Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Jean Giboureau, un STO parmi tant d’autres

par Martine Giboureau, sa fille (professeure d’histoire)
dimanche 30 août 2009

Jean Giboureau est né le 11 octobre 1922, en Touraine et a donc été directement concerné par la loi du 16 février 1943 et son décret d’application de la même date « portant institution du service du travail obligatoire. J.O. du 17 février 1943 p. 461 et 462 ». ...

Jean Giboureau est né le 11 octobre 1922, en Touraine et a donc été directement concerné par la loi du 16 février 1943 et son décret d’application de la même date « portant institution du service du travail obligatoire. J.O. du 17 février 1943 p. 461 et 462 ». En effet par ces textes, tous les Français de sexe masculin nés entre le 1er janvier 1920 et le 31 décembre 1922 « sont astreints à un service du travail d’une durée de deux ans qu’ils pourront être tenus d’exécuter à partir de la date de publication du décret ».

Jean habitait alors 9 rue Buffon à Paris et travaillait comme dessinateur industriel à la SNCF. Il a tenu un « journal de bord » dès le jour de son départ et a conservé de nombreux documents (dont des lettres) de ses mois passés en Allemagne. C’est ce socle documentaire qui me permet d’évoquer certaines réalités de cette période ( [1]). Il n’y a aucun sentiment exprimé dans ses écrits au jour le jour et je n’ai donc que les évocations partagées à l’occasion de discussions familiales pour subodorer le ressenti de Jean.

photo de Jean devant le monument de Guillaume à Berlin

photo de Jean à Berlin

 MEMOIRES FAMILIALES

Il était évident (et donc, comme souvent entre parent et enfant dans les années 1960, cela n’a pas fait l’objet de questionnement précis de la part de ses filles), il était donc de notoriété familiale que les conditions avaient été rudes, que la nourriture exécrable l’avait fait revenir amaigri et lui avait provoqué un ulcère à l’estomac dont il a souffert longtemps de façon chronique, que la séparation de sa fiancée avait pesé lourdement à tous les deux.

Ma soeur et moi avons eu une sensibilisation aux réalités de la seconde guerre mondiale, aux crimes nazis : adolescente, j’ai souvent regardé l’ « album-souvenir du 20ème anniversaire de la libération des camps », supplément au n° 303 du « Patriote Résistant » de janvier 1965 ; mes parents nous ont emmenées au Struthof en Alsace, à Oradour sur Glane. Toutefois ce n’était pas un thème de conversation fréquent, encore moins un rabâchage (comme cela avait pu l’être de la part des anciens combattants de 14-18) et notre savoir est surtout le fruit d’allusions. Ce qui est certain est qu’il n’y a jamais eu pour nous amalgame entre les différentes formes de crimes nazis.

Au lycée, mon professeur, en cours d’histoire, a stigmatisé les STO laissant entendre qu’ils étaient dans le même camp que les collabos : cela m’a blessée mais le respect obligé à l’époque pour nos « maîtres » m’a empêchée d’intervenir en classe ou même après.

Dans les années 1960-1970, Jean est allé plusieurs fois en RDA, en voyage-souvenir (voyage-pèlerinage ?) et il a activement participé au jumelage de sa commune avec une ville allemande (de l’ouest). Il a même tenté d’apprendre l’allemand à sa retraite. Son expérience en tant que STO l’a donc marqué de façon profonde. Voilà les seuls éléments « psychologiques » que je peux préciser.

Mais les documents qui sont en ma possession permettent de comprendre certains aspects de la vie quotidienne de ce STO, un des 650 000 requis [2] mais travailleur « libre » et rémunéré. Mgr Jean Derdel [3]) met bien en évidence les ambiguïtés de cette « situation faussée ».

 VERS L’ALLEMAGNE

Jean est parti le 28 juin 1943 à 16h50 de la gare de l’est avec quatre copains dont un, Henri M., avec qui il reste pendant tout son séjour en Allemagne. « Nous nous arrêtons tous les deux kilomètres, la gaité règne malgré tout. Peu après Pantin nous sommes garés sur une voie de garage, puis nous faisons demi-tour, à la grande joie de l’assistance. Joie de courte durée car nous ne faisons que prendre la Ceinture pour rejoindre la région Nord » (les citations sont, sauf précision contraire, celles du « petit carnet noir » de Jean Giboureau – cf document 2a). Ainsi pour Jean, le départ est certes contraint, l’idée d’être au dernier moment empêcher de partir est enthousiasmante mais la résignation et la soumission à l’ordre l’emportent ( [4]) ; ces jeunes gens (en particulier les cinq copains) vivent ce « voyage » sans trop d’angoisse, l’effet-groupe contribuant à une gaieté apparente (factice ?).

le carnet noir

« A 18h5 (18h05 ? 18h50 ?) nous sommes au Bourget. Certains descendent pour ramasser une poignée de terre de France. Tous les gens nous saluent sur notre passage ». Solidarité donc mais pas d’action pour s’opposer à la réquisition ; geste solennel pour marquer le fait de quitter la mère-patrie sans bien savoir ce que sera le séjour en terre étrangère. On peut citer, concernant l’état d’esprit de la population, un extrait de la lettre que Robert, le père de Jean, cheminot, a écrit le 7 septembre 1943 : « La SNCF n’a pas hésité à vous envoyer en Allemagne comme manoeuvre malgré vos aptitudes à des travaux plus intéressants alors que des jeunes, même auxiliaires classe 42, ont été maintenus à leur poste parce qu’ouvriers, j’en connais ici même à l’Entretien ; cela est un peu crève-coeur de voir ces injustices car il n’aurait pas fallu dans ces conditions nous dire qu’il n’y aurait pas d’exemption pour la classe 42 (paroles du président Laval –  [5]- à la Radio et dans la Presse). Tout cela certainement est profondément dégoûtant mais il ne faut pas que cela vous décourage au contraire plus tard vous pourrez peut-être de cette façon clore le bec de certains. Ici toujours des bobards, l’ensemble des Français devient de plus en plus sot et je suis poli ».

Le voyage de Jean et ses camarades continue, de façon cahoteuse. A 19h on leur distribue le dîner (pain, saucisson, crêpes, petits gâteaux, vin blanc, gnôle). Ils laissent des lettres à deux femmes qui les ravitaillent en eau un peu avant Compiègne, lors du treizième arrêt alors qu’ils ne sont qu’à 60 kms de Paris. Le voyage continue, les arrêts aussi, le ravitaillement est assuré régulièrement. Ils dorment tant bien que mal sur des « banquettes trop dures ».

Bien évidemment cela reste toutefois un voyage dans des conditions ordinaires même si la longueur en est exceptionnelle. Quelles différences avec l’entassement dans les wagons à bestiaux, verrouillés, avec un seau pour les besoins et un seau d’eau très vite vidé !!! Il est bien sûr hors de question de dresser une « échelle des souffrances ». Il s’agit ici de cerner un fait historique qui a concerné 650 000 à 700 000 personnes (voir note 2) auquel ce témoignage donne une dimension humaine.

Le train passe par la Belgique et s’arrête à Herbesthal, à la frontière germano-belge à 7h 45, le 29 juin. « Tout le monde descend. Les cheminots sont mis à part. Nos destinations sont enregistrées et un cachet est apposé sur nos contrats. ». En effet des contrats en bonne et due forme avaient été signés dès Paris. La photo (document 3) montre les termes très peu détaillés de ce contrat signé le 23 juin 1943.

le contrat

contrat 1943

Le 30 juin ils arrivent à Berlin. « Le train s’arrête dans une forêt de pins et de chênes au sol sableux. Nous apercevons au travers les troncs des baraquements. Nous sommes dirigés sur ceux-ci. C’est un camp immense où nous trouvons un peu toutes les nationalités : russes, ukrainiens, polonais, belges, hollandais et quelques français ... vers 19h30 l’interprète du camp (un Belge) nous rassemble ». Le Reich, pour ses différentes formes de travail forcé, a donc utilisé les mêmes rassemblements de travailleurs issus de toutes les zones occupées.

