Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

France Bloch-Sérazin, Une femme en résistance

Alain Quella-Villéger, éd des femmes, 2019
vendredi 10 mai 2019

« Je suis courageuse et fière de mourir pour mon idéal pour que la France vive libre et heureuse. » France Bloch-Sérazin, une personnalité exceptionnelle. Suzanne Masson, déportée politique « NN »

 France Bloch-Sérazin

France Bloch-Sérazin – Une femme en résistance, 1913-1943

Marie-José Chombart de Lauwe a été la voisine de cellule à la Santé et à Fresnes, en 1942, de France Bloch-Sérazin. « La participation active des femmes à la Résistance a longtemps été sous-estimée, voire occultée. » écrit-elle dans la préface. Elle se souvient de La Marseillaise qui a accueilli France et ses compagnons communistes après leur condamnation à mort [1].

France Bloch
  • Une enfance heureuse
    Françoise Bloch-Sérazin, 1913-1943, fille de l’écrivain Jean-Richard Bloch [2], rationaliste et laïque, ami de Romain Rolland, est née à Montmartre. Sa mère, née Herzog, est fille de drapier d’Elbeuf et a pour frère André Maurois. Sa famille a quitté l’Alsace en 1871 pour ne pas devenir allemande.
    France a grandi à la Mérigote près de Poitiers où son père, fustigeant « l’irréalité niaise de la société parisienne, s’est retiré », où il reçoit beaucoup d’intellectuels, d’hommes politiques. France est élève au collège privé Sévigné [3] à Paris. Étudiante inscrite en chimie, elle fait la connaissance de Marie-Elisa Nordmann à la bibliothèque de la faculté de pharmacie de Paris [4]. « Tu es un être libre » a t-elle-écrit dans son journal. Elle est pour l’action.
    1934 : France s’engage très jeune contre le fascisme.
    1936 : Elle est contre la non - intervention du Front populaire. Sa soeur Claude aide l’Espagne républicaine. Elles adhèrent en 1937 au PC. « L’heure est aux actes » a dit le Jean-Richard Bloch. France milite à une cellule du XIVe où elle rencontre Frédo Sérazin, tourneur, syndicaliste, communiste, de toutes les luttes. Le XIVe est une pépinière de militants : Marcel Paul, Henri Tanguy, Raymond Losserand.
    1938 : Elle est contre la dérobade de Munich.
    1939 : Suite à la signature du Pacte germano-soviétique, le PC est interdit  [5].
    Elle se marie avec Frédo en mai 1939.
    La Retirada 500 000 personnes passent la frontière espagnole en janvier— février—mars 1939.
    À la Mérigote, Jean-Richard Bloch accueille des républicains réfugiés, Antonio Machado est attendu mais il meurt d’épuisement à Colioure. Quatre rédacteurs du Hora de Espana internés au camp de Saint-Cyprien, sont accueillis à la Mérigote. Parmi eux, le poète réfugié, Arturo Serrano Playa qui épouse Claude. Ils embarquent pour Buenos Aires.

 Entrée en Résistance

 Dès septembre 1939, France pense qu’il faut continuer la lutte contre le fascisme. Les militants communistes sont surveillés. Frédo est affecté à une compagnie spéciale de travailleurs en mars 1940. Malgré le pacte germano-soviétique, France rejoint le PC clandestin, organise les premiers sabotages.
Le 14 juin 1940 les Allemands sont entrés dans Paris. Dans sa cave, elle fabrique des affiches, des tracts qu’elle distribue la nuit. « Mort aux nazis ».

