200 000 à 500 000 Tsiganes sur les 700 000 environ qui vivaient en Europe, selon les différentes estimations sont morts, victimes du nazisme et de ses alliés (à l’exception de la Bulgarie). Ce génocide porte le nom de SAMUDARIPEN [1]. Des milliers de Tsiganes ont par ailleurs été stérilisés.
Persécutions des Tsiganes en Europe occupée
Histoire et mémoires d’un génocide, Petit Cahier 2e série N°19
Ces massacres, ces persécutions relèvent cependant d’une autre « logique » que celle pratiquée à l’encontre des Juifs. Malgré les rafles, la déportation, le gazage de plusieurs milliers d’entre eux, malgré la persécution violente et criminelle dont ils furent victimes dans les pays d’Europe de l’Est, il ne semble pas qu’il y ait eu une politique systématique de type « solution finale » qui avait, elle, pour objectif la destruction totale des Juifs d’Europe.
Les Tsiganes ont d’ailleurs été soumis à des décisions contradictoires voire incohérentes dont les prémices sont antérieures à Hitler : en 1899 est créé à Munich un « office pour la lutte contre l’activité tsigane » et en 1926 est votée la loi « destinée à combattre les Tsiganes, les vagabonds et les rétifs au travail ». Les Tsiganes ont d’abord été considérés par les nazis [2] comme des « asociaux », des « criminels irrécupérables », des « fainéants » constituant un affront aux idées et à l’ordre social nazis. Pour les idéologues de « l’hygiène raciale » comme le Dr Ritter [3], ils furent ensuite désignés comme une catégorie ethnique [4], racialement non intégrés à la Communauté du peuple allemand, dont il fallait "sauver la germanité". Avec le développement de l’obsession raciale, les Tsiganes furent donc perçus comme une menace pour la « pureté raciale » allemande bien que Himmler essayât de séparer et de sauver ceux qui étaient considérés comme des « Tsiganes purs » ayant des racines aryennes en Inde. Les idéologues nazis se querellèrent pour déterminer si les Tsiganes étaient des « Aryens abâtardis » que l’on pourrait « récupérer » ou s’ils avaient définitivement rejoint la catégorie des « races inférieures ». Parmi les contradictions, il est à noter que le nomadisme [5] est semble le danger premier pour les nazis puisque les nomades non-Tsiganes leur sont assimilés et sont persécutés alors que des Tsiganes sédentaires semblent avoir pu échapper aux persécutions. A la différence des Juifs pour qui le métissage a pu être une légère protection, le métissage chez les Tsiganes aggrave la situation.
Dans le décret sur « la lutte contre le fléau tsigane » du 8 décembre 1938, Himmler ordonne le recensement intégral des Tsiganes. Ils furent rassemblés dans des camps surtout à partir de 1936 (en particulier Dachau, Ravensbrück). A partir de 1940 ils furent déportés par milliers dans des camps de travail et des ghettos polonais, en application de l’ordonnance du 27 avril 1940 dite de « transplantation » ( Umsiedlungserlass ) .
Le 31 juillet 1941, Heydrich veut les exterminer. Le 16 décembre 1942 [6], Himmler ordonna l’internement des Tsiganes et Tsiganes métissés dans le camp de Birkenau.
Le musée d’Etat d’Auschwitz et le centre des Sinti et Roms de Heidelberg ont évalué que 63% des Tsiganes enregistrés dans le camp de Birkenau étaient d’origine allemande ou autrichienne. Il ne faut pas oublier par ailleurs, l’ampleur des massacres opérés sur le front de l’Est par les Einsatzgruppen et la Wehrmacht.
La persécution des Tsiganes [7], la tentative de génocide relèvent du crime contre l’humanité.
En ce qui concerne la France, depuis la loi de 1912, il leur est imposé un carnet anthropométrique visé dans chaque commune à l’arrivée et au départ. Le décret du 6 avril 1940 interdit la circulation des nomades sur l’ensemble du territoire : les nomades doivent se déclarer à la gendarmerie et sont astreints à résidence.
Vichy combat lui aussi le nomadisme. C’est à la demande de l’occupant que le gouvernement de Vichy interne, pour les surveiller, les Tsiganes de la zone occupée le 4 octobre 1940. Les nazis laissent ensuite les autorités françaises libres de mener la politique de leur choix et l’internement des Tsiganes en zone Sud est une initiative purement française. Les historiens évaluent à 3 000 les Tsiganes internés en France dans 27 camps, entre 1940 et 1946. Il n’y a pas eu de déportation systématique des Tsiganes de France. Toutefois, le 15 janvier 1944 des Tsiganes, dont 145 français, ont été déportés de Belgique vers Auschwitz. Ce convoi semble le seul cas connu de déportation de Tsiganes de France. Il faut aussi signaler que leur internement a continué encore deux ans après la libération du pays (de 1944 à 1946).