 L’INSTALLATION

N.B. Jean détaille beaucoup ses conditions de vie à Berlin mais ne dit rien de son logement à Kirchmöser. Ce qui suit concerne donc (sauf précision contraire) la période de juin 1943 à avril 1944.

Le 1er juillet 1943, ils rejoignent la gare puis un métro jusqu’à « Hermamstrasse » pour s’installer dans le bâtiment où ils seront hébergés. Après être passés au bureau « pour remplir les ausweiss », ils touchent leur « matériel personnel : une cuvette, une gamelle, un pot, une cuillère, un couteau, une fourchette, deux couvertures, un drap et deux housses (une pour le traversin, une pour la couverture). A 17h30 nous pénétrons pour la première fois dans la « stube 623 » qui devient notre domaine à tous les cinq pour au moins un an ... Nous sommes au troisième étage du block VI ... La disposition intérieure (document 2b) ... : une chambre avec trois châlits à deux places, une cuisine avec gaz, un débarras et des WC. Donc installation convenable et nous mettant dans une situation bien meilleure que ceux qui vivent en camp, dans des baraquements. » On remarque que Jean parle d’ « au moins un an » alors que le texte de la loi fixe à deux ans la durée du service du travail obligatoire (article 2 ; loi du 16 février 1943 ; J.O. P 461).
plan de la chambre

plan de la chambre

Dans la suite de son journal Jean utilise le mot « lager » (camp – nous garderons la graphie de Jean pour les citations et la graphie allemande avec un « L » majuscule dans les autres cas) pour parler de l’endroit où il est logé. Il évoque aussi souvent son sort d’ « exilé » (il n’emploie jamais le mot de « déporté »).

Dans ce Lager, le 22 janvier 1944 est inauguré le Foyer. C’est par exemple là qu’est organisé le 4 mars un grand crochet où chante entre autres un certain René.

Ils sont surveillés régulièrement (voir fin de note 3 ). Le 18 juillet 1943 le « Lagerführer » vient visiter leur chambre. Le 19 octobre Jean note : « nettoyage de la carrée car il paraît que le lagerführer va visiter les piaules » (la visite a en effet lieu le dimanche 24 octobre : le « lagerführer nous promet de remonter 2 heures après pour voir si tout est en ordre, d’où nettoyage »). Ces jeunes gens (garçons éduqués dans les années 1930) n’avaient pas l’habitude des tâches ménagères or ils assument cuisine, ménage, lessive, petits travaux de couture et bricolage !!! Les chambres devaient être parfois dans un désordre innommable ! D’ailleurs le dimanche 7 novembre « nous avons eu la visite du lagerführer qui nous a collé une amende de 3RM ».

Le 23 août 1943 « notre bon lagerführer est venu voir prétextant que notre lumière de chambre était visible de la cour. Après un court laïus, il a pris le nom de Ch. qui n’était pas rentré de travailler. Maintenant, il n’y a plus qu’à attendre pour savoir ce qui se passera, sans doute suppression des cigarettes pour la semaine ».

Le Lagerführer « avait supprimé (les cigarettes) pour tout le camp certains camarades n’ayant (sic) pas descendu aux abris ou ayant fumé au cours de l’alerte de la nuit du 23 au 24 (août 1943) ».

 RAVITAILLEMENT

se nourrir

vendredi 2 juillet 1943 (donc à leur arrivée) : « Dans la matinée nous avons touché nos rations jusqu’à mardi, soit un pain de 1500g, un morceau de saucisson, un peu de matière grasse (50g) et des confitures (125g). C’est avec cela plus une soupe par jour qu’il nous faudra vivre jusqu’à mardi. » Le mardi suivant ils touchent le ravitaillement jusqu’au vendredi (500g de pain, 100g de charcuterie, 125g de beurre, 100g de fromage blanc). Ce rythme de ravitaillement deux fois par semaine perdure pendant tout le séjour à Berlin. Il n’y a aucune indication de ce genre pour la période à Kirchmoser.

Quelques jours plus tard, Jean évoque un broc qu’il emporte à la cuisine et dans lequel il « rapporte le café pour toute la chambrée ». Mais ce n’est parfois que du tilleul qui leur est distribué (22 juillet 1943 ou 11 août par exemple).

Le pain est du pain noir d’où la précision du 29 octobre 1943 : « bonheur, nous avons droit à cinq petits pains blancs ».

Jean détaille très scrupuleusement ses repas qui sont bien plus divers (et parfois étonnants comme cette « sole au court-bouillon » du 21 juillet !) que ce qui est donné par le ravitaillement bi-hebdomadaire : toutefois il note souvent « soupe aux choux et aux pommes de terre » ! « Le végétarien serait à la noce ici, car on n’a pas souvent l’occasion de manger de la viande » (24-8-1943). Jean note à plusieurs reprises qu’il mange du « mou » (poumon de porc). Tout ceci se passe dans le contexte de rationnement généralisé dans le Reich et dans l’Europe occupée.

Il semble qu’à Berlin il y ait une cuisine centrale qui leur fournit les plats pour chaque repas (et parfois du « rab » souvent évoqué). Avec le ravitaillement distribué deux fois par semaine et leurs réserves personnelles ils prennent leurs repas dans leur chambre comme bon leur semble. Le 17 août Jean précise : « Nous descendons chercher la cuisine = un oeuf dur avec sauce ; pommes de terre en robe des champs. Après déjeuner, grande cérémonie : nous allumons pour la première fois la cuisinière pour faire cuire une platée de haricots secs (ceux qu’Henri a reçus hier). » De toute évidence les colis améliorent considérablement l’ordinaire, d’autant qu’ils contenaient parfois (souvent ?) des bouteilles de vin ! Cela leur permet, par exemple, le 10 janvier 1944, de ne pas prendre la cuisine du Lager « qui est une platée de choux infames ». Ces extras deviennent stupéfiants pour le réveillon de Noël 1943 (document 5). Ils mangent – et boivent ! - de 1h à 7h30 du matin mais Jean avoue avoir « calé » avant la fin ! « A 2h30 le portier à la suite d’incidents coupe le courant et le repas continue à la lumière de deux bougies, ce qui donne un charme imprévu. »

le réveillon

A Kirchmöser les repas semblent beaucoup plus frugaux. Ainsi le 15 mai 1944 « déjeuner : laitage, dîner : nouilles ; 16 mai : déjeuner : soupe (orge) dîner : laitage ; 17 mai déjeuner : potage dîner : flocons d’avoine » etc. Jean indique souvent « graines » comme seul plat pour le repas. On peut supposer qu’ils n’ont plus accès qu’aux rations distribuées (peut-être n’ont-ils plus la possibilité de faire eux-mêmes de la cuisine sur un réchaud ou une cuisinière). Toutefois il y a des occasions exceptionnelles comme ce pique nique avec deux copains venus les visiter le 9 juillet 1944 « déjeuner sur l’herbe : pâté, lapin rôti, ?, miel, gâteau, confiture, quatre bouteilles torpillées. Sommes très gais » (et pour cause !!!). Le réveillon de Noël 1944 est aussi nettement plus copieux comme le montre le document.

Le menu de noël 1944

autres besoins

Ils ont aussi droit à des cigarettes – 20 pour 1,5RM (qu’ils troquent contre du pain parfois) ; le 15 juillet 1943 ils touchent par exemple un demi savon à barbe, une petite savonnette et un paquet de lessive. Le 12 août Jean précise : « Nous allons chercher nos cartes de ravitaillement et devons verser 5RM pour la chambre » (donc la carte coûte 1RM par personne). Le 28 août « nous allons au charbon et en rapportons quatre seaux au lieu de un ».