France Bloch-Sérazin installe un petit laboratoire clandestin au 1 avenue Debidour, près de la place du Danube dans le 19ème arrondissement. L’appartement du résistant Théo Kroliczek sert de dépôt d’armes, de produits chimiques, de dynamite, de cordons Bickfor et de local pour la fabrication de bombes, d’explosifs par la chimiste France Bloch-Sérazin. Ils sont utilisés pour les premiers attentats communistes contre les troupes allemandes.
« Elle y fabrique des explosifs pour l’action armée de l’OS et des » Bataillons de la Jeunesse" , jeunesse communiste, les futurs FTP :
http://www.des-gens.net/France-BLOCH
Cependant, les lieux sont surveillés par la police.
Jean-Richard Bloch émigre à Moscou le 15 avril 1941. Il fait des causeries dans les émissions françaises de Radio-Moscou. France participe à la manifestation du 14 juillet 1941, vêtue en bleu blanc rouge.

En août 1941 Frédo est transféré au camp de Choisel à Chateaubriand. Le 22 octobre, 27 otages dont Guy Môquet sont exécutés. France est morte d’inquiétude.

Quai de la Rapée, le 11 février 1942, elle échappe de peu à l’arrestation. Les filatures suivent de très près le groupe. France est recherchée. La BS traque « Claudia ». Elle se cache, va à la Marigote avec son fils Roland, mais elle rentre à Paris pour continuer le combat. Elle essaie de faire évader son mari interné à Voves, un réservoir d’otages, mais elle est arrêtée le 16 mai 1942 rue Monticelli, dans un coup de filet contre le groupe Raymond Losserand [6]. L’inspecteur Charlot la reconnait.

  • « Je meurs sans peur »

Résistante et juive, considérée comme traitre à l’Allemagne, elle est condamnée à mort pour intelligence avec l’ennemi, [7]. Elle fait une demande en grâce.Transférée à Fresnes, sans illusion, puis déportée N.N. vers l’Allemagne, à la maison d’arrêt Holstenglacis à Hambourg, puis à la forteresse de Lübeck où ont lieu les exécutions, puis à nouveau à Hambourg.
La directrice de la prison de Hambourg, sachant qu’elle est « NN » [8], recopie les lettres et fait passer des nouvelles à sa famille.

De retour d’URSS, Jean-Richard Bloch est brisé par la douleur, son frère, son fils, sa fille, son gendre sont morts.

Au 1 avenue Debidour dans le XIXe, une plaque indique :

« Dès 1940 dans cet immeuble France Bloch-Sérazin avait installé un laboratoire où elle préparait des explosifs pour la Résistance. Arrêtée le 16 mai 1942, condamnée à mort, transférée en Allemagne, elle fut décapitée le 12 février 1943 à Hambourg. »

Un livre très fort

"Alain Quella-Villéger a pu consulter des archives, des lettres dont celles de France et Frédo, conservées par leur fils Roland, des témoignages des compagnons de lutte, de la famille, des journaux, des associations, des sites, les archives de la police. Le livre est remarquablement bien documenté.
L’auteur combat les idées reçues, trace un portrait rigoureux et poignant. Il dépeint une femme libre, amoureuse, mère de famille, courageuse, une scientifique qui se met au service de la Résistance sans compter.
NM

France Bloch et Frédo Sérazin film de Marie Cristiani
une collègue
GARTENSTEIN-SAUVARD Sarah

Médiagraphie
Alain QUELLA-VILLÉGER, France Bloch-Sérazin – Une femme en résistance (1913-1943), préface de Marie-José Chombart de Lauwe, éditions des femmes, 2019, 296 p.
CHOMBART DE LAUWE Marie-Jo, Résister toujours, Flammarion, 2015.

