Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

À l’écoute d’une enfant de déporté (Albert André, résistant)

par Martine Giboureau
dimanche 20 janvier 2019

À l’écoute d’une enfant de déporté : quelques pistes de travail à l’intention des élèves et leurs enseignants ; exemple de la rencontre du 12 décembre 2018 avec Annick André, fille d’Albert André, résistant, déporté.

Cet article fait suite à l’article « À l’écoute des enfants de déportés »
Annick André avait lu cet article avant notre entretien et semblait croire que son récit ne correspondrait en rien à ceux évoqués dans le texte. Pourtant, et cela est un élément essentiel, Annick André comme tous les autres enfants de déporté, peut « œuvrer pour que l’histoire des victimes de la déportation et les promesses des survivants faites aux morts dans les camps perdurent au-delà des décennies et restent une référence historique, civique, philosophique essentielle ».

Écouter Annick André

Écouter Annick André qui avait choisi de faire un exposé « spontané » a mis en évidence diverses précautions à prendre avec des élèves.

  • 1. L’émotion doit être gérée :
    Il s’agit de l’émotion de la personne reçue et de celle des élèves. Annick André a dû à plusieurs reprises s’interrompre, a eu la voix qui s’est brisée, les yeux qui se sont embués. Les élèves doivent être prévenus de cela pour garder un comportement respectueux et ne pas être eux-mêmes submergés par l’empathie. Toutefois si un.e élève éprouve le besoin de sortir de la salle, il faut être vigilant et l’accompagner. Comme cela est dit dans l’article À l’écoute des enfants de déportés « tous les enseignants constatent qu’une rencontre avec un intervenant ne faisant pas partie du système scolaire génère plus d’émotions, motive de façon plus efficace les jeunes, permet une implication personnelle et donc une mémorisation plus importantes de la part des élèves, du CM2 à la Terminale ». Cette émotion est donc un élément-clé de la rencontre : c’est ainsi que le élèves perçoivent qu’il ne s’agit pas d’une histoire livresque, d’un épisode aussi « banal » que d’autres cours sur les guerres du passé plus lointain.
    Pour les élèves, les plus jeunes tout particulièrement, après la rencontre, il est indispensable de faire exprimer leur ressenti sous la forme de leur choix (dessin, texte, poème …).

  • 2. Pour pouvoir en une heure ou deux permettre un entretien riche, il est nécessaire de donner des précisions biographiques aux élèves avant la rencontre. Cela peut être présenté sous la forme d’un tableau, complété par les élèves à l’issue de la séance avec l’invité.e. Voici les intitulés possibles pour notre intervenante :
Cadre chronologique général Dates-clés concernant Albert André, le père d’Annick Dates-clés concernant Annick André

Ces dates sont précisées en annexe. Les notions évoquées doivent être explicitées pour les élèves qui ne peuvent pas savoir ce que furent par exemple les ‘’écoles normales’’, un ‘’poste double’’ ou qui ne maîtrisent pas la géographie de la Haute-Savoie (https://www.geoportail.gouv.fr/carte) !

  • 3. Les élèves doivent après l’entretien passer de la découverte d’une expérience unique, celle de l’intervenant, à une compréhension plus large de la déportation. La rencontre avec Annick André permet d’aborder les points suivants :

- a) La guerre, l’occupation et les formes de résistance

- Réquisition des automobiles : la Renault des parents d’Annick a été réquisitionnée dès septembre 1939 … et jamais restituée !

- Organisation du maquis de la Montagne des Princes où Albert André et le docteur Déplante ont joué un rôle important : il s’agissait de cacher des réfractaires au STO. Une trentaine de personnes ont été concernées. Mais les résistants de ce maquis ont été dénoncés par un Alsacien jouant double-jeu. Les chasseurs alpins italiens ont arrêté les réfractaires [1] qui ont été jugés à Breil-sur-Roya et envoyés en prison en Italie jusqu’à ce qu’ils soient libérés par des maquisards italiens. Certains sont alors rentrés chez eux. D’autres ont repris leurs ‘’activités’’ de résistants. Le docteur Déplante, recherché, avait pu s’enfuir déguisé en bonne sœur et est parti en Normandie (cf note n°15). Albert André a dormi plusieurs nuits loin de chez lui. L’armée secrète de Rumilly est alors décapitée : Albert André prend en conséquence contact avec les FTP.