Le 17 août 1943 « nous allons chercher nos bons de chaussures. Maintenant il ne reste plus qu’à les faire valider par le lager et à les faire honorer par un commerçant ». Ce dernier point n’est pas évident car le 19 août Jean précise : « Nous cherchons en vain des chaussures » et le lendemain seul un camarade trouve des chaussures basses à sa pointure. Le 23 août « enfin après de nombreux magasins je trouve une paire de chaussures montantes à semelles de caoutchouc, pas mal du tout pour le prix de 10,10RM ».

Le 3 novembre « nous allons changer notre vêtement d’été contre un manteau d’hiver beaucoup plus chaud ».

 LE TRAVAIL

les tâches, les horaires

Le vendredi 2 juillet 1943 donc dès leur arrivée, en début d’après-midi, ils vont pour la première fois par le train, sans accompagnateurs ni gardiens , à Betriebs Bahnhof Blummelburg leur premier lieu de travail. « Nous essayons d’obtenir un poste de dessinateur mais en vain. Il nous faudra commencer à travailler comme manoeuvre. »

Le samedi 3 juillet ils découvrent la gare de triage de l’importance de celle St Pierre des Corps. Le premier chef qu’ils rencontrent ne parle pas français et eux ne parlent pas l’allemand « aussi drôle de sport ». Ensuite, un cheminot « qui parle un peu le français nous donne les conseils de sécurité et nous lit des extraits du règlement des chemins de fer ... Nous ferons 8h de travail par jour, mais 9h de présence soit de 7h à 16h avec deux poses d’une demi-heure et nous serons payés les plus de 21 ans 7,69 RM,Reichsmark, les moins de 21 ans 7,29 RM, chaque salaire étant augmenté d’une prime journalière d’éloignement de 1,30RM ». Ils sont affectés à la manoeuvre des trains dans la gare de triage. Il s’agit de « caler » les trains ( [6]) . Jean parle aussi de « trier » (ou tirer ?) les trains et en octobre de manipuler des chargements (« relevage » de charbon, pommes de terre ...). Ils ont des cartes de pointage.

Leurs horaires sont en fait très fluctuants et, souvent, ils travaillent de nuit (avec fréquemment l’extinction des lumières du fait des alertes ce qui ne provoque pas l’arrêt du travail !).

L’Allemagne change d’heure le 4 octobre 1943 « ce qui fait que nous gagnons une heure de sommeil ». Le lundi de Pâques 1945 (2 avril) « jour férié mais nous travaillons. Changement d’heure que nous ignorons et qui crée un certain retard à l’embrayage ».

Ils sont parfois de corvée : le 4 septembre 1943, comme ils ont travaillé de nuit, ils se reposent dans l’après-midi. « A peine sommes-nous couchés que l’interprète vient nous chercher. Rassemblement dans la cour en tenue de travail ... nous arrivons dans les quartiers sinistrés ... nous prenons un autobus qui nous emmène à Jungfernheide ... Là nous voyons le travail qui nous attend. Le toit de la gare est écroulé, nous arrachons les planches qui restent et déblayons les quais. Plus loin des soldats refont la voie ... Autour de nous que des maisons sinistrées qui parfois flambent encore. De temps en temps nous entendons des bombes exploser ».

A Kirchmöser le 30 avril 1944 « toute l’usine travaille mais les bureaux ont le privilège d’être « frei »(libres), sans doute pour l’anniversaire d’Hitler. Et surtout ils ont théoriquement droit à des congés : 25 août 1944 : « premier jour des vacances » mais c’est aussi ce jour là qu’ils apprennent la suppression des permissions et l’obligation de reprendre le travail dès le lendemain matin ! Toutefois le 26 août à l’embauche à 6h30 « Frau Stephan nous apprend que nous pouvons rester au lager. Nous retournons donc bien vite à la piaule. » Les choses ne sont pas mieux cadrées ensuite puisque le lundi 28 août « même sérénade que samedi toujours pour rien ». Tout compte fait ils ne reprennent le travail que le samedi 2 septembre.

les salaires

Le 10 août 1943 « en arrivant au travail nous allons à la paye et touchons 100,32 RM plus une prime (8,90 RM pour Jean) ... Nous nous étonnons d’abord que la paye soit si maigre mais après renseignement pris on nous informe que l’on a retenu les 95 RM que nous avions touchés en arrivant. Nous ne saurons donc notre paye exacte que le mois prochain ». Le 10 septembre « j’ai touché la paye soit 200,27 RM et encore nous devons avoir une prime de 30RM (en fait 38,57 RM pour Jean). Nous allons vraiment devenir capitalistes ». Le 27 septembre Jean envoie 200 RM, (à ses parents sans aucun doute) ainsi que le stipule la dernière ligne de son contrat (document 3). Le 8 octobre il touche 174,47Rm et a droit en plus à la prime de calage. Le 10 novembre il touche 178,23RM et le 15 novembre la prime de calage (38,23RM). Le 9 décembre, 38,07RM de prime et le lendemain 194,82RM. Le 10 janvier 1944 « nous touchons la paye 200,22 RM et j’expédie 200 RM chez nous ». Le 10 février « paie : 193 RM, prime : 38 RM ». 10 mars « paye et prime : 220 RM »

Après sa mutation à Kirchmoser (Brandenburg) le 22 avril 1944, sa première paie arrive le 10 mai : 41,25 RM. Il n’y a ensuite plus aucune indication concernant la paie.

la productivité

Les journées de « travail » à la gare de triage (donc jusqu’en avril 1944) semblent souvent inefficaces ! « Lundi 5 juillet... nous nous promenons d’un côté sur l’autre avec l’interprète plus pour passer le temps que pour travailler. Je ne sais toujours pas où je vais être affecté ni quel travail je vais faire ». Les jours suivants Jean indique « travail comme la veille » et le jeudi 8 juillet il se trouve avec toujours ses quatre camarades dans l’équipe de l’après-midi (14h-22h). Enfin le 9 juillet « nous sommes affectés à la manoeuvre des trains dans la gare de triage. Nous touchons un pardessus, des gants, une lanterne, un sifflet ». Le dimanche 11 juillet ils sont de service « aussi adieu promenade ou distraction. Ce détail qui m’aurait révolté en France me laisse ici complètement indifférent. ». Le lundi 12 juillet ils changent de nouveau d’horaires et passent ensuite leur temps « à dormir sur les wagons ou à désherber les voies » avec un manifeste manque d’énergie ! Pour le 15 juillet Jean note « environ 2h de travail effectif et 6h à traîner d’un côté sur l’autre ». La lourde chaleur de l’été leur « enlève le peu de courage qui nous restait ... L’après-midi se passe sans beaucoup travailler » (21 et 22 août). De façon récurrente Jean note « 19 juillet : quatre trains seulement à trier de 14h à 22h ; aussi beaucoup de repos ... 20 juillet : travail au ralenti ... 22 juillet : travail léger comme de coutume . » Pourtant ce 22 juillet « nouvelle surprise : nous avons droit à la carte de travailleur de force. Ironie du sort !! Enfin ce n’est pas à dédaigner vu les suppléments qui sont accordés ». Il s’agit de « 650g de pain, 200g de charcuterie, 50g de saindoux ; ce supplément n’est donné qu’une fois par semaine ».

Le 9 août « Henri essaie de tirer au flanc et de se faire porter malade mais il n’est pas reconnu et devra se présenter demain au travail. »

Ce rythme léger continue (au coeur de l’hiver il n’y aura même parfois aucun train à prendre en charge - derniers jours de 1943, premiers jours de 1944) et le 2 septembre Jean note : « Dans l’après-midi le Bahnhof-führer vient nous dire de travailler, de ne pas rester inactifs, d’arracher l’herbe par exemple ». Le ton semble vif « mais nous ne nous en faisons pas pour cela ; nous restons calmes et continuons comme par le passé. » . Quand ils n’ont rien à faire « le Vieux » nous fait ramasser du charbon (26-11-1943). Toutefois, il arrive parfois que Jean note un travail plus intense !

