Famille HIRSCH, Claude, 13 ans et demi en 1944, et ses parents, Armand, 50 ans, et Edmée, 37 ans.
Claude est le seul survivant
Armand et Edmée Hirsch appartiennent à une famille juive implantée depuis le XVII ème siècle en Alsace. Armand est né le 24 mai 1894 à Hattstatt dans le Haut-Rhin, Edmée Ditisheim est née à Bâle, en Suisse, le 4 septembre 1907 dans une famille également d’origine alsacienne. Ils se sont mariés en septembre 1929 et ont eu un fils, Claude, né le 16 février 1931. Armand Hirsch devient ingénieur, après avoir fait une école de filature et de tissage de Mulhouse ; il installait des machines dans les entreprises de la région. Edmée Hirsch était femme au foyer. Cette famille juive, peu pratiquante, se sent française à part entière.
En 1940, devant l’avance rapide des troupes allemandes, le famille participe à l’exode et arrive dans le Gard, à Saint-Geniès-de-Malgoirès. Durant toutes ces années, ils ont d’excellents rapports avec la population protestante de cette région des Cévennes. En octobre 1943, alors que Claude a commencé sa scolarité au lycée de Nîmes où il est pensionnaire, ses parents ont la visite d’agents de la Gestapo. La famille, se sentant menacée, se réfugie, dans un premier temps à Alès, puis, en janvier 1944, à Noiretable, dans les monts du Forez, dans le département de la Loire, où Claude suit l’enseignement par correspondance du lycée de Clermont-Ferrand.
Le 24 mai 1944, Claude est arrêté avec sa mère que le passage de miliciens dans leur rue a affolée. Armand Hirsch, prévenu de leur arrestation les rejoint et se livre. Ils sont tous trois envoyés à Lyon, et incarcérés au siège de la Gestapo, boulevard Berthelot, puis à la prison Montluc. Hommes et femmes sont séparés. Claude et son père restent un mois dans la baraque aux Juifs de la prison. Lors de cet internement, le père d’un jeune détenu de l’âge de Claude, Robert Wajcman , est fusillé comme otage. Drame inoubliable. Claude et Robert, déportés ensemble dans le convoi 76, et survivants, sont restés liés par ces évènements tragiques. Ils se revoient encore aujourd’hui.
Le 20 juin, c’est le départ en train pour le camp de Drancy où ils entrent le 21 juin. La fiche du carnet de fouille d’Armand Hirsch dit qu’il remet au chef de la police du camp la somme de 550 francs, puisque chaque interné devait remettre argent et objets de valeur à son arrivée au camp. Le 30 juin, is sont conduits à la gare de Bobigny avec 1153 internés destinés à être déportés vers le centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. C’est le 76ème convoi de déportés juifs parti de Drancy.
Le voyage qui dure quatre jours, en plein été, par une chaleur torride, est particulièrement épuisant pour ces familles entassées dans un wagon à bestiaux plombé. Le 4 juillet, le convoi entre à l’intérieur du camp de Birkenau sur la « rampe d’Auschwitz » où a lieu la sélection. Les travaux de Serge Klarsfeld ont permis d’apprendre que 223 femmes sur 495 et 398 hommes sur 654 sont déclarés « aptes » pour le travail . Ce sont généralement les plus jeunes. Le nombre de déportés désignés pour ce travail d’esclave, plus de la moitié, est beaucoup plus élevé que celui des transports précédents car Les camps deviennent, en 1944, un vivier de travailleurs pour l’industrie de guerre. L’autre moitié du convoi, les malades et les enfants, dits « inaptes » au travail, sont gazés dès l’arrivée.
Claude et son père entrent au camp. Ils sont dirigés vers les douches. Lorsqu’ils sont déshabillés, un SS fait sortir son père, mutilé de la 1ère guerre mondiale, ainsi que quelques personnes âgées, qui disparaissent. Elles ont été de toute évidence envoyées à la chambre à gaz, dès leur arrivée.
