Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Salonique, la Jérusalem des Balkans

Thessalonique
dimanche 20 décembre 2015

La population de Salonique au début du XXe siècle est une mosaïque. Presque tous les habitants parlent le turc et le "juif" (le judéo-espagnol).
Recherche : https://sofistories.com/2016/03/27/a-teenager-who-saved-17-jewish-boys-from-the-nazis/

Salonique, la Jérusalem des Balkans
315 avant notre ère, création de Salonique.
La présence des juifs à Salonique date de l’antiquité.

Entrée du musée, photo Dominique Dufourmantelle

En 1170, le grand voyageur Benjamin de Tulède [1] signale la présence de juifs appelés les Romaniotes à Salonique.
En 1430, les Turcs entrent à Salonique. Ils appliquent une politique de tolérance.
En 1470, suite à des pogroms arrivent des familles askénazes de Bavière.
En 1492, l’édit d’expulsion d’Espagne de Ferdinand et Isabelle la Catholique, fait fuir 20 000 juifs qui partent vers l’Europe (Languedoc, Italie), vers l’Afrique du nord, la Grèce, l’empire ottoman et même l’Asie.
Le Sultan Bayazid accorde l’hospitalité aux juifs d’Espagne. Salonique devient majoritairement juive. On y parle le judéo-espagnol (ladino) chez les Sépharades.
http://www.jmth.gr/web/thejews/pages/pages/judeo.htm
1512, introduction de l’imprimerie par les juifs.
A partir de 1821, guerre d’indépendance des Grecs.

C’est une ville cosmopolite.
La ville est aussi peuplée de Turcs, de Grecs, d’Arméniens, d’Albanais, de Slaves, de Tsiganes et de musulmans d’origine juive, les deunmè. La population juive joue un rôle important dans le domaine culturel et économique. Le quartier turc est dans la ville haute.

La ville connait un renouveau économique au XIXe. Dans les années 1880-1914, c’est une des grandes villes industrielles de l’Empire ottoman, carrefour de l’Orient et de l’Occident.
En 1873, l’Alliance israélite universelle permet au français de devenir leur seconde lanque.

Les Saloniciens fortunés profitent de leur situation aux marges de la Mittelleuropa pour voyager dans les grandes capitales. Grâce à l’enseignement du français par l’Alliance, aux journaux paraissant en français, comme La Liberté, L’Indépendant, Paris les attire.
Le Journal de Salonique, 1895, tient informé sur l’Affaire Dreyfus.

1881, naissance de Mustafa Kémal (le futur Atatürk).
1899, des mouvements sionistes naissent à Salonique.

Mais la révolution jeune turque, avec le Comité Union et Progrès, contre le sultan Abdul-Hamid II pour le rétablissement de la Constitution de 1876, éclate soudainement en 1908, avec des militaires, des notables, des francs-maçons. La Macédoine s’enflamme. On joue la Marseillaise. Sur un immense drapeau rouge, on peut lire en turc "Liberté, égalité, fraternité, justice".
Un mouvement ouvrier se développe. Une manifestation importante a lieu le premier mai 1909, avec des juifs, des Bulgares, des Grecs et des musulmans socialistes.
Le sultan déchu réside à Salonique.

1912-1913, première guerre des Balkans
1912, les troupes grecques entrent dans la ville, accompagnées de soldats bulgares.
En 1913, les Grecs annexent Thessalonique. Des musulmans partent pour l’Asie mineure.
Le rôle des juifs décline. Beaucoup émigrent aux États-Unis, en Angleterre, en France, en Italie, à Alexandrie.
Une deuxième guerre balkanique éclate en 1913. Les Bulgares non antisémites sont défaits.

Pendant la Première guerre mondiale, Salonique est occupée par les armées de l’Entente en 1915, l’armée d’Orient, pour aider la Serbie.

Le grand incendie de 1917 détruit le centre ville dont les 3/4 des propriétaires étaient juifs. Les autorités en profitent pour les exproprier. Le plan de la reconstruction est dressé par un Français, Ernest Hébrard. La ville devient grecque. Les négociants grecs remplacent les juifs.

La guerre gréco-turque (1919-1922) provoque l’expulsion des Turcs selon les accords d’échange de population, et des Grecs arrivent de Thrace, et d’Asie mineure, de la côte pontique, du Caucase, du sud de la Russie, dans les années 1922-1923.
En 1922, le samedi devient une journée de travail, ce qui provoque une nouvelle vague d’émigration de la part des juifs.

En 1931, a lieu un pogrom au camp Campbell, un quartier peuplé de juifs, incendié par des Grecs antisémites qui avaient profané une centaine de tombes juives, voulant étendre la reconstruction du quartier incendié en 1917.
En 1935, il y a encore 60 000 juifs sur 170 000 habitants.

Venizélos est considéré comme le « fondateur de la Grèce moderne ».

L’holocauste à Thessalonique

Le 9 avril 1941, les Allemands entrent dans la ville. Ils appliquent des mesures antisémites, supervisées par Alois Brunner.

11 Juillet 1942, rassemblement de juifs
Place de la Liberté

Été 1942, les juifs de sexe masculin de 18 à 45 ans doivent se présenter sur la Place de la liberté, pour être enrôlé dans le travail forcé. Ils sont envoyés dans des camps de travail dans des lieux où règne la malaria. Ils doivent payer une rançon élevée. En décembre 1942, une partie de l’ancien cimetière est exproprié et sert de carrière de pierre, les pierres tombales deviennent des pavés.