De plus ils ratent assez souvent les heures d’embauche (les réveils à cet âge semblent difficiles) et arrivent alors plus ou moins en retard sans que cela n’entraîne de réprimande ou de punition ! Ainsi le 27 novembre : « Lever 6h30 pour commencer à 6h. Je crois qu’il y a un léger retard. Départ précipité à 6h45. Métro fonctionnant très mal et arrivée à la gare à 7h30. Personne ne nous dit rien ». Et cela se reproduit de nombreuses fois !

Toutefois toute absence vaut un appel téléphonique au « Lager » pour savoir où est passé le travailleur qui n’est pas venu à son travail.

Dès qu’ils le peuvent ils contournent les ordres. Ainsi le 27 novembre 1943 « à 15h30 visite du secrétaire qui nous annonce un rassemblement pour aller éteindre le feu à Lerhter Bf. Nous descendons et profitons de l’affluence pour filer nous promener Henri et moi. » De même le 29 décembre après un bombardement , « à 21h15, départ pour éteindre des wagons en flammes. Avec P. nous nous esquivons et rentrons nous coucher ».

On peut donc se questionner sur l’objectif réel de ce STO : est-il mis en place dans un but économique ou pour une finalité idéologique (initier ces jeunes hommes aux « bienfaits » du nazisme) ? D’autant que le 8 décembre dans l’après-midi est organisé un rassemblement dans la salle de réunion du Lager. « Nous entendons des discours du Amtmann, fonctionnaire puis du Dr Goebbels et de différents dignitaires. A la fin, tous les Allemands debout et le bras tendu chantent leurs hymnes nationaux. »

On sait qu’il s’agissait de substituer de la main d’oeuvre étrangère à des ouvriers et techniciens allemands mobilisés. Mais d’après l’exemple de Jean il apparaît que le système est dans l’incapacité d’arriver à ses fins faute d’organisation ? d’encadrement ? ou parce qu’il s’agit de travailleurs forcés ?

Les autres travailleurs

A la gare de triage, « les Allemands avec qui nous travaillons sont peu sympathiques, par contre un Tchèque, étudiant en médecine, parlant un peu le français est très chic. » Mais à Kirchmöser, les Allemands du bureau sont gratifiés de l’avis contraire : « Kamarades (sic) sympathiques » (24-4-44) !

Le 7 octobre 1943 ils ramassent du charbon avec deux Polonais.

Le 7 avril 1944 (vendredi de Pâques) Jean note « congé pour les camarades mais pour nous travail ». S’agit-il d’un jour de congé spécifique pour les Allemands ?[ Le vendredi saint est férié en Allemagne.]

mutations

Les changements d’affectation arrivent parfois sans aucune raison apparente : « 30 juillet 1943 : en arrivant, le chef de gare apprend à B. qu’il est changé d’emploi. A partir d’aujourd’hui il est employé à la manutention des colis en gare de Schlesicher bf(Schlesischer Bahnhof). D’après lui, travail bien plus fatigant que celui que nous faisons. Encore une raison de s’estimer heureux de notre sort !!... ». De même, deux des cohabitants de leur chambrée changent d’équipe ce qui fait que leurs horaires – et leurs temps de sommeil - sont à contre-temps avec ceux des trois autres.

Toutefois le 7 octobre ce sont Jean et Henri qui font par écrit une demande de changement d’affectation et le 5 novembre Jean va « voir le délégué pour tâcher d’obtenir des renseignements au sujet de notre mutation ». Le 2 février, « en faisant timbrer nos cartes de travail, le « petit rigolo » nous apprend que nous allons être nommés dessinateurs à Brandenburg, les papiers étant à l’arbeitfront ». Ils apprennent le 20 avril leur nomination à Brandenburg. Le 22 avril 1944 ils quittent Berlin (unterkunft, (logement) chambre 623, 27 Siegfriedstrasse, Berlin-Neukölln) pour rejoindre Kirchmöser (deutsches Haus, chambre 10 puis 4). Dorénavant ils travaillent dans un bureau. Jean est séparé – de façon toute relative ! - de son ami Henri le 25 avril : « Je reste dans le même bureau et Henri passe dans le bureau d’à côté »

accidents / incidents

Jean note les incidents, accidents subis par le matériel (tamponnage, sortie de rails, perte de marchandises etc.) mais ne laisse jamais filtrer son sentiment sauf à travers cette phrase du 29 août 1943 : « Plusieurs carambolages faits par Henri nous permettent de nous amuser un peu tout en nous occasionnant un supplément de travail », (secrète réjouissance face aux malheurs de l’ennemi ?). Les « carambolages » (perte de chargements de wagons) sont-ils dus à la maladresse ou à un acte délibéré ? En tout cas, pour chaque incident qui est imputable à l’un d’entre eux, Jean précise « gare au rapport » !!! Toutefois, ensuite, il ne semble pas qu’il y ait de conséquence négative pour eux.

Avec ses copains ils profitent de toutes les occasions comme ce 26 août 1943 où « nous nous payons une indigestion de pommes aux dépens d’un wagon de la voie 35 ». Le 2 septembre « le chef caleur du groupe II, Otto, me donne une partie de ce qu’il a à manger soit deux tartines beurrées et des tomates en salade. Je partage avec Henri et avale de très bon coeur ma part » !

Il est à noter que Otto part en occupation à Villeneuve St Georges le 4 mars 1944 ; Jean lui confie alors du courrier au moment où il prend le train pour Paris.

Le 13 août, Jean envie un camarade : « Aujourd’hui L. ... réformé la semaine dernière est parti en France. Heureux veinard qui dans deux jours sera chez lui au milieu des siens ». Or le lendemain on leur remet une « carte de travail valable jusqu’à fin juin 45 ... Bon courage ».

Le 14 janvier 1944, P. repart en France, suite à une lettre reçue le 3 janvier « qui décidera de la fin de son séjour ici ». Jean ne précise pas l’événement qui permet à P. de rentrer chez lui.

Le 14 août ils apprennent qu’ un Français a été tué à Rummelsburg [près de Berlin] : il a été « pincé » entre deux tampons. C’est le seul décès de STO par accident dont il est fait mention dans le carnet de Jean. [7] Un camarade toutefois est gravement accidenté le 16 janvier 1944 : « Il se fait couper une jambe par un wagon ».

soins médicaux

Il y a un encadrement médical. Jean signale à l’arrivée une visite médicale équivalente à celle subie pour l’entrée à la SNCF et le 30 août 1943 il s’inscrit « au bureau du lagerführer » car il souffre d’une douleur aux côtés. Le docteur « arrive vers midi, il m’ausculte et me donne une potion que je dois retourner prendre à 16h à l’infirmerie ».

Le 4 février 1944 « dans l’après-midi Julien a été transporté à l’hôpital et opéré d’urgence de l’appendicite. Il va très mal et ses jours sont en danger .. ; (mais le lendemain) par un coup de téléphone nous apprenons que Julien va mieux, tout danger étant écarté ». Ils vont voir leur camarade à la clinique le 13 février mais l’état de celui-ci s’aggrave et il est ré-opéré dans la nuit du 14 février et quand ils se présentent à la clinique le 15 « en arrivant certains petits signes nous rendent inquiets. Peu après nous voyons la soeur qui nous dit que Julien est décédé dans la nuit à 2 heures ... Nous voyons l’aumônier avec qui nous discutons un moment puis demandons à voir notre pauvre camarade ce qui nous est accordé sans difficultés ».

