Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Ginette Kolinka, née Cherkasky

Drancy, Auschwitz II-Birkenau, Bergen-Belsen, Raguhn, Theresienstadt
samedi 23 juin 2012

Ginette est née le 4 février 1925 à Paris ; elle a vécu sa petite enfance dans le 4ème arrondissement puis à Aubervilliers. Elle est la sixième d’une famille de sept enfants et a eu une enfance très protégée.
Sur dénonciation, le 13 mars 1944, la Gestapo et la Milice viennent arrêter les hommes de la famille. Ginette ayant protesté, elle est embarquée aussi.

Ginette Kolinka, photo D. Dufourmantelle, 2019

Ginette Kolinka est née le 4 février 1925 à Paris dans une famille non pratiquante d’origine juive. Cherkasky c’est le nom de son grand-père paternel venu de Russie. Son père, Léon Cherkasky, né à Paris en 1883, avait un atelier de confection. Sa mère, Berthe Fairstin, née en 1889, est d’origine roumaine. Ginette a vécu sa petite enfance dans le 4ème arrondissement puis à Aubervilliers. Elle est la sixième d’une famille de sept enfants et a eu une enfance très protégée.

En 1941, les arrestations concernent d’abord les hommes : dans sa famille ce furent le beau-frère et le frère de son père.

En juillet 1942, on les prévient qu’ils vont être tous arrêtés comme communistes. Ils fuient en zone non occupée.
Lexique : les mots de la France sous l’occupation
Ginette et deux de ses soeurs font une première tentative par Angoulême, sont emprisonnées pendant huit jours en attendant la vérification de leurs identités. Libérées, elles retournent à Paris et retrouvent un passeur à Chalons-sur-Saône. Toute la famille s’installe en Avignon. Ils travaillent tous sur les marchés ; Ginette travaille d’abord comme secrétaire.

Le 13 mars 1944, la Gestapo et la Milice viennent arrêter les hommes de la famille, son père, son frère de 12 ans et son neveu de 14 ans sur dénonciation.
Devant les remarques de Ginette, ils l’embarquent aussi. Ils passent par la prison d’Avignon, puis celle des Baumettes à Marseille. Ils sont internés au camp de Drancy.

Plaque à Avignon, Ginette, photo UH

Le 13 avril 1944, ils sont déportés par le convoi 71 en wagons à bestiaux depuis la gare de Bobigny jusqu’à Auschwitz II-Birkenau. Son père et son frère rejoignent les camions et sont gazés à l’arrivée.
Ginette entre dans le camp des femmes, est tatouée, matricule 78 599, son neveu [1] entre dans celui des hommes.

Ginette Kolinka, vêtue de haillons, apprend à Auschwitz l’exécution de Mala, une femme juive héroïque.

Fin octobre 1944, elle est transférée jusqu’à Bergen-Belsen qui est en pleine anarchie et où la loi du plus fort règne. Elle est sous une tente.
En février 1945, elle se porte volontaire et est envoyée à Raguhn, près de Leipzig. Les conditions matérielles sont un peu moins désastreuses qu’à Bergen-Belsen et elle travaille en usine.
En avril 1945, devant l’approche des armées alliées, elle est transférée pendant 8 jours, par un « train de la mort » jusqu’au camp de Theresienstadt. Ginette est atteinte du typhus.
Theresienstadt - Terezin, une colonie modèle

Forteresse de Theresienstadt, photo Daniel Nicolle

Libération

Libérée, le 9 mai 1945 par les Soviétiques, elle est rapatriée par les Américains en avion sanitaire à Lyon. Elle pèse tout au plus 28 kg.
A son retour en juin 1945, elle retrouve sa mère et 4 sœurs. La cinquième a été déportée.

Ginette écrit en 2009 :
"Après avoir passé quelques jours à Lyon venant du camp de Theresienstadt, j’apprends par une visiteuse que ma mère et mes soeurs ont récupéré l’appartement parisien. Alors que très mal en point, je devais aller à l’hôpital, j’ai choisi de rentrer sur Paris. Il fallait obligatoirement passer par l’hôtel Lutetia et, après m’être acquittée de la corvée de répondre aux responsables quinous interrogeaient, je suis rentrée chez moi.
Dans le couloir, j’ai croisé la concierge : "Ah Gilbert, .. mais non ! " J’étais dans un tellement triste état, 29 kg à peine, cheveux rasés, qu’avec mes 20 ans, elle m’avait confondue avec un garçonnet de treize ans.