- Lors de l’existence du maquis de la Montagne des Princes, puis, plus tard celui du Clergeon, les réfractaires au STO, mais aussi à plusieurs reprises des juifs hollandais, arrivaient à la gare de Rumilly, passaient par Lornay. Ils dormaient à l’école où les parents d’Annick avaient leur logement de fonction ; la mère d’Annick les nourrissait. Albert André les emmenait ensuite à pied au maquis ; les juifs étaient emmenés auprès d’un autre groupe de résistance. Le père d’Annick, profitant du fait qu’il était aussi comptable d’une fruitière, assurait le ravitaillement de ce maquis avec l’aide en particulier d’un boucher de Seyssel (qui a été fusillé avec son fils et dont la femme et la fille ont été déportées et ne sont pas revenues).

Le père d’Annick s’occupait aussi localement de sabotages, récupération d’armes, réception de parachutage. Étant secrétaire de mairie, il avait l’opportunité de faire des faux-papiers. Il devait aussi, du fait de cette fonction, distribuer les tickets d’alimentation. Un soir, il a été contraint de remettre tous les tickets du mois, reçus la veille, à un groupe d’hommes cagoulés, armés (sans doute des maquisards) !

Albert André était un « résistant sédentaire » c’est-à-dire qu’il menait de jour ses activités familiales et professionnelles (et appliquait scrupuleusement les consignes de Vichy en tant qu’instituteur [2] pour ne pas se faire repérer) et de nuit ses actions dans la résistance.

- b) La répression et les camps

Dans le village montagneux de Sainte Eustache (en Haute-Savoie, à 14 km d’Annecy, où le père d’Annick a enseigné), à la Noël 1943, trois Allemands sont allés chercher du ravitaillement. Trois résistants étrangers à la commune, surpris dans le moulin, les ont tués. En représailles, vingt-six villageois ont été arrêtés, envoyés dans une des douze prisons d’Annecy, puis à Compiègne, Flossenbürg, Buchenwald, Mauthausen. Seuls, huit sont revenus. En 1945, il y avait trente-trois orphelins pupilles de la Nation dans ce village comptant moins de trois cents habitants. Saint-Eustache est l’un des deux villages-martyrs de Haute-Savoie.

En janvier 1944, avec la constitution du maquis des Glières, la Haute-Savoie est en état de siège. Ce département est reconnu par les Anglais comme un des trois hauts lieux de la résistance européenne, avec la Grèce et la Yougoslavie. Le 8 mai 1944, sur dénonciation, le père d’Annick est arrêté. A 9 h du matin trente miliciens ont cerné le village (ils avaient déjà arrêté deux ou trois personnes à Rumilly ; Albert avait été prévenu dès 8h30 d’une possible descente de la Milice mais avait refusé de partir [3] ). Les miliciens entrent dans la classe d’Albert, lui bandent les yeux (car leur chef, originaire de Saint Jorioz, est un de ses anciens copains d’école primaire supérieure). Ils font monter Albert à l’étage où se trouve l’appartement. On le torture. Il y a des hurlements. Albert est emmené les mains sur la tête tandis que les miliciens lancent à Annick, bébé dans son lit, « Regarde-le bien, tu ne le verras plus ! ».

