Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

STO, avoir 20 ans sous l’occupation

Un film de Jérôme Lambert et Philippe Picard
vendredi 20 mars 2015

"Michel, Jacques ou François ont 20 ans en 1943, comme des centaines de milliers de jeunes, ils sont réquisitionnés par Vichy pour le Service du Travail Obligatoire, le STO, et arrachés à leurs vies pour travailler en Allemagne au service du régime Nazi. Cette expérience a marqué une génération tout entière, une majorité silencieuse à laquelle ce film souhaite donner la parole."

STO, avoir 20 ans sous l’occupation, un film de Jérôme Lambert et Philippe Picard, Kuiv- Michel Rotman, 2010, 84 min., diffusé sur France 2 le 19 mai 2011. [1]

Un travail émouvant à partir de témoignages :
Ce documentaire fait le choix d’une présentation du STO à travers les souvenirs ou les écrits, dessins de l’époque, confiés par quelques jeunes gens nés en 1920, 1921, 1922, qui furent concernés par la décision du gouvernement de Vichy d’obliger des travailleurs français à partir en Allemagne dans le cadre de la collaboration. La jaquette du DVD précise : « Avec eux nous vivrons la dureté de cet exil dans les camps de travail du Reich, les punitions, les bombardements, mais aussi la fraternité des baraques. A leur retour en 1945, ces 600 000 hommes pensent être accueillis en victimes, ils vont se retrouver ‘’présumés coupables’’ ».

Un travail sérieux, très (trop ?) respectueux des témoins, mais n’appliquant pas les méthodes des historiens :
Ce film est donc univoque et s’il a des qualités d’empathie il manque de rigueur scientifique. Il présente divers témoignages entremêlés sans jamais écrire en surimpression les noms des personnes qui s’expriment, même si Anémone, qui dit le commentaire, cite ces noms. Aucune biographie des hommes interrogés n’est fournie si bien que même pour un spectateur attentif, il est difficile de suivre la cohérence des témoignages, les liens de cause à effet, les évolutions de chaque personne au fil des mois qui s’écoulent. Restent des données impressionnistes souvent émouvantes, un contexte présenté avec soin, fourni par petites brides. L’évocation de la solidarité dans des camps de concentration où certains STO jugés saboteurs, fortes têtes, résistants ont été envoyés, est faite avec pudeur mais grande efficacité.
Le film ne parle que de STO travaillant dans des usines dont la production sert pour l’armement. Il n’est jamais évoqué les autres tâches (agricoles ou de services) qu’ont pu assumer les STO. Aucune carte ne permet de localiser les camps des STO dont les noms sont énoncés mais jamais écrits.
La victimisation est très marquée : ce n’est qu’au détour d’une phrase que les colis ou les sorties, par exemple, sont évoqués. Des informations sont laissées dans toute leur ambiguïté : le tampon à l’encre du matricule sur le bras à l’arrivée en Allemagne est présenté comme le serait le tatouage à Auschwitz-Birkenau.

Si la reconstitution de Chantiers de jeunesse en Allemagne par des STO est longuement évoquée, on ne nous explique pas comment ces STO ont pu obtenir des uniformes, des drapeaux … Et les images de chorale ou de levée de drapeau ne sont pas renseignées : pouvaient-elles être prises par d’autres cinéastes que allemands, validées par les nazis ?

Le format (83 mn) ne permet sans doute pas de fournir toutes les précisions :
Les distractions sont mentionnées comme à regret et pourtant la vie des chambrées pouvaient être très créatives. Deux chansons non référencées sont fredonnées dans le documentaire : Dans l’cul https://sites.google.com/site/stolescarnetsdegeorges/annexe-1 et la romance des requis dont le refrain précise : « c’est la romance des requis/que nous chantons en Silésie/Cette complainte de cafard/a pour reflet des jours trop noirs/… ». Elle a été écrite à Königshütte-Bismarckhütte [2], le dimanche 11 juillet 1943 par René Calvet d’après le site yumpu.com

Le DVD de ce documentaire n’offre pas un livret d’accompagnement si bien qu’on n’a pas d’autres informations que celles données dans le générique. Ainsi on ne sait pas comment ont été choisis les témoins qui interviennent, ni quand les enregistrements ont été faits. Ces témoins sont d’après ce générique :
1. Jean Anette (décédé en août 2010) :
http://www.chrd.lyon.fr/chrd/sections/fr/pages_fantomes/temoins/hommage_a_jean_anett
2. Jean Baudet
3. Jacques Berger auteur de « Esclaves dans une tour de Babel ; mémoires de STO 1943-1945 » Editions Sillages 2009
4. Michel Boyer :
http://www.requis-deportes-sto.com/old/colloque/pages/page58_61.html a écrit « Silésie 1943 ; un ancien STO raconte » aux éditions Lacour ; 2000
5. François Cavanna, écrivain, journaliste, dessinateur, humoriste ; décédé en 2014 ; sur cette période a écrit : « Les Russkoffs », Éditions Belfond, 1979
6. Jean Pinon : a écrit un texte franco-allemand accompagné de ses dessins (traduction assurée par son gendre Bückeburgeois et sa fille aînée) qui donne un livre intitulé « Mes deux Allemagne » aux éditions du Petit Pavé.octobre 2007. Editions du Petit Pavé, BP 17 – 49320 Brissac – 02.41.54.60.21.
7. Jean-Louis Quéreillahc :
http://www.sudouest.fr/2010/05/17/jean-louis-quereillahc-prend-de-nouveau-la-plume-93523-4627.php a écrit « Le STO pendant la Seconde Guerre mondiale » première édition en 1958 : deuxième édition en 2010 aux éditions De Borée.
Par ailleurs de nombreuses lettres de Jacques Picard envoyés à ses parents servent de témoignages directs puisqu’elles ont été conçues pendant le STO de J. Picard. Et on entend dans le DVD des récits de Jean Dolmeta, Michel Voyet (Voyer ?).