Maryvonne Braunschweig et Martine Giboureau (2004)
Pour en savoir plus :
|* "Auschwitz-Erlass"(Décret d’Auschwitz) sur Ordre d’Himmler
„Auf Befehl des Reichsführers SS vom 16.12.42 – Tgb. Nr. I 2652/42 Ad./RF/V. – sind Zigeunermischlinge, Rom-Zigeuner und nicht deutschblütige Angehörige zigeunerischer Sippen balkanischer Herkunft nach bestimmten Richtlinien auszuwählen und in einer Aktion von wenigen Wochen in ein Konzentrationslager einzuweisen. Dieser Personenkreis wird im nachstehenden kurz als ’zigeunerische Personen’ bezeichnet. Die Einweisung erfolgt ohne Rücksicht auf den Mischlingsgrad familienweise in das Konzentrationslager (Zigeunerlager) Auschwitz.“ Schnellbrief des Reichskriminalpolizeiamts (RKPA) du 29 janvier 1943
Pour corriger les idées reçues sur les Tsiganes :
DELÉPINE Samuel, Atlas des Tsiganes. Les dessous de la question rom, Paris, Editions Autrement, 2012, mais pb avec la carte
"Cet atlas remet en cause l’existence d’un « problème public rom ».
Roms, Gitans, Sintis, Travellers, gens du voyage… migrants, nomades ou sédentaires, ils se heurtent partout en Europe et plus ou moins violemment aux problèmes d’emploi, de santé, de logement ou de scolarisation. Leur point commun : être catalogués comme une catégorie ethnique ignorante de leur diversité."
Sommaire de l’atlas :
http://lectures.revues.org/7988
Le camp de Mérignac-Beaudésert, avenue des Martyrs-de-la-Résistance.
La Feldkommandantur FK 529 en Aquitaine, fait appliquer les ordonnances allemandes du 25 octobre 1940. Les bohémiens doivent être internés dans des camps et il leur est formellement interdit de franchir la ligne de démarcation.
Les nomades de Gironde sont internés dans l’annexe du fort du Hâ, à Beaudésert, près de l’aéroport de Mérignac. Les Winterstein, Weiss, Bauer, Helfried, Hoffmann, Lagrene, Reinhard, Sauzer, fournissent un travail gratuit.
Le 2 décembre 1940, des "nomades" sont transférés à Rouillé, Blanzy, Civray, puis au camp de Poitiers, route de Limoges.
Le 13 janvier 1943, une centaine de nomades sont transférés au camp de Royalieu, puis déportés en Allemagne, au camp d’Oranienburg-Sachsenhausen. Ils travaillent dans une usine de batteries. Surnommés les "hommes en noir" à cause des acides, , ils ne seront que 7 ou 8 survivants à la fin de la guerre.
Des indésirables, nomades, communistes, repris de justice, étrangers, espagnols, rouges, juifs, ont été internés dans ce camp, un « camp français pour les Français ».
- Mérignac-Beaudésert
Documents des archives nationales sur le camp de Mérignac
Les Tsiganes :
http://www.memoire-net.org/rubrique.php3?id_rubrique=94
Un monument pour les Tsiganes à Berlin :
http://www.memoire-net.org/article.php3?id_article=270
Conférence du Cercle d’étude du 2 Juin 2004
La mémoire et l’oubli : L’internement des Tsiganes en France 1940-1946
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article26
Le Cercle d’étude a publié un double petit cahier n° 20 et 20 bis : « La persécution des Tsiganes – Mémoire et Histoire ; conférence-débat du 2 juin 2004 d’E. Filhol, J. Sigot ».
Conférence du Cercle sur les Tsiganes en Europe avec le témoignage de Raymond Gurême :
Les Tsiganes dans l’Europe occupée : entre persécutions et génocide
Sur les Tsiganes voir la fiche Notions de Martine Giboureau :
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article90
Les camps de La Forge et de Choisel
Emilie Jouand a obtenu le 2° prix au Prix Marcel Paul, pour son mémoire de Master I :
"L’internement des nomades en Loire-Inférieure. Les camps de La Forge et de Choisel, novembre 1940 -mai 1942". Mémoire de master I de recherche en histoire, préparé sous la direction de Rémi Fabre, maître de conférence. Université de Nantes, UFR d’histoire, histoire de l’art et archéologie.
Voir "Le Patriote Résistant", septembre 2009 ou l’article en ligne :
http://www.fndirp.asso.fr/internement%20nomade.htm
Signalé par Monique Vidal
Tuckermann Anja, Muscha, ein Sinti-Kind im dritten Reich, éditions Ravensburger
Mise en ligne NM. Actualisé et notes avril 2013_2017