Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Une petite fille sauvée de la déportation : Anna Zaks

par Marie Paule Hervieu
samedi 20 février 2021

Une petite fille sauvée de la déportation : Anna Zaks

Anna est née en 1930, elle habitait Paris, 44 rue Saint Sabin (11e), seconde fille de Juifs polonais immigrés : Srul, Bendit et Massia Zaks , une famille ouvrière. Pendant la drôle de guerre, en 1939, du fait des risques de bombardements aériens, elle est évacuée de Paris, ainsi que sa sœur Eva, avec son école, dans le département du Cher, à Ivoy-le-Pré, chez un couple de fermiers catholiques, les Boyau. Elles rentrent à Paris, à l’hiver 1940-41.

Son père est arrêté lors de la rafle du 11e, en août 1941, et déporté de Compiègne à Auschwitz, par le convoi 2 du 5 juin 1942. Suite à une opération, elle est en convalescence chez Isidore et Léontine Boyau. Elle a 11 ans et retrouve à Paris sa mère et sa sœur, contraintes de chercher du travail. Mère et fille aînée, âgée de moins de 15 ans, sont arrêtées lors de la rafle du Vel’ d’Hiv’en juillet 1942, transférées à Pithiviers (en attente de déportation : Massia, 37 ans, par le convoi 14 du 3 août 1942, et Eva, par le convoi 16 du 7 août 1942). Elles ont eu le temps de prévenir Anna et la famille Boyau de leur arrestation. Les Boyau décident de garder l’enfant, devenue de fait orpheline, et lui sauvent la vie.

Scolarisée dans un département traversé par la ligne de démarcation et occupé entièrement à partir de novembre 1942, elle atteint l’âge du passage du certificat d’études primaire, et ceux qui sont devenus ses parents adoptifs sont avertis, par l’inspecteur d’académie, qu’elle doit se rendre à Aubigny-sur-Nère, en portant l’étoile jaune. Léontine Boyau, informée de dénonciations d’enfants juifs, décide qu’elle ne s’y rendra pas, sans lui donner beaucoup d’explications ; elle l’apprendra beaucoup plus tard de Colette, fille des Boyau et, par là même, ils lui sauvent peut-être une seconde fois la vie. Elle vécut chez eux, entourée d’affection, jusqu’à la libération, et même au-delà, puisqu’elle a été retrouvée par une tante maternelle, venue la chercher de Paris.

Anna Zaks s’est mariée et est devenue Anna Chatelard ; elle a eu trois filles. Elle a continué à entretenir d’excellentes relations avec les Boyau, et elle figure, avec son mari, sur leurs actes de décès, en mars et mai 1978. Isidore et Léontine Boyau sont devenus Justes parmi les nations, le 28 avril 1996.

Anna Zaks entourée d’Isidore et Léontine Boyau
archives familiailes

Ses trois filles ont témoigné de son histoire, avec la fille des Boyau, devant des élèves de 3e du collège Béthune Sully à Henrichemont (Cher) et trois professeurs (histoire, français, bibliothécaire-documentaliste) ; témoignages et documents ont débouché sur des recherches et la production d’un film documentaire de Yann Guillemain intitulé Annette en 2009 [1].

Le nom d’Éva est inscrit sur une plaque commémorative apposée par l’AMEJD-11e sur le mur d’entrée de l’école de filles, 13 rue Bréguet (Paris 11e).

Marie-Paule Hervieu, février 2021.

[1film et livret d’accompagnement, Annette une enfant cachée dans un village du Berry, http://www.occe.coop/ ad18/spip.php?rubrique38.