Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Un jeune hitlérien "rouge", Hitlerjugend

Der Rote Hitlerjunge Günter Lucks
jeudi 30 novembre 2017

Günter Lucks se demande encore comment à 16 ans, il s’est retrouvé dans la Waffen-SS, alors qu’il a grandi dans une famille communiste à Hambourg.

Günter Lucks

Günter Lucks, 16 ans, dans la "HJ" Hitlerjugend (jeunesse hitlérienne), trouvé errant, a été ramassé avec d’autres personnes du Volkssturm [1] et enrôlé dans la Waffen-SS. Il a été envoyé à l’Est, participe aux combats. Il devient un nazi.
Aujourd’hui il a honte d’avoir été dans la SS et témoigne dans les écoles.

Der Rote Hitlerjunge

Alors qu’il est au Volkssturm, mille "volontaires" de 15 à 16 ans, sont enrôlés par les SS. Un seul a dit non au Obersturmbannführer, en disant que ses parents ne voulaient pas qu’il soit dans la SS. Il a été traité de femmelette, hué, mais il a été renvoyé chez lui, il ne lui est rien arrivé. Günter Lucks n’a pas compris pourquoi il n’avait pas réagi comme lui, car ses parents aussi, ne voulaient pas.

Ses parents communistes, ont côtoyé Ernst Thälmann, Etkar André [2], Fiete Schulz et Heinz Neumann. Il a sauté sur les genoux d’Etkar André. Son père était un roter Kämpfer (Roter Frontkämpferbund : organisation militaire du Parti) et sa mère était surnommée rotes Lieschen (la petite Elisabeth) par les personnalités du Parti. Le grand-père avait serré la main d’August Bebel.

À 14 ans, il est traumatisé par le bombardement au phosphore de Hambourg par la RAF et US Air Force. Un mur s’est écroulé sur lui. Son frère lui a dit qu’il allait chercher du secours, il n’est jamais revenu. Il a réussi à se dégager et a erré dans les rues brûlantes. Les gens qui se sont jetés dans l’Elbe, ont été brûlés par le phosphore.
L’Est rouge de Hambourg a été doublement victime : une fois par les nazis et une deuxième fois, le Hambourg rouge à Hammerbrook, a été éradiqué physiquement par le bombardement de 1943 [3].
La nuit du 24 au 25 juillet 1943, a été la plus meurtrière. On parle de 45 000 morts.

Blessé gravement en 1945 il est fait prisonnier et soigné par les Soviétiques. Il avait le tatouage des SS. Alors que d’autres ont été libérés, les Soviétiques ne l’ont libéré qu’en 1950. Ils l’ont laissé en vie car il n’a jamais menti. Il leur a expliqué comment il était devenu SS, qu’il avait été élevé dans une famille communiste, proche de Thälmann.
Il n’a jamais abandonné la lutte. Il n’en veut pas aux surveillants à ceux qui le tabassent car il pense qu’ils ont été éprouvés dans la guerre [4] voulue par les Allemands. [5]

Après sa libération, il a essayé de s’installer en RDA, mais il repart au bout d’un an et demi. Il est devenu syndicaliste. Il a 88 ans et témoigne dans les écoles de Hambourg.

En attendant d’être fait prisonnier, blessé, Günter se souvient qu’Etkar André avait un chien berger allemand. "N’aie pas peur" lui avait dit Etkar André, "il ne mord que les nazis". Avec amertume Il pense alors que le chien le mordrait.
http://www.sueddeutsche.de/politik/nationalsozialismus-der-rote-hitlerjunge-1.3636194

Günter Lucks, Harald Stutte, Der rote Hitlerjunge : Meine Kindheit zwischen Kommunismus und Hakenkreuz , Rowohlt Taschenbuch Verlag, 2015
Günter Lucks, Harald Stutte, Ich war Hitlers letztes Aufgebot, Rowohlt Taschenbuch Verlag, 2010
Günter Lucks, Harald Stutte, Hitlers vergessene Kinderarmee, Rowohlt Taschenbuch Verlag, 2014

La jeunesse hitlérienne

Wir sind geboren für Deutschland zu sterben. (Nous sommes nés pour mourir pour l’Allemagne.)