 LES ACTIVITES EN DEHORS DU TRAVAIL

loisirs

Dès le dimanche 4 juillet 1943 ils peuvent aller visiter Berlin ; le soir, trois de ses camarades vont à une fête foraine ! Ils ont aussi l’occasion dans les jours suivants de se faire photographier (ce sera une préoccupation constante et, en effet, dans le carnet de Jean il y a de nombreuses photos). Dans les semaines qui suivent ils vont « en ville » ou au bord d’un lac où certains se baignent (Nikolassee). Le 14 août ils vont « à une petite fête donnée au lager par une troupe d’artistes amateurs français ». Le 9 septembre ils visitent le zoo « qui se trouve à environ ¾ d’heure de métro dans un quartier assez chic [ Tiergarten] et très commerçant ». Ils finissent l’après-midi en écoutant un orchestre en plein air. Le 14 septembre ils arpentent « un grand magasin où nous ne pouvons rien acheter, tout étant contingenté ». Le dimanche 19 septembre, ils vont à Potsdam : « Enfin le temps nous permet de faire cette promenade projetée depuis si longtemps ... visite détaillée du parc de « Sans-Souci » et des différents pavillons ». Ils rapportent des photos et cartes postales (qui ont été soigneusement conservées avec ce journal de bord !). Le 30 septembre ils partent explorer Berlin (château, cathédrale, Tiergarten). Le dimanche 12 décembre ils retrouvent des copains d’un autre Lager, visitent une partie de Berlin, finissent à l’Excelsior et raccompagnent les trois amis à Wannsee. Les visites « touristiques » continuent ainsi jusqu’à la fin de leur séjour.

Ils vont aussi au spectacle (document 4) comme ce samedi 16 octobre 1943 : « départ pour le Plaza à 17h30. Spectacle passable mais sans numéro sensationnel ». Le 11 novembre ils vont à « l’Europahaus : spectacle intéressant et que nous comprenons fort bien car il y a très peu de parler (sic) ». Le 16 novembre ils vont au cinéma : « Gross stat melody », film auquel, par contre, ils ne comprennent rien. Mais le 23 janvier 1944 « dans la matinée, nous allons au cinéma Babylone voir un film en français « Premières Amours » !

billet spectacles

Régulièrement ils vont donc voir des spectacles en ville au théâtre (outre le Plaza, le Weiter Garten, le Volkstheater, l’Europahaus sont par exemple cités). D’autre part en 1944, quand le Foyer du Lager est ouvert, des conférences, spectacles ou autres courses au trésor y sont proposés.

Le Plaza

Au retour de ces sorties ils prennent l’habitude de s’arrêter dans un café pour boire un « demi ».

A Kirchmöser Jean parle de parties de foot. Il va aussi très souvent au cinéma (parfois plusieurs fois par semaine et même le dimanche 1er octobre 1944 – ainsi que le dimanche 5 novembre - deux fois dans la même journée : cinéma français le matin - « Nous les gosses » le 1er octobre - et après le déjeuner, cinéma allemand).

Pour les déplacements (pour raison de travail comme pour les « sorties ») ils utilisent les moyens de transports en commun (sauf quand il y a des dégâts dus aux bombardement qui les obligent à marcher à pied !) . Le 29 avril 1944 Jean parle d’un retour de la poste « par la draisine – premier voyage avec cet engin ». Le 3 décembre 1944 « tentative pour aller à Brandenburg mais la contrôleuse du tram nous refoule. Retour au lager ». Jean n’explique pas pourquoi ils sont ainsi empêchés de prendre ce tram.

Le 17 décembre 1943 Jean note « à 18h cours d’allemand jusqu’à 19h ». Rien n’indique si c’est le premier, ni si c’est obligatoire. On retrouve la notification d’un cours d’allemand le 29 décembre ; puis le 18 mars 1944 « nous allons chez l’interprète nous faire inscrire pour les cours d’allemand », ce qui pourrait signifier que l’ensemble soit sur la base du volontariat. Il n’y a plus trace ensuite de cours d’allemand dans le petit carnet (or la consignation méticuleuse de tout ce qui rompt le rythme ordinaire aurait dû conduire Jean à préciser ces heures de cours si elles avaient eu lieu !

cohabitation parfois difficile

La tension est parfois extrême ; ainsi le dimanche 15 août : « nous apprenons qu’hier au soir vers 22h30 un Espagnol a été assassiné par trois Français au petit café du coin de Hermann Strasse. Dans la matinée la police vient perquisitionner au lager et notre chambre est consignée. »

Comme dans toute collectivité il y a des indélicats : le 30 octobre 1943 « ce matin en rentrant au lager, je descends à l’abri pour chercher mon sac mais en le prenant je m’aperçois qu’il a été fouillé et que mon costume ainsi que mon pantalon de flanelle ont été volés ... j’apprends qu’en plus il a été volé une pleine valise de linge à G. ... Dans l’après-midi (du 1er novembre) grâce à l’enquête menée par G. un type du lager a été arrêté et écroué. »

courrier et colis, moments essentiels !

Une des grandes préoccupations est l’envoi quotidien du courrier mais « écrire chez nous et à Ginette (sa fiancée) a ramené à mon esprit des pensées qu’il vaudrait mieux voir enfoncées au plus profond du cerveau ». Il ne reçoit la première lettre de Ginette que le 15 juillet. Chacun écrit à l’autre chaque jour mais le rythme de réception est extrêmement irrégulier. Ainsi Jean ne recevra que le 17 février 1945 la lettre de sa soeur envoyée le 7 août 1944 lui annonçant le décès accidentel (noyade dans la Loire) de son beau-frère, son ami très proche, son quasi-frère !

Ces lettres jouent un rôle considérable : « Je suis infiniment touché par ces lettres. A plusieurs reprises en les lisant les larmes me viennent aux yeux. Premières lettres lorsqu’on est éloigné, combien de bonheur apportez-vous, combien d’espoir, de réconfort. Pauvre Papa, pauvre Maman si tristes de me sentir si loin, prenez courage et ayez confiance comme je l’ai ». Le 4 août 1943 : « Je suis un peu cafardeux car je n’ai rien reçu de Ginette depuis huit jours. Que se passe-t-il ? Est-ce retard du courrier ou quelque chose de plus grave ? »

(Jean et Ginette ont brûlé ensemble ces lettres au soir de leurs vies).

Les STO reçoivent des cartes de la Croix Rouge pour les demandes de nouvelles en France d’après ce qu’indique le STO Robert F. , cousin de Jean, le 3 décembre 1944. Celui-ci précise : « Quant à la date du retour de la réponse, c’est l’inconnu. Ainsi dans le camp nous avons un Agenais. Ses parents ont eu recours à la Croix Rouge française pour avoir de ses nouvelles. Eh ! bien ce formulaire reçu le 1er décembre est parti d’Agen le 3 octobre. » Jean confirme cela dans une lettre du 2 janvier 1945 : « Nous avons pu envoyer deux messages Croix-Rouge, mais nous attendons toujours la réponse. Il y a deux camarades du lager qui en ont reçu de France : mais elles ont mis plus de deux mois à parvenir ce qui ne fait pas des nouvelles bien fraîches. » Ces messages mensuels de la Croix Rouge semblent très importants car dans une lettre, un autre STO, Marcel B. signale qu’ils ont pu en envoyer « grâce à l’initiative de notre délégué régional, indépendamment des messages que nous devons obtenir des autorités allemandes ».

Même au sein de l’Allemagne les délais sont très longs. Robert F. dans une « postkarte » du 1er janvier 1944 adressée à Jean indique : « Je pensais recevoir de tes nouvelles ces jours-ci mais c’est ta carte du 29 octobre que j’ai reçue le 29 décembre ».

Outre le courrier, ils reçoivent aussi des colis, parfois délestés d’une partie de l’envoi (7 août 1943 : « nous allons prendre un demi pour arroser le premier colis à B. (dans lequel le chocolat a été « piqué ») ». Jean ne reçoit son premier colis que le 24 août. « Il a beaucoup souffert dans le voyage et j’ai beaucoup de peine à récupérer quelques denrées : chocolat, fromage, amandes, nouilles, riz. » Mais le troisième colis arrive intact le 2 septembre. Le 13 septembre Jean reçoit un « paquet gare expédié par Ginette le 24 juillet soit 52 jours (pourvu que nous ne mettions pas aussi longtemps pour nous en retourner) ». Le 15 janvier 1944 arrive un colis poste expédié le 2 novembre 1943.