France Bloch et Frédo Sérazin, film de Marie Cristiani, 60 min, MCD prod/FR3 Corse, 2005. Texte dit par Pierre Arditi et Evelyne Bouix

France Bloch-Sérazin. Auf den Spuren einer mutigen Frau. (« France Bloch-Sérazin. Sur les traces d’une femme courageuse »), Scénario de Hans und Gerda Zorn, film de Loretta Walz. 80 minutes, Allemagne, 1993.
Cf.Ces résistants et résistantes à ne pas oublier 

France Bloch-Sérazin, militante communiste, résistante, chimiste de l’Organisation spéciale (OS) puis des FTP :
http://maitron-fusilles-40-44.univ-paris1.fr/spip.php?article16924

http://www.memoresist.org/spip.php?page=oublionspas_detail&id=835

 Suzanne Masson

  • Suzanne Masson 1901-1943
    Suzanne Masson 19 ème

    Suzanne Masson, née à Doullens (Somme) le 10 juillet 1901, exécutée le 1er novembre 1943 à Hambourg, syndicaliste CGTU, communiste, fait du dessin industriel à l’usine Rateau à La Courneuve, grèves de 1936, solidarité avec l’Espagne républicaine, renvoyée suite aux grèves de 1938, participe à la résistance dès juin 1940, distribution de tracts, actions, elle est arrêtée par la police française, 95 boulevard Macdonald à Paris, le 5 février 1942.
    Internée à la Petite-Roquette, puis à la Santé, livrée à la Gestapo, déportée le 18 mai 1942 à Karlsruhe, transférée à Anrath, Ruhr, une prison d’application de peine de travaux forcés pour les femmes déportées « NN ». Elle refuse de travailler pour l’armée allemande. À la prison de femmes de Lübeck- Lauerhof, elle est jugée en juin 1943, pour détention d’armes, appels à la résistance contre l’occupant allemand, liaisons clandestines avec le Parti communiste français et condamnée à mort. Patriote et communiste, elle est guillotinée à Hambourg dans la cour de la prison.
    Comme Suzanne Masson, la résistante France Bloch-Sérazin, a été jugée à Lübeck, et guillotinée au même endroit, le 12 février 1943, à la maison d’arrêt sur le Holstenglacis à Hambourg.

Voix et Visages, bulletin mensuel de l’Association nationale des anciennes déportées et internées de la Résistance (ADIR).
http://www.lacontemporaine.fr/images/zooms/femmes_resistance/archives_adir.pdf

La préfecture de police de Paris ouvre les archives des sinistres « brigades spéciales »
https://criminocorpus.hypotheses.org/28786

André Kirschen, « J’avais 15 ans », de Frank Cassenti

NM

[1Bruno Leroux, dictionnaire historique de la Résistance, p. 953.

[2Stefan Zweig et Jean-Richard Bloch, Correspondance (1912-1940), Édition de Claudine Delphis, Éditions universitaires de Dijon, coll. « Écritures », 266 p.https://www.en-attendant-nadeau.fr/2020/06/10/correspondance-zweig-bloch/

[3Madeleine Steinberg a été une élève du Collège Sévigné dans les années 1930 Madeleine Steinberg née White

[4(Cf. Voix et Visages ADIR)

[5Le PC est accusé de trahison par le gouvernement radical-socialiste d’Édouard Daladier et interdit le 26 septembre 1939 par le décret d’Albert Sarraut, ministre de l’intérieur.

[6de l’OS, il est fusillé le 21 octobre 1942 au Stand de tir de Balard. Sa femme, Louise Losserand, arrêtée en même temps que lui, est déportée à Auschwitz par le convoi du 24 janvier 1943.

[718 sur 23 sont condamnés à mort

[8Nuit et Brouillard, Nacht und Nebel ou NN : décret du 7 décembre 1941 de l’État-Major de la Wehrmacht, signé par le maréchal Keitel et ordonnant la déportation sans jugement et dans le plus grand secret, en Allemagne, de tous les ennemis (saboteurs, résistants) ou opposants du Troisième Reich, représentant « un danger pour la sécurité de l’armée allemande » et la disparition de tout adversaire de l’État national-socialiste dans le secret absolu, sans laisser filtrer aucune nouvelle, en particulier à la famille.

[9Amicale des déportés politiques d’Auschwitz et des camps de Haute-Silésie fondée en 1945.