Albert est envoyé à Annecy au siège de la Milice (La Commanderie des Marquisats), puis à Lyon (Saint Paul) [4]. Le 29 juin1944 il est remis avec 719 autres détenus aux autorités allemandes. Par la gare de Lyon Perrache, dans un train de voyageurs, il est envoyé directement à Dachau [5] où il subit la « quarantaine ». Le 25 juillet, il est transféré dans un Kommando (sous-camp) de Flossenbürg ( Bavière), à Leitmeritz dans les Sudètes où il a trouvé la mort le 29 décembre 1944. 50% des déportés du convoi Lyon-Dachau ne sont pas revenus en 1945.

- c) La reconnaissance après guerre, les hommages, médailles à titre posthume, la mémoire de la déportation

27 septembre 1946 : notification de l’homologation de « ANDRE Albert Jean » mort pour la France, dans le grade de capitaine à titre FFI
6 février 1950 : certificat d’appartenance aux Forces Françaises de l’Intérieur (s/secteur n°1 FTPF Savoie du 22 août 1943 au 9 mai 1944)
17 février 1954 : carte de Déporté Résistant (interné du 8 mai 1944 au 28 juin 1944, déporté du 29 juin 1944 au 13 janvier 1945 - voir ci-dessous pour la date de décès)
31 mai 1954 : carte de Combattant Volontaire de la Résistance
15 janvier 1955 : décret d’attribution de la médaille de la Résistance Française
26 juin 1956 : décret (publié au JO du 3 juillet 1956) portant nomination dans l’Ordre National de la Légion d’Honneur au grade de chevalier et comportant l’attribution de la croix de guerre avec palme (« magnifique patriote, membre des forces françaises de l’intérieur. Arrêté pour faits de résistance le 8 mai 1944 a été interné jusqu’au 28 juin 1944 puis déporté le 29 juin 1944 dans un camp de concentration où il est mort glorieusement pour la France le 13 janvier 1945. »)

Les plaques commémoratives : . une plaque a été inaugurée sur l’école de Lornay le 2 décembre 1945. L’école de Lornay est fermée depuis, transformée en HLM. La plaque posée en 1945 avait disparu ; elle a été réparée et installée sur la mairie. . une plaque a été inaugurée dans la salle des fêtes de l’Ecole Normale d’Instituteurs de Bonneville le 16 novembre 1947 ; de même une plaque a été installée à l’ancienne école primaire supérieure d’Annecy. Ce sont deux établissements où Albert André a été élève. . un monument fut inauguré le 18 avril 1948 à Gex dans l’Ain à la mémoire des morts pour la France du 179ème Bataillon alpin de Forteresse dont Albert André a fait partie du 24 août 1939 au 25 juillet 1940. . inauguration de l’école Albert-André à Rumilly le 17 juin 1973. Une autre école est au nom de Léon-Bailly qui fut tué par la milice. Depuis les deux écoles sont réunies sous le nom d’école Albert-André-Léon-Bailly (http://www.ac-grenoble.fr/ecole/74/albert-andre-leon-bailly.rumilly/).
. cérémonie à Annecy lors de la célébration de l’anniversaire de la Libération le 19 août 2011 : le maire, Jean-Luc Rigaut, dans un court discours explique le rôle d’Annick afin que le nom d’Albert André soit ajouté à la plaque consacrée aux Annéciens morts pour la France installée dans le hall de l’hôtel de ville. D’autres noms ont ensuite été ajoutés sur cette même plaque.

Le concours national de la résistance et de la déportation :
en 2006 [6] deux élèves du collège Le Clergeon à Rumilly ont choisi de traiter le thème suivant : « Deux instituteurs du monde rural morts pour la liberté : Albert André et Léon Bailly »

Des thèmes communs

Durant nos trois heures d’entretien (temps évidemment beaucoup trop long pour des élèves, même des lycéens), des thèmes indiqués dans l’article « Àl’écoute des enfants de déportés » ont été confirmés.