Le 16 juillet 1943 « l’interprète nous apprend que le lager va pouvoir obtenir un envoi de journaux français pour lesquels nous pouvons déjà nous faire inscrire. Je retiens donc pour chaque semaine « La Gerbe » et les camarades retenant eux aussi chacun un journal, nous avons un petit choix de nouvelles françaises ici ». Il va sans dire qu’il s’agit uniquement de la presse collaboratrice (voire collaborationniste) !!!

Ainsi, dans le carnet de Jean, on trouve une coupure de l’ « écho de Nancy » du 29 mars 1944 annonçant de violents bombardements anglo-américains, la veille, sur Tours et deux communes de sa banlieue, qui ont fait huit morts et onze blessés.

 CONTACTS ENTRE FRANCAIS

Plusieurs fois Jean note sa rencontre avec des Français. Le 17 juillet « nous allons boire un demi au café franco-belge derrière le lager : impression bizarre, on n’entend que parler le français ... le 23 juillet : nous allons chez le coiffeur. Là nous nous croirions presque à Paris. Le garçon coiffeur est un parisien et nous pouvons discuter avec lui comme si nous étions en France ... »

Le 23 août « dans la matinée nous causons longuement avec des prisonniers ... que nous renseignons de notre mieux » (sans doute s’agit-il de prisonniers de guerre). De nouveau le 26 février 1944, Jean signale une « conversation avec des prisonniers passant en gare ».

Les STO se rendent parfois visite. Ainsi, après sa mutation à Kirchmöser, le 7 mai 1944, il va voir ses camarades de son ancien Lager et peut constater les dégâts dus au dernier bombardement.

Jean correspondait avec son cousin germain, Robert F. Ce dernier semble dans des conditions beaucoup plus difficiles que celles vécues par Jean. Il est à Bielefed et travaille dans une usine : la « Firma Gebrüder Wittler ». Voici ce qu’il écrivait le 8 décembre 1944 : « Moi je suis toujours dans le même état et rien ne vient me le faire oublier. J’ai des chaussures percées dans les pieds et pas de linge de rechange. Il nous est impossible de rien obtenir. Notre patron prétend qu’il ne peut rien faire pour nous. Ah ! si j’avais su à ma dernière permission je n’aurai pas remis les pieds ici. Si tu peux m’envoyer chemise, caleçon et une paire de chaussettes cela me rendra service. Je n’ai pas changé de linge depuis six semaines ... De même si tu me trouves rasoir de sûreté avec des lames, un blaireau et une glace, joins cela au colis. Je te paierai tout cela ; donne-moi le prix car heureusement je ne manque pas d’argent ... Ici nous ne trouvons plus rien, les voies de communication étant constamment détruites. Le ravitaillement est lui même très irrégulier et restreint. Nous dansons parfois devant le buffet. Notre travail n’est pas intéressant lui non plus : déblaiement, homme de peine, j’ai même remis des cailloux sur les voies démolies. Tu vois, cela n’a rien d’encourageant. Vivement la fin tu sais, car parfois j’en pleure tellement je me sens abandonné car c’est vraiment le terme que je puisse employer ... Quant aux nouvelles de la guerre voilà 15 jours que nous n’avons lu un journal français. C’est bien triste la vie dans une ville détruite surtout que nous sommes compris dans la zone de combat. »

Le 1er janvier 1945 Robert F. précise « nous sommes sans charbon depuis un mois. Et le 13 décembre une bombe est tombée près du camp ; depuis cette date nous avons des vitres en papier. Nous n’avons pas chaud du tout je t’assure car il gèle assez dur en ce moment ».

Mystérieusement il y a dans les archives de Jean une réponse qu’il avait préparée pour son cousin (enveloppe comprise) – pourquoi n’a-t-elle pas été expédiée ? Dans ce courrier daté du 2 janvier 1945, Jean signale qu’il envoie un petit paquet conforme à la demande du début décembre reçue « aux environs de Noël » ; il ne manque qu’une chemise car « il ne m’en reste plus que deux et je crois que c’est un minimum ». Mais il nuance plus loin : « La vie est toujours la même. Vie bien tranquille à côté de celle que tu me décris ... Le ravitaillement est à peu près satisfaisant ... »

 LES ALERTES, LES BOMBARDEMENTS

Jean note scrupuleusement les alertes, pas toujours suivies d’ailleurs de bombardements. Du 15 juillet 1943 au 9 avril 1944 ils ont subi 80 alertes à Berlin. En tout (à Berlin et à Kirchmöser) Jean a subi 279 alertes (200 en un an, d’avril 1944 à avril 1945) !!!

Le jeudi 15 juillet 1943 pour la première fois en Allemagne ils sont réveillés à 1h05 par les sirènes. Dès le 5 août « nous voyons les allemands se préparer à subir des bombardements intenses. Tous les jours nous voyons des trains d’enfants évacués. La population part vers la campagne ... ». Le 13 août Jean et ses copains vont chercher des masques à gaz.

Ils craignent dorénavant les bombardements et choisissent le 17 août de partir pour le travail (de nuit) « en emportant dans la musette ce que je considère comme plus précieux : carnet de bord, photographies, lettres tout en espérant que cette précaution sera inutile ». Plus tard Jean signale qu’il laisse dans l’abri du Lager les affaires qu’il veut protéger quand il est au travail.

Le 18 août 1943 Jean signale pour la dixième alerte « forte DCA ; peut-être quelques bombes. Le signal de fin est donné à 2h20 ce qui nous fait 2h35 d’alerte, temps record ».

Le 24 août l’alerte commence à 23h45 « heure réglementaire pour ainsi dire » et dure 2h55. « Nous entendons la DCA tonner et bientôt les bombes dégringolent. Certaines doivent tomber très près du lager car le sol tremble et l’on sent le souffle de l’explosion. Les détonations fusent sans arrêt, se succèdent formant comme un roulement de tonnerre. Nous assistons à notre premier bombardement en Allemagne qui peut être qualifié de violent. Après être remontés dans nos chambres nous entendons longtemps encore les explosions de bidons d’essence et de poudre du côté de Tempelhof ... (au matin) les bobards sur les lieux du bombardement de la nuit courent de plus en plus : ce qu’il faut en déduire je crois est que de nombreux points de la ville et en particulier les gares ont été visés ». Un camarade venu les visiter le 26 août leur signale qu’il « a été à peu près totalement sinistré, son camp ayant brûlé au cours du bombardement ». De nouveau, le 4 septembre « certainement que quelques coins de Berlin ont dégusté ».

Les dégâts des 22-23 novembre 1943 sont aussi très importants et les incendies nombreux. « Alexanderplatz brûle depuis hier au soir » (23-11-43) et le 25 novembre le ciel est toujours teinté de rouge : cela fait 48h que les incendies ont été allumés. Le bombardement du 20 janvier 1944 (alerte de 19h10 à 20h30) semble aussi très destructeur : « départ 21h09. Nous voyons des foyers d’incendie dans tous les coins de la ville. Nous effectuons le trajet Ostkreuz-Rummelsburg à pied et trouvons de nombreuses bombes incendiaires sur les voies. La gare a été fortement touchée ». Seul avantage : ils ne font rien de la nuit !

A la suite des destructions, C. s’installe à la sixième place de la chambre 623, le 2 décembre 1943, son Lager ayant été évacué. Toutefois, à aucun moment Jean ne signale des blessés ou des morts parmi les STO à la suite de ces bombardements.

