Jean Louis, témoin
« Mes interventions dans les classes n’ont pas pour but de me faire plaindre : ceux qui sont à plaindre sont ceux qui sont morts : 97 % des déportés »juifs« de France. Je ne veux pas non plus me faire passer pour le héros qui est rentré : tous les survivants ont surtout eu de la chance. Mon but est d’illustrer par des faits vécus le cours d’histoire et aussi, et même surtout, d’armer les jeunes contre le fascisme et tous les racismes qu’ils soient anti-juif, anti-arabe ou contre les noirs etc. Ce que nous avons vécu montre à quoi ces idées peuvent mener. Je fais ce que je peux pour que ça ne recommence jamais. »
Biographie
Jean-Louis Steinberg est né à Paris le 7 juin 1922. Communiste et résistant depuis 1941, il est en 1944 étudiant à la faculté des Sciences de Paris, malgré le numerus clausus pour les étudiants juifs.
Sa mère, d’origine alsacienne, est bachelière, chose exceptionnelle pour une femme à l’époque.
Considérés comme de « race juive » par l’Allemagne nazie et le régime de Vichy, Jean-Louis, ses parents et son frère Claude sont arrêtés, le 18 juin 1944.
D’abord internés à Drancy, ils sont déportés le 30 juin 1944 par le convoi n°76.
Sa mère et son père sont gazés à Auschwitz, son frère meurt d’épuisement.
Jean-Louis travaille d’abord en extérieur dans des conditions très dures mais, grâce au contact établi avec le réseau de résistance communiste du camp, il devient serrurier dans un atelier, à l’abri des intempéries.
Je devais rester un homme debout, en état de résistance. Par exemple, je devais rester propre physiquement (malgré l’eau froide ou le manque d’eau, l’absence de savon et de linge propre) ce qui voulait dire gratter à sec la saleté de la surface de la peau avec l’envers des manches de nos vestes, plus propre que l’endroit.
Je ne devais accepter aucun trafic avec nos chefs (Kapos), sous aucun prétexte. Je devais refuser de parler continuellement de nourriture, en particulier pendant les longues attentes du matin, avant de partir au travail. Ne parler que de nourriture, c’était admettre que son cerveau était dominé par la faim, ce que souhaitaient les SS.
Il m’a promis de me faire passer des nouvelles de la guerre qu’il se procurait via la résistance polonaise et m’a demandé de lui remettre les cigarettes que l’on nous distribuerait quelques fois : l’organisation s’en servait comme monnaie d’échange.
Organisation de la résistance dans le camp :
Comme dans le PC, nous étions organisés en « triangles » où il y avait un « chef » et deux membres dont chacun était chef d’un autre triangle. J’ai eu comme chef Sam Radzynski et connu Alfred Besserman qui m’avait identifié comme résistant et Corman (probablement Barschewski). Je les ai tous revus après la guerre en France ou en Pologne. Nous ne devions nous prêter à aucun trafic et ne parler à personne d’autre qu’aux membres de l’organisation qui nous donnaient des ordres : persuader les déportés de travailler le moins possible quitte à prendre des risques. En cas d’arrestation, nous ne devions rien dire ! J’ai recruté pour l’organisation au moins un autre résistant : Henri Schochet.
La Résistance à Auschwitz, Jean Louis Steinberg
Lors de l’évacuation du camp d’Auschwitz, une « Marche de la mort » jusqu’à Gleiwitz, puis un transport en train jusqu’à Dora, conduisent Jean Louis aux limites de l’épuisement.
Fin avril 1945, il est libéré par la 9e armée américaine. Il pèse 35 kg.
Jean-Louis Steinberg, revenu en avion, a atterri au Bourget. Il a été alors conduit « dans un grand restaurant de la Place des Ternes où un excellent repas pas trop lourd nous a été servi. À la fin du repas, nouveau voyage jusqu’à un gymnase du boulevard Brune où nous avons été soumis à un interrogatoire de sécurité. […] j’ai appris par la suite que toutes ces informations [ appartenance au PCF et la résistance en France, puis au camp] ont été consignées dans mon dossier de la Direction de la Sécurité du Territoire (DST) et elles ont été transmises à la CIA ( la DST américaine). […] Les formalités remplies, on nous a conduits à l’Hôtel Lutetia. »
De retour à Paris, il se marie avec Madeleine White ancienne internée du camp de Vittel. Sa résilience, la force de ses convictions, son appétit de vivre, lui ont permis de fonder une famille et de réussir une brillante carrière d’astrophysicien.
Station-de-Radioastronomie-de-Nançay :
http://www.obs-nancay.fr/1953-Nancay-is-selected.html
Hommage de ses collègues :
https://www.facebook.com/Station-de-Radioastronomie-de-Nan%C3%A7ay-176313649387181/?fref=nf
Jean-Louis Steinberg a témoigné pour que les jeunes générations sachent ce qui est arrivé, afin de leur faire comprendre comment des gens ordinaires ont pu en arriver à participer à ces crimes ; ceci, afin de les armer contre le retour d’un processus analogue.
STEINBERG Jean-Louis et PÉRIER Daniel, Des quatre, un seul est rentré : la destruction d’une famille en 1940-1945, Paris, Association des anciens élèves de l’École alsacienne, 2004.
Jean-Louis Steinberg, Des quatre, un seul est rentré : la destruction d’une famille en 1940-1945
Jean-Louis Steinberg, vidéo pour les élèves
9 Témoignages d’internés et de déportés juifs à voir ou à télécharger
DVD(6) : CNRD 2011-2012 Résister dans les camps nazis
Conférence et Passeports pour Vittel, film documentaire sur le camp de Vittel, de Joëlle Novic
Le convoi 76 du 30 juin 1944. Paroles de témoins et documents d’archives
Témoignage en classe, filmé par Claudette Wallerand, en 2005, au lycée François Ier de Fontainebleau :
https://www.youtube.com/watch?v=kVmSs-P4rdk&feature=youtu.be
22 janvier 2016