Annick s’est toujours sentie inquiète, angoissée, surtout quand elle était couchée et pouvait subir de véritables crises de panique si elle se sentait abandonnée (comme lorsque sa mère et sa tante partent alors qu’elle est couchée – elle avait 5-6 ans et s’est mise à hurler à la fenêtre, ameutant tous les voisins).
Elle avait dès l’enfance des problèmes qualifiés d’angoisses nerveuses. Son frère, Maurice, a longtemps souffert de tics nerveux. Annick a rappelé qu’à cette époque on ne pouvait bénéficier d’aucune psychothérapie.
Annick a été anorexique vers 14-15 ans et ce pendant 40 ans ! Elle a suivi une psychothérapie après le décès de sa mère en 1981 pendant laquelle, pour la première fois de sa vie, elle a commencé à rêver … de son père !

  • 2. Une jeunesse dans le déni. Pour Annick comme pour nos autres interlocuteurs, « le silence conduit à des situations incompréhensibles et douloureuses pour les enfants »
    À l’écoute des enfants de déportés

À l’annonce dans l’été 1945 du décès d’Albert, la Maman d’Annick n’a prononcé qu’une seule phrase : « vous n’avez plus de Papa ». Annick n’a pas entendu ou n’a pas compris. La mère d’Annick a demandé sa mutation, quitté Lornay pour s’installer à Rumilly. Elle a porté le deuil jusqu’en 1957 et a longtemps interdit à Annick de porter des couleurs vives.

La mère d’Annick a interdit a quiconque de la famille de parler de la guerre, de la résistance, de son mari. Elle n’a pas exalté la figure héroïque de son mari « mort pour la France ». Toutefois elle a rempli un certain nombre de dossiers, adhéré à la FNDIRP sans jamais s’impliquer, s’occupait chaque année de lavente des « bleuets », avait des contacts avec des épouses de résistants ou veuves de déportés. Mais tout cela sans parler de quoi que ce soit à ses enfants, sauf à son fils aîné, âgé de 8 ans en 1945, à qui elle a pu confier des responsabilités d’adulte.

À 9 ans, Annick découvre chez une institutrice honoraire qui les recevait régulièrement, un livre sur les camps de concentration, et ouvre une page présentant la photo d’un four crématoire. Sans rien savoir, elle se sent concernée mais a aussi le sentiment d’enfreindre un tabou : elle se sent coupable ! À la même époque, la mère d’Annick reçoit la visite d’un déporté. Au bout de dix minutes, elle envoie Annick jouer dans la cour de l’école. Annick va s’enfermer dans les toilettes de l’école pour pleurer.

À l’entrée en sixième d’Annick, sa mère lui demande d’indiquer sur les fiches de début d’année, pour la profession du père, « mort en déportation » sans lui expliquer ce qu’était la déportation …

Alors qu’elle était adolescente, chez son grand-père paternel, elle veut aller danser aux ‘’Marquisats’’, devenus une maison des jeunes. Son grand-père tente, en vain, de le lui interdire, sans lui donner la vraie raison, à savoir que cet endroit avait été le lieu d’internement et de torture de son père. Ce n’est que des années plus tard qu’Annick a appris ce qu’avaient été les Marquisats pendant la guerre et que, rétrospectivement, elle a développé un sentiment de culpabilité.

Il n’y avait pas de photos de son père chez sa mère. Chez ses grands-parents maternels, il y avait la ‘’dernière photo’’ qui date de Pâques 1944 et montre le père d’Annick accroupi sur un bord de chemin, enlaçant sa fille. À droite et à gauche sont ses frères.