Le 9 octobre 1943, trois alertes ont lieu dans la même journée : à 1h du matin (jusqu’à 1h55), à 11h35 (jusqu’à 12h10) et à 20h45 (jusqu’à 21h45). De même le dimanche 14 janvier 1944, Jean subira trois alertes (une au cinéma interrompu à 12h15, l’autre dans le train le ramenant de son ancien Lager à 20h15 et la troisième à Brandenburg à 23h30 ; ils n’arrivent à leur Lager qu’après minuit). A ce propos Jean ne parle jamais de couvre-feu et semble pouvoir circuler de jour comme de nuit.

Le premier bombardement de jour vécu par Jean a lieu le 6 mars 1944.
« Descente de trois parachutistes. Un avion abattu tombe du côté de Buckow. »

Parfois ils assistent à des combats aériens : le 6 octobre 1944, « alerte de 11h35 à 13h10. Nombreux passages d’avions. Combats (15 abattus). »

C’est un correspondant de Jean, Marcel B. qui précise le 20 novembre 1944 : « Jusqu’à présent je suis sorti indemne de tous les bombardements. Mais quelle épreuve pour les nerfs ! ... Les avions ennemis passent toujours sur nos têtes. Les chasseurs, merveilleusement maniables, pleins de hardiesse, glissent entre les tirs des D.C.A. voisines. Nous ne nous trouvons pas alors très en sécurité. Mais on ne peut pas toujours s’inquiéter. »

 LA LIBERATION ; LE DOSSIER « DEPORTE DU TRAVAIL »

Le 12 avril 1945 « dans l’après-midi ... les américains approchent et nous ressentons la fièvre de la libération ... soirée passée à préparer les valises ... Le 13 avril beaucoup de camarades restent au lager croyant voir arriver les Américains d’un moment à l’autre ... Le samedi 14 avril débauche à 12h45 ... A 14h ordre de préparer les colis en vue d’un départ. Grand branle-bas de combat dans la carrée et attente. A 18h30 ordre de départ. Rassemblement dans 20 minutes ... nous décidons (Jean et trois autres camarades dont Henri bien sûr !) de ne pas partir. Nous nous planquons dans les abris .. une heure ou deux. A la tombée de la nuit (on) nous fait rentrer avec tous nos bagages ». Ils passent les journées suivantes à attendre même si le 17 avril « un sergent veut envoyer les dissidents au travail ». A partir du 20 avril Jean n’écrit plus rien et le samedi 5 mai 1945 le mot « libération » est encadré.

Le dossier individuel pour l’obtention du bénéfice du statut des déportés du travail rempli par Jean en 1949 précise que l’autorité qui a procédé aux opérations de rapatriement est « Soviétique à Belzig » et que Jean a suivi des visites médicales après rapatriement, une à Valenciennes puis deux à Tours (juin puis août 1945). Une note manuscrite précise que du 14 avril au 5 mai 1945 il est au stalag XI A à Kirchmöser / Havel et qu’il a été libéré de Kommando par les Russes, évacué à pied sur Belzig. (document 6). La demande d’attribution de la carte de personne contrainte au travail remplie en 1953 précise que Jean est rentré en France le 5 juin 1945. On constate que Jean et ses camarades attendaient les Américains et que ce sont les Soviétiques qui les ont pris en charge : nous sommes géographiquement au point de contact si important entre les troupes encore alliées à cette date !!!

Bien évidemment l’ordre méticuleux de Jean permet de retrouver les documents postérieurs au retour.
On peut noter que malgré ses mois passés en Allemagne, Jean n’était pas quitte de ses obligations vis à vis de l’état puisqu’il passe le conseil de révision le 19 juillet 1946 (à quelques semaines de la naissance de sa première fille – Jean s’est marié avec Ginette le 22 septembre 1945).
A Valenciennes, le 4 juin 1945, Jean a reçu une « carte de rapatrié ».
Le 28 janvier 1949 Jean reçoit un « certificat de déportation » (document 7a) avec le mot « internement » biffé soigneusement : en 1949 il y a bien une nette distinction entre les deux cas mais inverse de celle utilisée aujourd’hui !
certificat de déportation

En 1957 le ministère des anciens combattants et victimes de guerre octroie une « indemnité forfaitaire aux personnes contraintes au travail obligatoire ». Jean touche le premier tiers le 31 mai 1957.

Jean a cotisé régulièrement à la « Fédération nationale des déportés du travail » (document 7b) et précise dans un brouillon de lettre manuscrit « Je suis toujours avec vous pour continuer la lutte des D.T. et donner à ceux qui ont besoin le réconfort moral et financier de ma présence ».

carte de déportés

Deux pages du journal de la Fédération ont été conservées par Jean (document 8 ) et précisent les lois concernant les « déportés du travail ».
journal

La loi du 14 mai 1951 est « relative au Statut des personnes contraintes au travail en pays ennemi, en territoire étranger occupé par l’ennemi ou en territoire français annexé par l’ennemi (« J.O. » du 19 mai 1951, p. 5.163). Cette loi accorde réparation (article premier) aux personnes considérées comme « contraintes » pendant plus de trois mois (article 3) et leurs ayants-droit (article 4) c’est à dire « ayant fait l’objet d’une rafle ou encore d’une réquisition opérée en vertu des actes dits « loi du 4 septembre 1942 », « décret du 19 septembre 1942 », « loi du 16 février 1943 », « loi du 1er février 1944 », relatifs au S.T.O., actes dont la nullité a été expressément constatée » (article 2). Les articles suivants évoquent une indemnisation forfaitaire (article 11), l’apport dans le calcul des retraites (article 7), le droit à une carte et un insigne distinctif (article 9) ...
Le décret d’application du 17 août 1952 précise les bénéficiaires, la procédure de reconnaissance des droits, les droits des bénéficiaires etc.
Le D.T. numéro 88 de novembre 1953 titre sur toute la largeur de la une (document 8 bis) : « Déportés du travail et réfractaires, ne perdez pas le bénéfice de vos droits » et liste ces droits qui « résultent des lois du 22 août 1950, 14 mai 1951, des décrets du 17 août 1952 et de la circulaire d’application du 1er août 1953 ».
journal

 CONCLUSION

Jean est décédé le 1er novembre 1998. Ginette l’a suivi le 24 décembre 2003. Il est donc impossible de préciser plus finement certains points de ce témoignage. Toutefois ce travail rend compte le plus précisément possible de ce qu’on peut comprendre de la vie de Jean, STO qui reconnaît lui-même à plusieurs reprises bénéficier de conditions « privilégiées ». Il n’en demeure pas moins vrai que cette longue période loin des siens a pesé lourdement ; la présence permanente de son ami Henri, la curiosité, la disponibilité d’esprit de ces jeunes gens ont permis toutefois de soulager un peu une vie quotidienne apparemment très ennuyeuse.

Puisse ce texte faire comprendre qu’être STO fut une expérience imposée à de jeunes Français par la guerre, la défaite, la collaboration. En tant que telle, c’est une page d’histoire qui mérite d’être prise en compte par les historiens-chercheurs désireux de comprendre tous les aspects du travail forcé imposé par les nazis.
Martine Giboureau

Rappel : Albert Speer, architecte d’Hitler, puis ministre de l’armement et de la production de guerre, il fournit armes et matériel à la Wehrmacht, la Marine et l’Aviation. Il est responsable avec Sauckel du recrutement par la force de travailleurs étrangers. Il est pour l’envoi des Arbeisscheu(Ceux qui refusent de travailler), dans les camps. Il remplace Todt en 1942. Il s’en sort bien à Nuremberg.

