Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Addy, par Michel et Hugo Fuchs

jeudi 10 janvier 2019

« Battez-vous pour changer le monde. Je l’ai fait quand j’étais communiste. Encore aujourd’hui, je pense que l’on ne peut pas changer le monde tout seul. On ne peut le faire qu’avec les autres, à l’image du volley que j’ai voulu rendre plus populaire. Continuez le combat, je vous fais confiance. »

Addy tu es un monument
Tu as été un sacré personnage
Un combattant un battant un passeur
Tu es né à Paris et tu as vécu dans le Belleville populaire
Où tes parents avaient cherché refuge pour fuir l’antisémitisme polonais
Ta mère parlait de la France comme de la terre des lumières
Et elle croyait en cette république qui saurait les protéger
Très jeune tu passais plus de temps à piquer des bonbons avec tes copains
Dans les boulangeries que de t’appliquer à l’école au grand dam de ta mère
Et puis un jour tu découvres la lecture et avec tes économies
Tu t’ai acheté les livres de la collections Nelson
Tu les as tous lu et relu et tu as fais le tour du monde en rêvassant à tous ces héros
Et tu t’es enfin mis à étudier
On disait de toi que tu étais un matheux et un bon élève
Tes parents t’ont élevé dans un foyer juif sans être pratiquant
Mais observant quelques traditions
Ta mère et ton père étaient des militants
Ton père syndicaliste et ta mère trotskyste
Ta jeunesse a été heureuse jusqu’au jour
Ou ils t’ont obligé à mettre une étoile jaune pour te rappeler que tu étais juif
Tu as décidé avec tes cousines un oncle et une tante de passer en zone libre
Dénoncés vous avez été transférés vers Pithiviers puis Drancy et vers pitchepoï
Les camps de la mort Auschwitz
Ils t’ont tatoué comme un animal n°177063
Et tu as survécu tu as retrouvé tes parents cachés par la résistance
Tu pesais 33 kilos
Et ta mère te gavait pour reprendre du poids
Esse mind kind esse mange fiston mange
Tu as voulu reprendre tes études mais tu es tombé très malade
Et tu es devenu schneider tailleur
À ta manière tu as fait des mathématiques
En fabriquant des smatès des vêtements
En inventant tes patrons
En mesurant tes tissus
Parfois tu disais être un sale gosse et égoïste
Toi égoïste non
Tu as passé ta vie à aider les uns et les autres et nous en particuliers
Tu as toujours été disponible.
Pour tes enfants et leurs conjoints tes amis et surtout tes 3 petits enfants
Avec lesquels tu as passé avec Ida ta chère et tendre comme tu disais
Tant de temps et tant de complicité et d’amour
Ces trois petits enfant qui chacun à leur tour et à leur manière
T’ont toujours présenté comme un héros
Adolphe il t’ont prénommé Adolphe.
Que drôle de prénom pour un petit yid juif Belleville
Au sortir des camps tes copains t’ont baptisé Addy
C’est mieux pour un rescapé de l’horreur et de la barbarie.
Tu as échappé à la mort
Tu l’as côtoyée
Tu as vu partir des amis des familles
Combien d’entre eux sont partis en poussière sans aucune sépulture
Tu as construit des amitiés indestructibles avec les survivants Henri Serge Milo Bernard Charles
Vous partagiez tout
Un bout de pain une soupe pour survivre

Solidarité
Au camp, la solidarité avec ses copains Henri, Milo et Serge : « Quand nous n’avions qu’un bout de pain, on se le partageait. Sans eux, je serais mort.