  • 3. Le besoin de savoir. Pour Annick, comme pour nos autres intervenants, « c’est en effet souvent une fois devenus ‘’grands adultes’’, voire une fois à la retraite, que les enfants de déportés ont écouté leur parent témoigner, ont fait le voyage dans les camps ou participent aux activités des associations, amicales, fondations : Mémorial de la Shoah, AUJF, AFMD, UDA … C’est d’ailleurs par cet intermédiaire que les professeurs peuvent trouver des personnes acceptant de venir dans leurs classes ».
    À l’écoute des enfants de déportés

Annick a fait un rêve très puissant en 1982 : une lettre de son père arrive de Tchécoslovaquie, longtemps après la guerre, avec de nombreuses photos en couleurs témoignant de sa nouvelle vie. Dans son rêve son père était donc vivant. Il est en effet essentiel de préciser que le mot « mort » n’avait jamais été prononcé ; on disait sans doute « il est parti ». Il n’y a pas de tombe. La mort était donc quelque chose d’abstrait pour la jeune Annick. Ce rêve réveille le souvenir d’une lettre qu’elle se rappelle avoir vue et qu’elle retrouve dans les nombreux cartons laissés par sa mère : c’est l’unique lettre de son père datée du 1er octobre 1944, écrite en allemand, envoyée au père d’un agriculteur de Lornay qui l’avait remise à la mère d’Annick. Le père d’Annick, donnait de ses nouvelles et demandait à sa femme de lui envoyer des colis contenant des chaussettes, du miel, des biscottes etc.

C’est en 2004 qu’Annick prend contact avec l’AFMD et commence ses recherches à Caen, Vincennes, aux archives de Haute-Savoie, à Theresienstadt/Terezin, Leitmeritz/Litomerice où elle est allée plusieurs fois à partir de 2005. Elle est seule pour rechercher dans la banlieue de Litomerice les traces du camp, l’entrée des tunnels sous la colline de Bidnice. Elle découvre entre autres que le crématoire n’existait pas encore à Leitmeritz au moment du décès de son père, que les morts étaient alors transportés en charrette à Theresienstadt, où ils étaient incinérés. Elle apprend également que son père est décédé le 29 décembre 1944 et non le 13 janvier 1945 comme cela leur fut annoncé en août 1945.

En 2004, lors de la « fête de la liberté » préparée par les élèves des écoles Albert-André et Léon-Bailly de Rumilly pour célébrer le soixantième anniversaire de la Libération, Annick rencontre de nombreux anciens élèves de Lornay qui lui racontent l’arrestation de son père. Une jeune institutrice lui conseille alors de lire les livres de Michel Germain, très riches en informations. A son tour, Annick nous recommande en fin d’entretien la lecture de ces livres de Michel Germain : Mémorial de la déportation. Haute-Savoie 1940-1945, La Fontaine de Siloe, 1999, et une quadrilogie sur la Haute-Savoie pendant la guerre.

Dans un de ses ouvrages, Michel Germain remarque que le nom d’Albert André n’est gravé sur aucun monument aux morts de la Haute-Savoie. Annick intervient alors auprès du maire d’Annecy afin que le nom de son père apparaisse sur la plaque de marbre du hall de l’hôtel de ville (voir ci-dessus le paragraphe consacré aux plaques commémoratives).

En conclusion, comme pour tous nos interlocuteurs, « l’enseignant ne doit pas laisser les élèves avec cette seule parole, et tout en sauvegardant l’absolue confiance dans la personne qui est intervenue, l’enseignant doit amener ses élèves à élargir leurs connaissances, à confronter diverses sources pour construire un savoir personnel structuré, riche et complexe … »
À l’écoute des enfants de déportés

Annexes 

  • 1. Les dates-clés concernant le père [7] d’Annick André

. Albert André, le père d’Annick, est né le 9 janvier 1913. La famille André est installée à Annecy depuis le XVIIème siècle. Albert est passé par l’École Normale d’instituteurs et a obtenu son premier poste de maître d’école en octobre 1932 à Saint Eustache en Haute-Savoie. Il y est aussi secrétaire de mairie.
. Albert fait son service militaire dans les chasseurs alpins à Annecy au printemps 1934.
. Il reprend son travail en fin d’année scolaire 1934-1935, puis est nommé à la rentrée 1935 à Saint-André-Val-de-Fier.
. Il se marie en septembre 1936. La mère d’Annick, née en janvier 1911, est aussi institutrice. