Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Jean Gavard, ancien résistant, déporté à Mauthausen (Autriche)

"Une jeunesse confisquée"
mardi 9 août 2016

Jean Gavard, déporté-résistant, à propos du témoignage.

Le point de vue du témoin

Jean Gavard, 1923-2016, ancien déporté au camp de Mauthausen en Autriche, Président du concours national de la Résistance et de la déportation, vide-président de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation.

Présentation

Lycéen au lycée Montaigne, ancien membre du réseau Castille à Bordeaux jusqu’en juin 1942, date de son arrestation par l’Abwehr, Jean Gavard passera 9 mois à la prison de Fresnes avant d’être déporté en mars 1943 au camp de Mauthausen et passera toute sa détention au Kommando de Gusen.

Le témoignage

Il évoque les raisons pour lesquelles il a été amené à témoigner tardivement. Il était centré, après le retour à la reconstruction d’une vie normale pendant quelque vingt ans. Néanmoins, il a gardé constamment un lien très fort avec l’Amicale Française de Mauthausen, mais n’intervenait pas pour parler de son vécu.
Ce qui a provoqué chez lui une réaction active, se situe en 1975 et 1980, lorsque des amis de l’Amicale de Mauthausen de Vienne (Autriche) lui ont envoyé un document photographique publié en Allemagne par des négateurs de l’histoire, affirmant que c’était un photomontage.

A partir de recherches faites par l’Amicale Française de Mauthausen, il a été constaté la présence sur une photo de deux de nos camarades encore vivants. Leur témoignage incontestable affirmait qu’il s’agissait de la pendaison d’un interné autrichien - mais non un déporté qui avait tenté de s’évader du camp.

Après des interventions en Autriche pour rétablir la vérité, l’Amicale de Mauthausen a voulu concrétiser ses actions par l’organisation de voyages de professeurs à Mauthausen qui ont débuté en 1990.

http://clioweb.free.fr/camps/marcoug.jpg
http://memoirenet.pagesperso-orange.fr/article63fb.html?id_article=207

On se rend compte alors de la difficulté du témoignage et de l’impossibilité de faire l’impasse sur notre vie depuis le retour. En discutant avec des camarades, cela apparaissait comme pratiquement insurmontable. Nous sommes convaincus, que le témoignage doit se limiter à chaque vécu individuel, et au cours des voyages, le témoin doit s’exprimer à l’endroit qu’il a connu et où il a vécu et rien d’autre.

La clarté du témoignage et son authenticité sont une préoccupation constante dans les voyages.
Une des difficultés du témoignage, est celle de la communication. Nous les anciens déportés, nous parlons d’un autre monde. Les nazis ont créé dans les camps un système social bien différent de celui que nous connaissons tous, c’est à dire une société relativement conviviale, et où l’on veut respecter les droits de l’homme. Cette distance crée entre les deux sociétés est difficilement surmontable dans la perception de nos messages, la société nazie ayant ses critères. Les termes que nous avons l’habitude d’employer ne recouvrent absolument pas les choses ou les mêmes concepts. La société concentrationnaire a son propre langage ; pour chaque livre écrit par un ancien concentrationnaire, il faudrait un lexique. Par exemple, quand on parle de « Revier », la traduction allemande dira hôpital et bien non, pour le concentrationnaire c’est bien autre chose. La profonde différence du sens des mêmes mots est un obstacle à une transmission satisfaisante.
Les déportés sont davantage écoutés aujourd’hui qu’après la Libération.

Revenant à ces différences des deux sociétés, la nazie et la nôtre, les déportés étaient porteurs de mauvaises nouvelles. Ils montraient qu’une autre société avait existé parallèlement à la notre et personne n’avait envie d’en entendre parler.
Maintenant, les nouvelles générations n’ont pas les mêmes comportements, elles n’ont pas connu la juxtaposition de deux sociétés entièrement contradictoires, incompréhensives l’une par rapport à l’autre. Les nouvelles générations sont curieuses de savoir, de connaître ce passé.

Extrait du Petit Cahier n°5, « Le témoignage, le point de vue du témoin », journée d’étude du 12 décembre 1998

A propos des thèses négationnistes

Quelle est la réponse faite par l’Education Nationale aux professeurs qui développent dans des établissements des thèses négationnistes ?
Jean Gavard rappelle qu’ayant quitté sa fonction d’Inspecteur général, il y a plus de 10 ans, sa réponse ne peut -être que très partielle, malgré ses rapports particuliers, comme président du Jury du Concours National de la Résistance et de la Déportation, avec le doyen de l’Histoire Dominique Borne.
« D’une manière générale, tous les enseignants qui affichent des propos négationnistes contraires à la loi sont sévèrement sanctionnés, jusqu’à la révocation. En ce domaine, le concours des parents pour alerter les autorités académiques est nécessaire.
Le travail dans des cercles d’étude pédagogiques comme celui dans lequel nous sommes aujourd’hui me paraît être un des meilleurs moyens pour lutter contre le négationnisme, les chercheurs et les historiens apportant les matériaux irréfutables qui permettent de montrer où est la vérité. Les négationnistes n’ont aucune audience scientifique, leur démarche initiale est une option purement politique, il importe donc d’apporter la meilleure réponse à leur position mensongère. »

Jean Gavard, déporté-résistant est décédé le 4 août 2016

GAVARD Jean, Une jeunesse confisquée 1940-1945, Avant-propos de Daniel Simon, préface de Laurent Douzou, L’Harmattan, 2007, 148 p.

SÉGUY Georges, Résister : de Mauthausen à Mai 68, L’Archipel, 2008
Georges Séguy, né en 1927 à Toulouse, mort le 13 août 2016, déporté à Mauthausen à 17 ans :
http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article175378

Camp de Mauthausen :
http://www.campmauthausen.org/
Camp de Güsen :
http://www.gusen-memorial.at/
Sur le site du Cercle d’étude

Les femmes détenues à Mauthausen :
http://www.monument-mauthausen.org/les-femmes-dans-le-camp-de#nb20

http://clioweb.free.fr/camps/deportes.htm