Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Libération des enfants cachés : un exemple dans le Sud seine-et-marnais

mardi 15 octobre 2013

A la Libération et avec la fin de la traque des juifs organisée par les nazis et le régime de Vichy (dont la Milice), les juifs ayant été cachés peuvent retrouver une vie « ordinaire ».
Ainsi Jeannette Dreyfuss, née Sztrumpfman en 1936, a quitté avec sa mère le château de Saint-Ange à Villecerf où le marquis et la marquise de Roys les avaient hébergées.

Libération des enfants cachés : un exemple dans le Sud seine-et-marnais par Martine Giboureau.

Libération des enfants cachés

Les faits : petite fille juive menacée, cachée, protégée

Le père de Jeannette, juif polonais arrivé en France en 1925, impliqué dans la Résistance dès sa démobilisation en 1940, sans doute prévenu d’une imminente arrestation massive de juifs en juillet 1942, décide de se séparer de sa femme et sa fille unique pour les protéger.

Jeannette, avant même le début des grandes vacances, est alors confiée à une nourrice puis à un couple âgé. A partir du mois d’octobre 1942, elle est inscrite à l’Institut Notre-Dame à Versailles sous le nom de Jeannette Jouriste, nom de sa tante maternelle. C’est sous ce nom qu’elle est baptisée le 15 avril 1943.

Pendant ce temps, dès juillet 1942, la mère de Jeannette est accueillie au château de Saint-Ange à Villecerf avec une nouvelle identité : Georgette Marchal. La mère de Jeannette est « officiellement » une gouvernante s’occupant des quatre enfants du couple de Roys, les propriétaires du château. Quand la mère de Jeannette exprime le désir d’avoir auprès d’elle sa fille, le marquis et sa femme donnent leur accord sans tenir compte du danger que pourraient représenter d’éventuels bavardages d’une très jeune enfant.

Le marquis de Roys (René Hubert Nicolas, 1898 – 1945) est un résistant de la première heure. C’est sans doute dans le cadre de cet engagement qu’il a connu le père de Jeannette. Les faux-papiers de la mère de Jeannette ont de toute évidence été fournis par le marquis car Marchal est le nom de jeune fille de la mère de de Roys.

Jeannette a subi une intervention chirurgicale le 6 mai 1943 et sa mère est venue la chercher à la clinique ; Jeannette arrive au château Saint-Ange le 10 mai 1943. La marquise de Roys, qui avait un diplôme d’infirmière, s’occupe de la jeune convalescente.

Une vie très protégée et entourée de respect et d’affection commence pour Jeannette. La petite fille et sa mère logent au château et non dans les communs avec le reste du personnel. Jeannette suit les cours de « Miselle » (« Mademoiselle »), la préceptrice des enfants de Roys.

Le 4 août 1944 (donc après le débarquement du 6 juin), le marquis de Roys est arrêté à son domicile, suite à une dénonciation, par des Allemands accompagnés de miliciens qui lui reprochent ses activités de résistant mais ignorent qu’il cache deux juives. Par précaution (peur d’une nouvelle dénonciation), Jeannette ne sort plus de la chambre.

Le 23 août les Américains arrivent à Villecerf, campent quelques jours dans le parc du château. Des collaborateurs, arrêtés par les résistants, sont enfermés dans les souterrains du château. La marquise intervient pour qu’ils soient jugés selon les règles légales.

Début septembre, Jeannette et sa mère reprenant leurs véritables identités, quittent Saint-Ange et retournent à Paris.

Le père de Jeannette avait été arrêté, assassiné par la Gestapo à Lyon en avril 1944. Le marquis est mort en déportation au camp d’Ellrich.

Reconnaissance officielle  :

- le résistant dirigeant d’un maquis est très tôt honoré
(pour plus d’informations :
http://www.amisdesaintange.fr/index.php?page=menu8&language=fr)

  • une salle des fêtes, à côté du terrain de sports, à Moret, porte depuis 1945 le nom de « salle marquis de Roys »
  • l’emplacement du Mémorial de la Résistance du canton de Moret a été choisi sur le lieux du parachutage assuré par le groupe de FFI commandé par le marquis de Roys. La stèle a été inaugurée le 27 août 1994

- L’attribution de la médaille de « Justes parmi les nations » est beaucoup plus tardive :

Jeannette a attendu 50 ans pour prendre à nouveau contact avec la famille de Roys. Ce délai a peut-être permis que le traumatisme soit moins violent. Pour beaucoup de victimes, l’immédiat après-guerre a été consacré à reconstruire sa vie, finir ses études pour les plus jeunes, trouver un travail et fonder une famille dans une sorte d’urgence qui enfouissait les souvenirs au plus profond de soi.

A partir de ces retrouvailles avec les enfants de Roys qui lui ont permis de préciser des faits, elle a pu monter un dossier à destination du Mémorial Yad Vashem de Jérusalem. Jeannette écrit à propos de ses bienfaiteurs :
« Ils ont pris des risques supplémentaires pour nous sauver, ma mère et moi, dans ces années sombres de l’occupation. Issus de la haute aristocratie, profondément croyants, ils n’ont pas hésité à nous placer sous leur protection, ajoutant à la noblesse de rang, la noblesse de cœur. »<br

Le 30 avril 2000, le Consul Général d’Israël à Paris, dans la salle des fêtes de Villecerf, a remis la médaille des Justes parmi les Nations et le diplôme correspondant à Roland de Roys, le fils et ayant droit de René, Lieutenant-Colonel, marquis de Roys et de Thérèse, marquise de Roys.

Martine Giboureau, 15 octobre 2013


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