Charles Mechally est né le 27 octobre 1927 à Saint-Fons, une commune industrielle située à 5 kilomètres au sud de Lyon. Le père de Charles, Hanania, était né en 1893 à Tanger et sa mère, Rachel Nabet, était née en 1898 à Constantine. Il semble qu’Hanania arrive en France en 1920 et Rachel en 1923, venant du Maroc. Ils s’installent à Saint-Fons où la communauté juive marocaine était particulièrement nombreuse. Peut-être y avaient-ils des connaissances ?
En 1927, ils ont un fils, Charles, qui naît le 22 octobre à Saint-Fons. Suivent trois filles, Suzanne, née le octobre 1929 et Marcelle, née en 1934 et Yvette née en 1936. Hanania travaille alors comme manœuvre, à Saint-Fons. Il est naturalisé le 11 juillet 1929 . La famille semble alors bien intégrée en France.
En 1943, un document de la société d’enseignement professionnel du Rhône nous indique que Charles est inscrit à l’école du vêtement, située au 33 rue Amédée Bonnet à Lyon, une école professionnelle créée en 1923 par des patrons et ouvriers tailleurs. Il y suit très régulièrement ses cours. La famille habite, à cette date, au 16, rue de la Juiverie, à Lyon, dans le cinquième arrondissement.
L’année suivante, Charles est arrêté par la Milice, lors d’une rafle qui a lieu à Lyon le 29 mai 1944, probablement lors de contrôles à l’extérieur de son domicile, puisque le reste de sa famille n’a pas été arrêté. Et Charles a dit à ses camarades de déportation, « J’ai été pris dans la rue ». La répression s’est intensifiée à Lyon au cours de l’année 1944, à la fois dans la population juive et dans les milieux de la Résistance. On ne sait pas si Charles était lié à ce moment à des mouvements ou réseaux de la Résistance ? Sa mère s’interrogeait à ce sujet.
Il est interné à la prison de Montluc, dans la baraque aux Juifs, où il fait la connaissance de Robert Wajcman, âgé de 13 ans, sensiblement son âge, déporté dans ce convoi et qui restera lié avec lui. Puis, ils sont emmenés au camp de Drancy où ils entrent le 21 juin. Son numéro matricule est le 24212. Il loge à Drancy avec la famille de Robert Wajcman. La fiche du carnet de fouille dit qu’il remet au chef de la police du camp la somme de 28 francs, puisque chaque interné devait remettre argent et objets de valeur à son arrivée au camp. Dix jours plus tard, le 30 juin, il est conduit à la gare de Bobigny avec 1153 internés destinés à être déportés vers le centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. C’est le 76ème convoi de déportés juifs parti de Drancy.
Le voyage qui dure quatre jours, par une chaleur torride, est particulièrement épuisant pour ces familles entassées dans des wagons à bestiaux plombés. Charles Méchally voyage dans le même wagon que Robert Wajcamn. La mère de Robert s’occupe d’eux. Le 4 juillet, le convoi entre à l’intérieur du camp de Birkenau sur la « rampe d’Auschwitz » où a lieu la sélection. Les travaux de Serge Klarsfeld ont permis d’apprendre que 223 femmes sur 495 et 398 hommes sur 654 sont déclarés « aptes » pour le travail. Ce sont généralement un vivier de travailleurs pour l’industrie de guerre. L’autre moitié du convoi, les malades et les enfants, dits « inaptes » au travail, sont gazés dès l’arrivée. Charles Mechally, jeune et probablement en bonne santé, entre au camp d’Auschwitz III situé à une dizaine de kilomètres d’Auschwitz près du village de Monowitz. Y était installée l’usine surnommée « Buna », d’IG Farben-Industrie destinée à fabriquer du caoutchouc synthétique. Il devient le déporté A-16762. Selon les témoignages de Robert Wajcman et de déportés de Lyon l’ayant connu, il a travaillé durement au début, probablement ans des travaux de terrassement, puis a été versé dans la Maurerschule, ou école des maçons, où on avait regroupé des jeunes sans spécialité professionnelle et où on leur donnait un semblant d’apprentissage, comment monter des murs. L’ambiance entre ces jeunes était parfois explosive, selon Robert Wajcman, mais l’avantage était qu’ils étaient à l’abri et ne fournissaient pas de gros efforts physiques.
Malgré tout malade, il est soigné par des médecins déportés à l’infirmerie du camp de Monowitz où il se retape, puis travaille dans un Kommando de tailleur, situé à l’intérieur. Il survit ainsi jusqu’au 18 janvier 1945. Il fait alors partie des 250 à 300 déportés du convoi 76 évacués du camp de Monovitz. Il effectue la première Marche de la mort, une marche de 60 kilomètres sur des routes enneigées , en plein hiver, jusqu’à la ville de Gleiwitz, un Kommando du camp d’Auschwitz. Le 20 ou le 21 janvier, 2451 déportés sont entassés dans des wagons à charbon que les hommes rentrés dénommaient « wagons découverts », car sans toit, donc ouverts à tous les vents, à la neige et au froid, sans recevoir de nourriture. Après six jours de transport, il arrive vivant, avec 100 hommes du convoi 76, le 26 janvier 1945, au camp de Buchenwald. Là, il semble qu’il soit affecté à un Kommando extérieur du camp de Buchenwald. Robert Wajcman l’a revu début avril au retour de ce Kommando, fatigué. Puis, au moment de l’évacuation du camp de Buchenwald, Il semble qu’il ait été emmené avec d’autres Juifs du camp, d’abord en train puis à pied vers le camp de Flossenbürg, en Bavière. Ainsi, le 14 avril 1945, ce sont 7000 détenus évacués de Buchenwald qui arrivent au camp de Flossenbürg où ils ne furent pas enregistrés et dont beaucoup moururent d’épuisement. Le cas probablement de Charles Mechally qui avait pourtant survécu à ces multiples marches.
Sa mère Rachel faisait des ménages à la Fédération des Déportés de la rue Verlet Hanus du troisième arrondissement de Lyon, dans le seul but de recueillir des informations sur le sort de son fils aîné. Elle a ainsi eu accès aux témoignages de ses compagnons qui ont évoqué ses blessures aux pieds, suite à ces marches. Sa date de décès retenue est celle du 15 avril 1945, à Flossenbürg, donc à la veille de la libération du camp.
Sources : DVCC AC21P341468- Mémorial de la Shoah- témoignages familiaux-Archives Arolsen
Chantal Dossin