Le documentaire est ponctué par des films d’archives dont on ne précise jamais l’origine (une simple incrustation sur l’image est pourtant techniquement simple à réaliser) : le générique liste les sources sans indiquer ce que chacune a fourni. De même pour chacun des dessins, nombreux, qui eux aussi illustrent les propos on ne connait pas les auteurs. Le générique donne les noms des dessinateurs globalement, à savoir :
1. Paul Cèze, auteur de « Chroniques des années noires, 1943-1945 » éditions Cheminements ; 1994 = carnet de route d’un STO dans les Werkheim du IIIème Reich
http://books.google.fr/books/about/Chroniques_des_ann%C3%A9es_noires_1943_1945.html?id=e59QRw0boxEC
2. Jean-Paul Gamory, « A. E. L. Arbeitserziehungslager. : les camps de rééducation au travail et leurs concentrationnaires oubliés ». Saint-Grégoire (35760) : à compte d’auteur, imprimerie Gournay, 1989
3. Lelong,
4. André Lublin,
5. Jacques Martin, qui a publié avec Julie Maeck et Patrick Weber, chez Casterman en 2008 « Carnets de guerre »
http://bd.casterman.com/albums_detail.cfm?Id=33681
6. Robert Piganiol,
7. Jean Pinon (lire ci-dessus)

Ainsi ce documentaire est un intéressant complément pour les spectateurs qui connaissent déjà le sujet mais risque de donner une idée « biaisée » à ceux qui découvriraient ce pan de notre histoire.

(Les compléments d’information et sites dont les liens sont indiqués ci-dessus sont dus à l’auteure de ce texte.)

Martine Giboureau ; mars 2015

Les jeunes des classes 1940 1941 1942 sont visés par des mesures répressives, amendes et prison, s’ils ne répondent pas aux convocations qui leur sont adressées. Les réfractaires sont recherchés par la police et la gendarmerie. Le certificat de travail doit être exigé pour ces classes d’âge, dit la circulaire de René Bousquet aux préfets, le 28 mai 1943. Des jeunes Français doivent travailler pour les usines de guerre de l’Allemagne selon Vichy. Des tracts dénoncent la Relève, le STO, Vichy.
En Arriège, gendarmes et Allemands verrouillent la frontière vers l’Espagne. N’obéissez pas, cachez-vous. Les départs depuis Foix sont un échec. Les passages vers l’Espagne se multiplient. De nombreux maquisards sont arrêtés ou tués en Ariège.
NM

(Les notes entre crochets sont de la webmestre.)

Pour en savoir plus sur le sujet, articles, documents, bibliographie :
Jean Giboureau, un STO parmi tant d’autres

Travail forcé pour l’Allemagne nazie, entre STO, Shoah et travail concentrationnaire

brochures à commander au Cercle d’étude :

N°28. Conférence-débat du 29 novembre 2006 : « Le travail concentrationnaire (1) » : Conférence de R. Spina. Témoignages d’H. Idelovici et R. Esrail. Textes de C. Palant, F. Valleton, L. Krongelb et M. Giboureau
N°29. Conférence-débat du 29 novembre 2006 : « Le travail forcé pour l’Allemagne nazie » : Textes d’A. Rogerie, M.-P. Hervieu, et M. Giboureau.
Lexique et bibliographie sur le travail concentrationnaire
N°30. Conférence-débat du 29 novembre 2006 : « Le travail concentrationnaire (2) » : Textes de G. Gobitz, C. Baron, L. Krongelb, M.-P. Hervieu, R. Spina, J.-L. Steinberg. Compléments et errata. Hommage à H. Wolff.

DVD du Cercle d’étude sur le travail forcé :
DVD (1) : Le travail concentrationnaire

Mise en ligne NM. 20 mars 2015

[1[ Film présenté à la Maison Heine, le 12 mars 2015 :
http://www.maison-heinrich-heine.fr/fr/sto/ ; Ce documentaire a bénéficié du soutien du Ministère de la défense et des anciens combattants (SGA/DMPA) ]

[2[Bismarckhütte, nom ajouté en 1939, c’est Batory, une banlieue de Königshütte (Chorzów) en Haute Silésie]


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