certains auront fait cent à deux cent kilomètres avec les pieds emballés dans des bouts de couverture, pour finalement mourir à l’arrivée. On s’arrête dans la boue recouverte de dix centimètres d’eau. Les SS leur interdisent les talus qui sont secs ou les arbres pou s’appuyer. Les coups pleuvent.

Plus question de compter sur quiconque. On avance chacun pour soi dans une solitude totale. Éviter les trous. Éviter les coups. Offrir le moins possible de prise au vent glacé. Avancer, toujours avancer.

La Marche a duré douze jours pour couvrir 300 kilomètres environ, soit une moyenne de 28 kilomètres par jour. La température se situe entre 28 et 30 degrés au dessous de zéro. Sur les 6 000 prisonniers, une grande partie d’entre eux sont morts de froid, d’épuisement, de faim ou abattus par les SS.

  • La nuit

Les SS sont hésitants, sans liaisons, sans ordres précis. Ils s’arrêtent dans un village et dispersent la colonne dans les granges, les fermes et tous les endroits où on pouvait les entasser : une grosse fabrique de benzine synthétique, des baraques en bois qui ont servi de camp à des Italiens de l’armée républicaine fasciste, après la capitulation italienne, des bâtiments vides d’un camp de travail évacué depuis peu, une usine de fabrication de sucre désaffectée. Les hommes s’entassent, hurlent, se battent- certains meurent écrasés. Dans les granges sans lumière, les uns sur les autres, chacun se défend comme il peut. Ils laissent quelques morts derrière eux, étouffés par les autres, par le foin ou la paille. Les SS ont désigné des hommes qui mettent de l’ordre à coups de crosses ou de baïonnettes. Toujours le même scénario : entrer dans une grange obscure et inconnue, se faire une place en même temps que mille autres, veiller à ne pas se faire voler et à ne pas perdre ses camarades. Coups de pied et coups de poing. "Inhumanité absolue !". Les femmes sont logées les premières, à part. Cris, batailles, on marche sur les mains, les pieds, les visages, les ventres. On sent des mains qui vous fouillent. En enjambant ceux qui sont déjà installés, on se fait voler ses couvertures. Toute la nuit, ce sont des hurlements inhumains. Tous les jours, les morts, la figure tuméfiée par les coups. Dès qu’ils quittent les granges, un groupe de SS ukrainiens les passent au peigne fin, à l’aide de fourches et de piques en métal. Ceux qui sont découverts sont exécutés. Le matin, un amas de corps gelés, emmêlés à l’entrée de la grange, recouverts d’un manteau de neige. Difficile de distinguer les têtes. Par endroits apparaît un visage avec ses yeux fixes et sa bouche béante.

  • La faim

Au bord des champs, des betteraves gelées servent de nourriture, des navets ou des racines gelées que l’on déterre. On vole ou on se fait voler le contenu des musettes, du pain, des betteraves. Betteraves fourragères volées dans les fermes ou trouvées sur des tas d’ordures. Distribution de soupe de farine non salée ainsi que de pommes de terre et de pain, ces distributions sont rares. Les déportés ne boivent rien d’autre que de la soupe ou de la neige fondue.
Dans une ferme, une volaille est plumée, et vidée, puis mangée crue. Le foie est avalé avec le fiel. On oublie de vider le gésier et la bouche est pleine de cailloux. La figure est pleine de sang, le cou est mâché pendant quelques heures, peau et os, avec quelques plumes. La faim donne des crampes d’estomac. Ils trempent leur gamelle dans une auge à cochons, pleine de pommes de terre et d’épluchures de légumes. Parfois, en traversant un village, ils prennent le risque de se faufiler dans une maison pour mendier à manger des oignons, du lard, du lait, généralement on leur en donne. Les gardiens ont trouvé un tonneau de pommes de terre gelées, dont les cochons ne veulent pas. Ils les distribuent. Un SS assomme, à coups de gourdin, ceux qui se jettent sur le tonneau. La faim fait oublier le danger.

  • Solidaires

Il faut faire équipe pour être plus fort. Pour soutenir un camarade qui ne peut plus marcher, on se relaie. On encourage, on soutient celui qui se laisse aller, qui se traîne. On l’aide à avancer en le tenant sous le bras. La solidarité permet de survivre. Se serrer les uns contre les autres aide à garder l’équilibre. Des camarades partagent la nourriture.