 Victimes du Travail Forcé

16 octobre 2008
Plus de soixante ans après leur retour en France, les travailleurs forcés du STO en Allemagne sont désormais reconnus comme des « Victimes du Travail Forcé en Allemagne Nazie » selon un décret publié au Journal officiel le 3 novembre 2008. Une carte officielle remplacera le reçu provisoire T11 du statut de « personnes contraintes » de la loi de 1951 toujours en vigueur.

 bibliographie, liens utiles

ARNAUD Patrice, Travailleurs civils français en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale (1940-1945) : travail, vie quotidienne, accommodement, résistance et répression, thèse de 2000 pages.
ARNAUD Patrice, Les STO histoire des Français requis en Allemagne nazie, 1942-1945, CNRS Editions, Paris, collection CNRS histoire, 2010, 592 p.
BARBIER Gilbert, Souvenirs d’Allemagne, journal d’un STO. Essen, Langenbielau, Wernshausen - Novembre 1942 - Avril 1945, éd. L’Harmattan, Coll. Mémoires du XXe siècle, 2011, 214 p.
http://www.clio-cr.clionautes.org/spip.php?article3820
MADELINE Philippe et MORICEAU Jean-Marc, Un paysan normand au STO en Allemagne. Le journal de Pierre Lebugle (juin 1943-août 1945), Histoire & Sociétés Rurales, Editeur A.H.S.R., 2004, Volume 21, 312 p.
http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=HSR_021_0187
MORICEAU Jean-Marc et MADELINE Philippe, Un paysan et son univers de la Guerre au Marché commun, À travers les agendas de Pierre Lebugle, cultivateur en Pays d’Auge, Éditions Belin, hors collection, 2010, 432 p.
SPINA Raphaël, La France et les Français devant le service du travail obligatoire (1942-1945). Histoire.École normale supérieure de Cachan - ENS Cachan, 2012.
https://tel.archives-ouvertes.fr/file/index/docid/749560/filename/Spina2012.pdfl
VITTORI Jean-Pierre, Eux, les STO, ré-édition Ramsay, 2007, 359 p.

STO – Avoir 20 ans sous l’occupation, film documentaire réalisé et écrit par Philippe Picard et Jérôme Lambert (2010, France, 85 min.) Cf. CR :
STO, avoir 20 ans sous l’occupation

A Berlin, sous le national-socialisme, il existait un millier de camp de travailleurs, camp d’éducation par le travail, camps pour travailleurs étrangers, camps pour juifs, camps annexes de camps de concentration...
http://de.wikipedia.org/wiki/Kirchm%C3%B6ser
Camps de travailleurs forcés à Schöneweide ( musée) :
http://www.zwangsarbeit-in-berlin.de/

 Souvenirs d’un groupe de français au STO à Berlin de 1943 à 1945, d’après le journal de mon père Roland et de André un de ses compagnons :
http://roland-berlin.e-monsite.com/

Des affiches sur le STO au Mémorial de Caen :
http://www.affiches-memorial.unicaen.fr/cindoc.web/memorial/dossier1c.htm

NDLR :
Les requis ont droit à une nouvelle carte en 2008 :
http://www.requis-deportes-sto.com/reconnaissance/index.html

Rechercher un STO :
http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/chan/chan/pdf/caran/52-sto.pdf
s’adresser au Bureau des archives des victimes des conflits
contemporains, B.P. 552, 14037 Caen cedex

Liste des firmes allemandes ayant utilisé des STO et Zwangarbeiter(travailleurs forcés) :
http://www.ta7.de/txt/listen/list0024.htm
nombreuses sources sur le STO et liens :
http://www1.historisches-centrum.de/nrw_zw/internet.html
http://www1.historisches-centrum.de/zwangsarbeit/links.html

mise en ligne N.M.
complété juillet 2010, avril 2012, janvier 2013, février 2015

[1Bien évidemment on ne peut généraliser ce témoignage vu « les différences de situations d’une région à l’autre, d’un camp à l’autre, des fréquences des bombardements ... ainsi que des conditions sanitaires ou de nourriture ... Mais .. (tous ont) partagé les mêmes problèmes, ceux de la séparation familiale, le froid, la faim et les conditions de travail avec les horaires, les amendes, les menaces. » (« La main d’oeuvre française exploitée par le IIIème Reich », Actes (publiés en 2003) du colloque international des 13-14-15 décembre 2001 qui s’est tenu au Mémorial de la paix de Caen).

[2D’après « La main d’oeuvre française exploitée par le IIIème Reich », actes du colloque international de Caen, le chiffre global des requis pour la France se situe entre 650 000 et 700 000. La chronologie des départs est marquée par trois temps forts : novembre 1942, mai 1943 et juin 1943. C’est lors de ce troisième pic qu’est parti Jean. Les ouvriers représentent 54 à 69,5% des requis, les employés (dont faisait partie Jean) 18,5 à 23%, les étudiants de 1,3 à 2,2% et les agriculteurs, exemptés jusqu’en juin 1943, 12,5 à 15,5%.

[3Mgr Jean Dardel, dans les Actes du colloque de Caen (références ci-dessus) parle en effet de « situation faussée » : « Apparemment nous étions comme les ouvriers allemands, soumis au même règlement qu’eux, recevant régulièrement la nourriture et le salaire minimum, bénéficiant des mêmes protections sociales ... En même temps nous étions pour nos vainqueurs des étrangers dont il fallait se méfier, des étrangers qui tenaient en effet à manifester qu’ils étaient là, contraints et forcés, ne souhaitant d’aucune manière la victoire de l’Allemagne... Nous étions apparemment libres de nos déplacements (dans un certain périmètre ferroviaire). Nous pouvions aller au cinéma, j’ai pu moi-même, avant qu’il ne disparaisse sous les bombes, voir au théâtre municipal certains chefs-d’oeuvre de la littérature allemande .. En même temps la Gestapo nous surveillait étroitement. Il y eut dans notre camp de Berglust une perquisition mémorable où les policiers cherchaient un poste de TSF clandestin ... »

[4On note globalement 244 000 réfractaires : 59% de ceux-ci ont refusé de répondre à l’ordre de départ, 41% mirent à profit une permission, 8% s’évadèrent. Les trois-quarts des réfractaires se cachent dans des fermes ; 80% de ceux-ci y ont travaillé ; seuls 20% déclarent avoir été payés. On estime à 10% les réfractaires ayant rallié la résistance. (Actes du colloque de Caen ; cf références ci-dessus). Michel Boyer précise dans ces mêmes actes : « La brutalité des ordonnances Laval-Sauckel du 16 février 1943, définissant la réquisition massive des jeunes des classes 40, 41, 42 créa un électrochoc provoquant dans de trop brefs délais la nécessité du choix. Dès les premiers jours de mars 1943 les trains étaient prêts, les convois formés, encadrés par des gendarmes puis par la Wehrmacht. Ceux qui s’interrogeaient sur le départ au maquis durent très vite se rendre compte qu’il s’agissait d’une chimère car les rares camps organisés étaient dans l’incapacité d’absorber des adhésions en masse ». Il ajoute : « Je ne pouvais admettre d’exposer ma famille aux risques clairement énoncés de représailles dans le cas de ma défaillance ». Il n’y a aucune preuve d’un débat de conscience chez Jean mais je crois que cette dernière phrase reflète assez bien ce qu’il a pu penser en recevant son ordre de réquisition.

[5A cette date, P. Laval était « chef de gouvernement » mais il avait été sous la Troisième République « président du conseil ». C’est pourquoi Robert utilise ce titre de « président ».

[6Larousse en 6 volumes de 1929 : « caler : technique et chemin de fer : caler les soupapes d’une machine à vapeur, les empêcher de se soulever lorsque la pression atteint le nombre réglementaire de kilogrammes / caler une soupape, une magnéto, relier la commande de cette soupape ou de cette magnéto aux organes du moteur, de telle façon que l’allumage, l’ouverture ou la fermeture de la soupape se produisent par une position convenable du piston ».

[7« La plus grande partie des jeunes du STO revient en France, certes meurtrie par cette réquisition, mais vivante ». 60 000 requis sont morts pendant leur séjour dans le Reich (Actes du colloque de Caen ; références ci-dessus). Donc plus de 90% des STO français sont revenus chez eux.