Claude, bien qu’âgé de 13 ans et demi, est reconnu apte au travail (sa mère l’avait vieilli d’un an, lors d’un interrogatoire, prémonition de sa part …). Il entre, désormais seul, au camp d’Auschwitz III situé à une dizaine de kilomètres d’Auschwitz près du village de Monowitz. Y était installée l’usine surnommée « Buna », d’IG Farben-Industrie destinée à fabriquer du caoutchouc synthétique. Il est désormais le A-16689.Il travaille dans divers « Kommandos », d’abord comme terrassier, devant transporter des câbles très lourds, puis effectuant des travaux plus légers, vraisemblablement réservés aux jeunes. Il y retrouve Robert Wajcman.
Edmée Hirsch entre, elle aussi, au camp. Affectée au camp de femmes de Birkenau, elle a probablement reçu le numéro matricule A-8603. Selon le témoignage de son fils, elle mourra de pneumonie, quelques semaines plus tard. La mère de Robert Wajcman, dans une lettre témoigne l’avoir connue à l’occasion de leurs internements respectifs à Lyon, Drancy et Auschwitz et l’avoir vue mourir à la fin du mois d’août 1944, probablement épuisée par ces quelques mois de camps.
Le 18 janvier 1945, Claude Hirsch fait partie des 250 à 300 déportés du convoi 76 évacués du camp de Monovitz. Il effectue la première marche de la mort , une marche de 60 kilomètres sur des routes enneigées, en plein hiver, jusqu’à la ville de Gleiwitz, un Kommando du camp d’Auschwitz. Le 20 ou le 21 janvier, 2451 déportés sont entassés dans des wagons à charbon que les hommes rentrés dénommaient « wagons découverts », car sans toit, donc ouverts à tous les vents, à la neige et au froid, sans recevoir de nourriture. Après six jours de transport, il arrive vivant avec 100 hommes du convoi 76 le 26 janvier 1945 au camp de Buchenwald. Il est alors interné au camp de Dora, matricule 106731 où, épuisé, il s’écroule. Il est alors envoyé à l’infirmerie du camp où il « fête » ses 14 ans. Plaies infectée aux jambes, dysenterie, primo-infection tuberculeuse. En avril 1945, il est transféré en camion au camp de Nordhausen, annexe du camp de Dora.
Après le bombardement du camp par l’US Air Force, il est libre ! Avec un petit groupe de Français, ils se nourrissent de denrées stockées dans les caves des casernements de leurs geôliers. Vers le 15 avril, ils sont pris en charge par l’armée américaine qui les regroupe à Buchenwald, libéré depuis le 11 avril. Il est transporté par l’US Army sur une base aérienne près de Halle en Thuringe, puis enfin rapatrié dans un DC3 de l’US Air Force, à Mourmelon, dans la Marne, puis soigné dans un hôpital d’Epinal. Il reprend contact avec les membres de sa famille épargnés. Et finalement son oncle Léon ramène Claude en juin 1945 à Paris.
En 1946, Claude reprend sa scolarité au lycée Montaigne. En 1950, il obtient son baccalauréat, avant de « faire pharmacie ». En 1955, diplôme en poche, il devient interne des hôpitaux de Paris, se spécialise en pharmacologie et devient chercheur pour la mise au point de médicaments nouveaux. Claude Hirsch se marie en 1962 avec Anne-Marie Bader avec qui il a deux enfants, puis trois petits-enfants. En 1967, il soutient une thèse de doctorat, puis tient une officine jusqu’à sa retraite en 1988.
Claude Hirsch n’est jamais retourné à Auschwitz. Il est aujourd’hui l’un des 4 survivants de ce convoi connus de nous.
Edmée et Armand HIRSCH, parents de Claude, avant-guerre
Fonds privé
Mémorial de la Shoah- témoignage de Claude Hirsch, écrit en 2005, Souvenirs de déportation d’un enfant de 13 ans
– Entretiens avec Claude Hirsch, 2007-2021.
Chantal Dossin