  • Sur la route

Ils croisent des prisonniers de guerre, des convois d’Allemands qui reviennent du front de l’est, beaucoup de blessés. Plus tard, de très jeunes hommes qui montent au front. Des soldats allemands en camions, à pied ou à cheval, des chariots, des véhicules remplis de blessés et des voitures militaires. A l’intérieur, des officiers SS méconnaissables, emmitouflés jusqu’au nez. Les habitants allemands et polonais ne regardent pas les longues colonnes d’affamés. Ils chargent des meubles sur des charrettes. L’armée allemande fuit et fait sauter des ponts. D’interminables files de camions, de réfugiés civils, à pied, en voiture, à vélo les dépassent. Des familles paysannes transportent tout ce qu’elles ont sur des voitures tirées par des chevaux. Dans les fossés, des armes, des sacs, des paquetages, des cadavres.
Des milices populaires arpentent les routes. Parfois des habitants des villages traversés crachent sur eux, les injurient Des gens endimanchés vont à la messe. Ils traversent des villages qui n’ont pas encore été évacués. Les villageois leur montrent une sollicitude qui leur parait nouvelle. Ils ouvrent leurs cabas pour qu’ils puissent saisir du pain. D’autres coupent des miches en portions et les enduisent d’une marmelade épaisse. On les fait avancer tard dans la nuit, et à travers champs, pour laisser les routes libres à d’interminables convois fuyant les Russes.

Jules Fainzang 1922-2015
Walter Spitzer, Sauvé par le dessin : Buchenwald

Trois témoignages

  • Évacuation des camps, Étienne Rosenfeld

Vers le 20 janvier 1945, c’est l’évacuation [3] de tous les déportés (sauf les plus malades) de Blechhammer en direction de Groß-Rosen.
• Très peu de vivres sont distribuées (pain et margarine).
Une longue marche de fantômes, à peine vêtus et chaussés de Holzschuhe traverse pendant plus de 3 semaines des régions désolées, sous la neige, dans le vent, avec une température glaciale.
Les soldats armés tuent tous ceux qui s’écartent du rang, qui lâchent la colonne (par épuisement, pour uriner, trop lents pour se rhabiller) ou encore qui tentent de s’évader.
• Le long convoi diminue au fur et et à mesure.
• Les rescapés, avec les pieds gelés, arrivent dans un nouvel enfer, Buchenwald.

La quarantaine, petit camp de Buchenwald
  • Évacuation des camps, Jules Fainzang dit Coco

Le 21 janvier 1945 au matin, dans une grande panique, muni d’un pain, d’un peu de margarine et de miel, Coco quitte I’infirmerie du camp de Blechhammer.
Par - 25° degrés Celsius, entendant des coups de canon distants d’une trentaine de kilomètres, il rejoint ses camarades. Walter, une amie, Chaitcha et sa mère, Walter et Coco portent des chaussures en cuir, les femmes ont des couvertures sur le dos.
En colonne par 5, encadrés de gardiens fusil à l’épaule avec des chiens, ils prennent la route d’Erfurt. La neige tombe, le canon gronde au loin, la colonne avance puis recule, les cadavres des camarades jonchent le bord de la route. La mère de Chaitcha, épuisée, ne peut plus avancer ; elle est tuée par un SS, une balle dans la tête.
La marche reprend ; les camarades morts sur le bord de la route sont de plus en plus nombreux. Dans des dizaines de charrettes remplies de matériel, de meubles, des fermiers allemands s’enfuient en abandonnant « leur » lopin de terre polonaise. Une halte est enfin ordonnée, dans une immense grange. Le lendemain matin, on fit sortir les femmes - Chaitcha rejoint ses compagnes - qu’on ne reverra plus.
Au 3ème jour de marche, la colonne atteint la ville de Nysa, en pleine débâcle. L’armée allemande en fuite fait sauter le pont. Pas la moindre-nourriture depuis la sortie du camp. Tard dans la nuit, exténués et affamés, ils sont parqués dans une ancienne usine de fabrication de sucre. On y trouve des betteraves à moitié pourries et un grand chaudron tapissé de caramel. Les hommes, dans le grand chaudron, grattent les parois avec les cuillers ...
Le matin, la marche reprend dans un vent glacial, sous une tempête de neige. Ils ont perdu la route ; ils attendront, immobiles, des heures les ordres. Beaucoup sont morts, gelés ou tués par les SS. Le froid est toujours aussi vif, la faim est tenace. Walter et Coco aperçoivent une ferme, proche de la route. Pendant que Walter dessine un cheval, moyennant quelques pommes de terre, Coco découvre un cellier plein de jambons. Il en met un sous sa chemise et en fait un oreiller dans la grange pour la nuit. Le matin, il ne retrouve pas son jambon !
Dans le groupe de jeunes Français. où la solidarité a beaucoup joué pour leur survie, décision est prise de s’évader, tous les chiens d’attaque étant morts. Simon et Addy s’enfuient donc, trouvent difficilement à se nourrir et finissent par revenir auprès de leurs camarades, n’ayant rencontré qu’hostilité et peur. Après avoir marché plus de 8 jours sur les routes de Haute Silésie, épuisés, ils arrivent en Allemagne .....