Hitlerjugend : 8,7 millions en 1933

Garçons âge Filles
Pimpf avant 10 ans
Jungvolk 10-14 ans Jungmädelbund
Hitlerjugend (HJ) 14-18 ans Bund deutscher Mädel (BDM)
RAD 17 ans RAD
Soldat 18 ans

RAD Lager : Reichsarbeitsdienst (Service du travail du Reich), camp pour jeunes allemands, loi du 26 juin 1935.
Reichsarbeitsdienstgesetz loi du 26 Juin 1935 :
http://www.verfassungen.de/de/de33-45/reichsarbeitsdienst35.htm
BENZ Wolfgang : Vom Freiwilligen Arbeitsdienst zur Arbeitsdienstpflicht. In : Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte 16 (1968) 4, 317-346.

- La manipulation des masses :
L’étude des manuels d’enseignement du IIIe Reich montre comment la langue nazie a été utilisée dans un but pédagogique au service de la dictature. L’emploi d’acronymes, de verbes d’action, de clichés, d’énumérations, de paires synomiques, de mots passe-partout, de mots tabous.
WEINREICH Max, Hitler et les professeurs, Belles Lettres, 2013, 396 p.
Il a étudié le rôle des universitaires allemands inféodés à la dictature, dans l’extermination des Juifs, comme Heidegger, Carl Schmitt le juriste, Karl Haushofer...
Paroles de soldats allemands, "Soldats. Combattre, tuer, mourir" de Sönke Neitzel, Harald Welzer

Les enfants subissent un dressage, un endoctrinement dans la famille, à l’école.
Le ruban blanc, film de de Michael Haneke, 2009, montre l’éducation rigoriste, la discipline dans les familles du nord de l’Allemagne avant la guerre 1914-18, préfigurant la société sous le nazisme.

La jeunesse a été abusée par le national-socialisme, séduite, comme la population qui en majorité était éduquée, civilisée. La population a exclu une partie de la population allemande, l’a considérée comme nuisible et sans valeur, a laissé faire l’extermination.

Jeunesse idéologie, endoctrinement, guerre :
http://www.jugend1933-45.de/portal/Jugend/geschichte.aspx?id=26636

Des témoignages :
http://museenkoeln.de/ausstellungen/nsd_1609_hitlerjugend/Medienstationen/10_AlltagHJ/01.htmlhttp://museenkoeln.de/ausstellungen/nsd_1609_hitlerjugend/Medienstationen/10_AlltagHJ/01.html

La jeunesse sous le troisième Reich

[1Volkssturm : milice composée souvent de vieux, sous l’autorité des Gauleiter, sorte de sous-préfet. (Levée des hommes valides de 16 à 60 ans dans le Grand Reich pour épauler l’armée).

[2Cf. Marie-Paule Hervieu-Dhaille Communistes au Havre. Histoire sociale, culturelle et politique (1922-1983), http://www.gauchemip.org/spip.php?article12731, PUR, 2009.

[3 Opération Gomorrhe : bombardements américains de jour et britanniques de nuit, sur plusieurs jours pour faire le maximum de victimes et de destructions [[Stig Dagerman, Automne allemand, Babel, Actes Sud, 1981.
W. G. Sebald, De la destruction comme élément de l’histoire naturelle, Actes Sud, 2004.

[4 3 millions de prisonniers soviétiques, sur 7,5 millions, sont morts de faim ou d’une balle dans la nuque. Les 800 000 à un million des habitants de Léningrad, ont été affamés par un siège de 900 jours qui se termina le 27 janvier 1944. Des milliers de paysans aux récoltes et villages brûlés, ont été exécutés comme partisans.