Le prénom de Rifka Gurfein est également orthographié Rywka, en français Régine, prénom que nous utiliserons dans cette notice car c’est celui qu’utilisait sa famille. Elle est née le 10 décembre 1900 à Stary Sambor, en Galicie ; une région située entre la Pologne et l’Ukraine, et aujourd’hui ukrainienne. Elle fut, selon les époques autrichienne, polonaise, ukrainienne et russe ! Le père de Régine, Hersch Gurfein, était né en 1880 à Stary Sambor, alors située dans l’empire austro-hongrois. Il avait, selon sa famille, fait fortune dans le pétrole dont il possédait des puits. En effet cette région de Galicie était devenue le 3ème producteur mondial de pétrole en 1910, année où la production atteint son apogée. Ce qui explique l’intérêt des états voisins pour la région, notamment pendant les deux guerres mondiales.
Hersch Gurfein s’est marié avec Reisel Goldberg à Stary Sambor. Ils ont eu 5 enfants dont Régine. Alors fortunée, la famille s’est installée à Budapest dans la Hongrie voisine, pendant quelques années, puis, en 1920 ils quittent Budapest, fuyant probablement l’antisémitisme. Il semble qu’ils aient passé quelques années aux États-Unis où est née leur fille Rose, en février 1907, avant de s’installer Strasbourg. Ils habitent au 105, grand Rue, au centre de Strasbourg. Hersch y est naturalisé en 1929. Régine, quant à elle, quitte Strasbourg. Elle se marie le 21 décembre 1925, à Lunéville, avec Chaskel Wiener, né également en Galicie, à Strzyzow, dans les Carpates, au sud-est de la Pologne. Ils ont deux enfants, Marcel né le 18 octobre 1924, puis Gabrielle, née le 6 juillet 1929. A partir de 1929, ils vivent à Saint-Étienne au 16, rue Étienne Dolet.
Lorsque l’Allemagne annexe la région alsacienne en 1940, la famille doit quitter Strasbourg. Hersch et Reisel se réfugient à Marseille. Ils habitent au 20, rue Consolat. Hersch sera arrêté à la synagogue, en mars 1943, et déporté de Drancy à Auschwitz le 23 juin 1943 par le convoi 55, sans retour.
Régine , quant à elle, reste à Saint-Étienne, qui est occupée par les Allemands en juin 1940. Mais le 7 juillet, la Wehrmacht repart au-delà de la ligne de démarcation donc l’agglomération se trouve en zone dite libre sous l’autorité du gouvernement de Vichy.
Le 9 juin 1938, est indiqué sur le registre d’état-civil le divorce prononcé entre Régine Gurfein et Chaskel Wiener, Régine reprend alors son nom patronymique. Elle semble continuer à vivre avec ses deux enfants, à la même adresse à Saint-Étienne jusqu’à son arrestation, le 24 juin 1944. Son fils Marcel, alors âgé de 20 ans dit qu’il était en ville lorsque sa mère a été arrêtée, mais, qu’en rentrant chez lui, il a trouvé la Gestapo qui perquisitionnait dans l’appartement. Il a réussi à s’enfuir, dit-il, mais a été arrêté huit jours plus tard en gare de Saint-Étienne, alors qu’il s’apprêtait à prendre un train pour la ville du Puy. Régine Gurfein est immédiatement transférée au camp de Drancy où elle a le matricule 24468. La fiche de son carnet de fouille dit qu’elle remet au chef de la police du camp la somme de 420 francs, puisque chaque interné devait remettre argent et objets de valeur à son arrivée au camp. Une semaine plus tard, Le 30 juin, elle est conduite à la gare de Bobigny avec 1153 internés destinés à être déportés vers le centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. C’est le 76ème convoi de déportés juifs parti de Drancy.
Le voyage qui dure quatre jours, par une chaleur torride, est particulièrement épuisant pour ces familles entassées dans des wagons à bestiaux plombés. Le 4 juillet, le convoi entre à l’intérieur du camp de Birkenau sur la « rampe d’Auschwitz » où a lieu la sélection. Les travaux de Serge Klarsfeld ont permis d’apprendre que 223 femmes sur 495 et 398 hommes sur 654 sont déclarés « aptes » pour le travail . Ce sont généralement les plus jeunes. Le nombre de déportés désignés pour ce travail d’esclave, plus de la moitié, est beaucoup plus élevé que celui des transports précédents car les camps deviennent, en 1944, un vivier de travailleurs pour l’industrie de guerre. L’autre moitié du convoi, les malades et les enfants, dits « inaptes » au travail, sont gazés dès l’arrivée.
Régine Gurfein, encore relativement jeune, et probablement en bonne santé, entre au camp de femmes de Birkenau. Elle devient alors la déportée A- 8588. Elle survit, malgré les conditions de vie et de travail imposées à ces détenues, puis est transférée au camp de Ravensbrück, à une date inconnue. Un premier transfert de femmes de Birkenau au camp de Ravensbrück a lieu fin octobre début novembre. Puis, lors de l’évacuation du camp, le 18 janvier 1945, après une ou plusieurs marches de la mort, des femmes sont également emmenées au camp de Ravensbrück. De là, évacuation encore dans un camp annexe de Ravensbrück, le camp de Malchow, où elles seront libérées par l’Armée Rouge le 1er mai 1945. Régine Gurfein, probablement affaiblie par ces évacuations successives, ne sera rapatriée que le 14 juin 1945.
Régine Gurfein est revenue à Saint-Étienne, où elle a vécu, probablement entourée de son fils Marcel et de ses petits-enfants, qui vivaient également à Saint-Étienne. Elle est décédée le 20 avril 1996 à l’âge de 95 ans à Paris 16ème où vivait sa fille Gabrielle. Belle revanche sur la vie !
Marcel est décédé le 20 octobre 2011, à l’âge de 87 ans, à Saint-Étienne.
Gabrielle est décédée le 12 janvier 2017, à l’âge de 88 ans, à Boulogne-Billancourt.
(Malthoz, mal orthographié, désigne le camp de Malchow, camp annexe de Ravensbrück)
Source : dossier archives 21P 622440
DAVCC AC21P622440 et 460562- Mémorial de la Shoah- Témoignages familiaux.
Chantal Dossin