  • Évacuation des camps, Nathan Prochovnik

Blechhammer-Groß-Rosen-Buchenwald
• Camp de Blechhammer (Haute-Silésie)
Matin du 21 janvier : 1945 ; grand désordre, distribution de vêtements et de nourriture (on peut voler tout ce qui était au camp). Nathan prend un manteau, un sac à dos rempli de vêtements et de nourriture.
13 h 30 : départ du camp à pied, sous la neige, une colonne de 4 000 personnes (Ies chefs en tête, les SS en queue).
17 h 00 : ordre d’arrêter, suivi d’un contre-ordre (faire marche arrière - retourner au camp) puis, nouveau contre-ordre. On avance. Quelques kilomètres plus loin, sous le bruit des canonnades, on se disperse dans les granges et les fermes.
Transis de froid, beaucoup de morts.
Plus de nourriture au 3ème jour.
Nathan a I’audace de demander au S.S. de garde d’aller chercher un peu de nourriture pour ses camarades (pommes de terre, pain), ce qui lui vaut un certain prestige auprès d’eux.
• 12 jours d’errance et d’épuisement
Rencontre du terrible Nash - mourant - (du camp de Drancy et Peiskretscham).
Il a l’idée de tenter l’évasion - son ami Bouboule, plus âgé que lui de 10 ans, ne suivra pas. 11 se cache derrière une meule de foin et la colonne s’éloigne. Une voiture allemande décapotable avec 4 militaires allemands habillés de blanc appartenant au Génie vont faire sauter le pont. Alors il traverse le pont avant qu’il ne saute et retrouve ses camarades.
De plus en plus de morts. Dans les villages non encore évacués, grande sollicitude des villageois, qui donnent pain et marmelade. Dans une ferme, il rencontre aussi de braves allemands qui reconnaissent en lui un « étudiant » (il est resté un homme).
• Traversée de la ville de la ville de Breslau - Arrivée au camp de Groß-Rosen.
Épuisés, blessés, avec les mains et les pieds gelés, ils sont regroupés dans un immense hangar où 3 hommes musclés et torse nu vont matraquer les plus fatigués.
Au matin suivant les Allemands font les sélections.
Après 2 jours à Groß-Rosen, les valides partent à la gare (70 par wagon découvert).
Ils sont encore 2000 à survivre.
Le train roule 2 jours et 2 nuits pour arriver le 6 février 1945 à 13 h 30 en gare de Weimar.
Alerte - Bombardement de la gare et des wagons. Nathan se met à I’abri sous les bogies.
Le gardien du wagon, stupéfait d’être encore vivant accepte de partager le contenu de son sac à dos (cigarettes, pain, lard). Dans le wagon voisin rempli de choux, iI arrive à en voler avant que les S.S. ne commencent à tirer.
À la nuit, montée à pied vers le camp de Buchenwald distant de 9 km. Trop épuisé pour aider ses camarades blessés, iI parvient au camp.
Regroupement dans un lieu ressemblant à des bains-douches – qui n’est autre qu’une chambre à gaz !

Dominique Dufourmantelle et Annie Lyon-Caen

CNRD 2015 La libération des camps nazis, le retour des déportés

Le camp de Blechhammer par Jacques Lahitte :
http://www.shabbat-goy.com/les-camps/le-camp-de-concentration-de-blechhammer/

mise en ligne, décembre 2014-avril 2016

[2 Fußlappen ou chaussettes russes sont encore utilisées dans certaines usines avec des chaussures de sécurité.

[3Évacuation ordonnée par l’Obersturmführer, lieutenant-colonel Klipp, commandant du camp, sur instruction d’Ernst-Heinrich Schmauser.