En ouvrant la porte, c’est dans les bras de ma mère que je suis tombée et en me conduisant dans le canapé car je ne tenais pas debout, elle m’annonce : "On va me donner des nouvelles de ton père et de Gilbert." Et moi sans la préparer doucement à ce que je vais lui apprendre, brutalement, je lui dis ! "Des nouvelles ! Ils ont été gazés en arrivant et leurs corps brûlés !"
Le remords m’a hanté jusqu’à maintenant, mais ce remords je ne l’ai eu que beaucoup d’années après mon retour. J’avais alors perdu toute sentimentalité.
Pauvre Maman, elle est décédée en 1951, sans jamais m’en avoir reparlé.

Ginette essaie de reprendre vie pendant deux ans et ne parle à personne de sa déportation.

"Six mois après mon retour des camps, je suis passée de 28/29 kg à …60kg. Non seulement j’étais grosse mais à la Libération j’avais eu le typhus avec des poux, des poux, et les Russes, mes libérateurs m’avaient rasé les cheveux, tous les poils. Ils avaient un peu repoussé mais la mode n’était pas encore aux cheveux courts. J’avais eu en outre plein de furoncles qui avaient laissé des traces. Je sortais de la maison uniquement pour me soigner.
Un jour, mes soeurs, deux belles jeunes filles, ont voulu absolument que je les accompagne au dancing. On arrive, on s’installe à une table, l’orchestre attaque, les cavaliers s’approchent de notre table et invitent Jacqueline, Lucienne, et … moi j’attends. Et j’ai attendu toute la soirée !
Voilà ce qu’est "faire banquette". Vous comprenez ces danseurs après avoir lu la description de ma personne. Et j’avais en plus le regard dans le vide ! A cause de moi mes soeurs ont écourté leur soirée et pendant deux ans je suis restée dans mon coin. A la fin de 1947, j’ai repris mon travail et je n’ai plus fait banquette".
Une dernière anecdote ! Un jour où je dansais et où mon n° 78 599, jusque là caché sous ma manche, s’est découvert, un danseur m’a dit :
"Vous avez peur d’oublier votre numéro de téléphone ? "
Je n’ai pas répondu mais je n’ai jamais redansé avec lui. Il est vrai qu’en 1947, on ne parlait pas trop."

Ginette se marie en 1951, a un fils. Elle a repris son travail sur les marchés. Aujourd’hui, elle témoigne fréquemment auprès des jeunes. Elle accompagne de nombreux voyages à Auschwitz

Ginette accompagnant un voyage d’élèves français à Auschwitz et Birkenau :
http://www.zeit.de/video/2015-01/3992762372001/fanatismus-holocaust-ueberlebende-fordert-religioese-toleranz#autoplay

Ginette a participé aux enregistrements des DVD du Cercle d’étude, au DVD-Rom Mémoire Demain.

N.M. 2012
https://www.franceculture.fr/emissions/une-histoire-particuliere-un-recit-documentaire-en-deux-parties/ginette-kolinka-12-la-memoire-retrouvee

LGL : Ginette Kolinka, Elie Buzyn :
http://clioweb.canalblog.com/archives/2019/05/09/37322849.html

Philippe DANA, Ginette Kolinka, une famille française dans l’Histoire, Éditions Kero, 2016, 217 p.
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article551

Ginette KOLINKA, Marion RUGGIERI, Retour à Birkenau, Grasset, 2019

Ginette Kolinka et Marion Ruggieri, Une vie heureuse , Grasset, 2023

Aurore D’Hondt, Ginette Kolinka. Récit d’une rescapée d’Auschwitz-Birkenau, Des Ronds dans l’O, 2023, 240 pages.
https://www.desrondsdanslo.com/GinetteKolinka.html
Ginette Kolinka, itinéraire d’une survivante

Vaux-le-Pénil

Ginette Kolinka, photo Colette Llech

À Vaux-le-Pénil, agglomération de Melun, le petit théâtre de la Ferme de jeux a été baptisé du nom de Ginette Kolinka, ancienne déportée, 97 ans, en sa présence, lors de la cérémonie.
https://actu.fr/ile-de-france/vaux-le-penil_77487/

[1Georges MARCOU avait 14 ans. Déporté par le convoi n° 71. Transféré d’Auschwitz à Sachsenhausen avec une quinzaine de jeunes juifs déportés de France, il a disparu dans le camp de Lieberose, sans doute victime de tirs de SS : „Komm mit zum Judenerschießen !“ sagte ein SS-Mann zum anderen, „es gibt auch Alkohol ( Viens tirer sur les juifs, dit un SS aux autres, il y a aussi de l’alcool.).