Pour raconter
Tu as fabriqué une force incroyable et une volonté de vivre hors du commun.
Tu as construit une carapace et un caractère bien trempé
Il paraît que nous en aurions hérité d’un petit fragment
C’est aussi par ce fichu caractère et ta force
Et surtout grâce à tes amitiés que tu es revenu de cet enfer
De cette horreur indescriptible tu as tiré des leçons de vie que tu m’a transmises
Du moins je l’espère
Et puis tu as rencontré cette belle jeune femme Ichudit
Tout comme toi engagée dans les jeunesses communistes
Addy Ida
Ida Addy dans l’autre sens
Vous étiez fait l’un pour l’autre
Il était temps avec vos 20 ans
Vous avez tous les deux dévoré cette nouvelle vie
Comme on croque passionnément dans une pomme à pleine dent
Un mariage trois enfants trois petits enfants
Quelle belle revanche sur les tortionnaires
Addy tu as mené un combat quotidien tout au long de ta vie en témoignant
Tu disais toi même être un combattant de la mémoire
Tu étais un passeur
Passeur d’histoire
Passeur de vie
Passeur comme tu l’as été sur les terrains de sports
Au volley tu râlais quand un joueur de ton équipe passait directement la balle de l’autre côté
Tu lui disais on peut faire trois passes et l’autre de te répondre on a gagné le point
Je m’en fous disais tu car passer le ballon c’est faire confiance à son coéquipier
Tu as été en enfer et tu as eu le souci permanent de raconter inlassablement ta vie
Tu n’es jamais sorti d’Auschwitz
Et moi enfant de ne pas oser de questionner de peur de te faire du mal
Saches que tu as su par tes mots troubler et sûrement transformer de nombreuses générations.
Tu as su dire à des enfants et à des jeunes ce qui n’était pas racontable.
Pour cela nous te devons tant
Nous tes enfants tes petits enfants tes amis
Mais aussi un peu ce pays qu’est la France
Alors t’es bien évidemment un vrai Mench comme on dit chez nous.
Alors vieux machin
C’est comme cela que je t’appelais dernièrement
Tu pars en nous léguant un formidable héritage
Ta vie n’est faite que d’engagements
Au parti communiste pour changer la société et dire plus jamais
Au CPS10 pour refabriquer ton corps meurtri et pour éduquer les jeunes à la culture sportive
Et au don de soi
À la FSGT pour penser le sport autrement
À la Mémoire de la Shoah pour inlassablement raconter ton parcours aux jeunes générations
Afin de combattre les préjugés et le racisme sous toutes ses formes
Tous ici peuvent témoigner de ce que tu as pu leur apporter
Je ne vous citerais pas tous
C’est impossible
Vous trois Sabrina, Hugo et Romain tes 3 petits enfants à qui tu as donné tant d’amour
Toi Milo ton dernier compagnon de mémoire
Toi Henri ton presque frère et pourtant cousin germain
Toi Joëlle pour qui tu as appris la langue des signes
Toi Guy parti bien trop trop tôt
Toi Sylvie que tu as accepté dans ta famille sans condition
Vous Alice, Suzy comme tes soeurs de coeur les épouses de tes derniers copains de camps
Vous Muriel Patrick Gisou Laurence Gilbert Francine Marc Danny
Tous ces gosses avec qui tu jouais au Barcarès au camping Miami City ou ailleurs à la neige
Tu étais leur oncle
Vous Ariel David Alain les trois mousquetaires dont tu aurais pu être un père de substitution
Vous Popau Zizi Maurice Simon Jacques et tous les autres qui ont fait du sport grâce à toi
Toi Thierry ton disciple à qui tu as balancé un trousseau de clé de colère
Et qui es devenu ton digne successeur au volley FSGT parisien
À tous nos amis qui étaient toujours les bienvenus chez toi à Paris ou à la campagne
Addy tu es un livre d’histoire
Un grand témoin de notre époque
Tu as fait un formidable travail partout ou tu es passé
Tu ne laisses personne indifférent
Tu as connu le pire et aussi le meilleur
Dans les derniers moments passés avec toi à ton chevet
Tu avais beaucoup de mal à parler
Tu évoquais le souvenir d’avoir volé de la nourriture dans l’armoire de la cuisine
Tu te souvenais que ton père t’avais battu et ta mère te consoler ensuite
Je veux aussi me souvenir de tes petits yeux malicieux
De ton coté espiègle
Ta malice
De ton parler direct sans parfois réfléchir
De ton humour
De ton air coquin
Quand tu ajustais les manteaux des femmes à fortes poitrines
Sous les yeux agacés de notre mère
De tes dernières blagues
Auprès des infirmières des invalides
Et même de ta mauvaise humeur légendaire
Tous t’admirent mais peu ont eu l’audace de te prendre
Ces trois dernières années en vacances
Et je salue et remercie ici Sylvie de l’avoir fait
Je me souviens de la transformation de la table de la salle à manger
En table de tennis de table pour jouer au ping-pong avec tes petits enfants
Je me souviens des samedis matin ou tu m’emmenais aux musées
Et des dimanches matin à la piscine
Je me souviens des parties de cartes ou nous buvions
Déjà de la vodka et notre mère de t’accuser
De faire de ses fils des pilloks des ivrognes
Je me souviens des moments ou vous parliez en yiddish
Afin de ne pas vous faire comprendre
À force de vous entendre
La musique des mots devenaient tout à fait compréhensible
Je me souviendrais de ces derniers moments passés ensemble
De ton envie d’être toujours bien rasé et je m’exécutais
Car tu n’y arrivais plus tout seul
Et de notre dernière partie d’échecs la veille de ton départ
Rejoints la femme de ta vie
Retrouve Ida notre maman
Prends soin d’elle comme elle a pris soin de toi
Et vivez pour l’éternité
Cette belle histoire d’amour que vous avez commencée ici
Salut Addy
Salut vieux machin
Salut pépé
Salut papa je t’aime bien tu sais
Je suis très fier de t’avoir connu et d’être ton fils
Je suis fier de toi
Tu es un exemple pour moi pour nous tous
Car vous tous et toutes vous détenez une part de lui
Tu as touché le coeur des Hommes
Comme en ont témoigné tous les messages que j’ai reçus
Et comme tu disais dans tous tes discours
Vivre
Vivez
Alors à la vie et à l’amour
Texte de Michel, dessin d’Hugo, fils et petit-fils d’Addy
Addy Fuchs, déporté à 16 ans, camps de Blechhammer, Langenstein


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