En 1943, c’est la fin des juifs à Thessalonique.
Le 15 mars 1943, 2 800 juifs sont déportés à Auschwitz. Ils doivent acheter un billet à la Reichsbahn pour "voyager" dans des wagons à bestiaux qui les conduisent vers la mort.
https://www.wsws.org/en/articles/2015/09/12/naz2-s12.html
De mars à août 1943, 56 000 juifs sont déportés à Auschwitz, Birkenau et à Bergen-Belsen. D’autres sont morts suite aux travaux forcés.

96,5 % de la population juive totale de Thessalonique a disparu dans la Shoah.

Extraits du témoignage d’Itzchak Nechama, au procès d’Eichmann, Jérusalem, 1961 :
http://www.holocaustresearchproject.org/trials/nechamasalonika.html

700 juifs demeurent aujourd’hui à Thessalonique sur 322 240 habitants.

Le 18 mars 2018, Marche et cérémonie de commémoration à l’occasion du 75e anniversaire du départ du 1er convoi de Thessalonique vers Auschwitz-Birkenau. En présence de Boutaris Ioannis, maire de Thessalonique et David Saltiel, président de la communauté juive de Thessalonique.

Le musée juif à Salonique

Pour en savoir plus :

Les Juifs en Turquie, immigration et sauvetage. La Turquie, un refuge sous le nazisme
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article224

Maurice Benroubi
Maurice Benroubi est né à Salonique, en 1912. Venu en France, il n’a pas pu étudier à l’école de l’Alliance israélite universelle, comme ses frères et soeurs. Il est arrêté au Mans le 16 juillet 1942. Emmené à Angers, il est déporté à Auschwitz par le convoi n° 8. Il arrive le 23 juillet 1942 à Birkenau qui est encore en construction. Au camp, il est handicapé par le fait d’être sépharade car il ne connaît pas le polonais, l’allemand ou le yiddish, langues des camps, et il se met dans des situations difficiles. En septembre 1942, il est envoyé à la mine de Jawischowitz. Il se lie d’amitié avec deux juifs turcs avec lesquels il parle « espagnol » c’est-à-dire le djudezmo [2].

BENBASSA Esther, sous la dir., Salonique, ville juive, ville ottomane, ville grecque, 2014, CNRS éditions.
FLEISCHER Hagen, “’Deutsche ‘Ordnung’ in Griechenland 1941-1944” in : Loukia Droulia et Hagen Fleischer (Ed.), Von Lidice bis Kalavryta. Widerstand und Besatzungsterror. Studien zur Repressalienpraxis im Zweiten Weltkrieg, Metropol, Berlin, 1999.
MOLHO Rena, The Jerusalem of the Balkans : Salonica 1856-1919, Transversal, 2008
VEINSTEIN Gilles (dir.), Salonique 1850-1918 : La « ville des Juifs » et le réveil des Balkans, Paris, Autrement,‎ 2001, 294 p.
VENEZIA Shlomo, Sonderkommando, dans l’enfer des chambres à gaz, Albin Michel, 2007.
Mémoire demain, DVD-ROM réalisé par l’UDA, offrant 8 h de témoignages,, d’anciens rescapés d’Auschwitz et de Birkenau, 219 séquences vidéo, 2009, distribué par Hatier.

Recherche de survivants sauvés par Neoklis Girihidis et le captaine Kolokotronis de la résistance communiste : https://sofistories.com/2016/03/27/a-teenager-who-saved-17-jewish-boys-from-the-nazis/
Le bureau de l’EAM la résistance communiste à Thessalonique avait organisé l’évasion de garçons juifs qui devaient être transportés à Nea Santa en voiture. Le capitaine Kolokotronis attendait les garçons dans le village voisin de Peristeri, au fin fond des montagnes, distant de 5 km. Le jeune Neoklis 16 ans en 1943, amena en trois groupes 17 enfants juifs.
Greek, Jew and Leftist, 2000
https://ejournals.epublishing.ekt.gr/index.php/historein/article/view/14601/17934

Association « Judéo-Espagnol à Auschwitz » (JEAA)

Plaque à Auschwitz en judéo espagnol

https://blogs.mediapart.fr/dominique-vidal/blog/290121/quand-un-pere-se-raconte-son-fils

Martin BARZILAI, Cimetière fantôme : Thessalonique , éditions Créaphis, 2023, à partir de photographies de pierres :
https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/070124/martin-barzilai-defricheur-de-l-histoire-effacee-de-la-communaute-juive-de-grece

Mercredi 26 avril 2023 à 19 h à la mairie du 11° arrondissement de Paris, a eu lieu la projection du film d’Alain Penso Salonique, ville de l’oubli et du silence.

Photos : Dominique Dufourmantelle
NM

N.M. Décembre 2015-2021-2024

[1Le "Marco Polo juif" part d’Espagne, traverse le Bas-Languedoc, l’Italie, Constantinople, la Grèce, Rhodes, Chypre, Antioche, la Syrie, le Liban, la Palestine, la Mésopotamie, la Perse, et revient par L’Egypte.
Voyages de Rabbi Benjamin, fils de Jona de Tudèle, en Europe, en Asie et en Afrique, depuis l’Espagne jusqu’à la Chine, Amsterdam, 1734 in :
http://gallica.bnf.fr/ark :/12148/bpt6k104380z

[2C’est le judéo-espagnol vernaculaire, un espagnol archaïsant d’avant 1492.


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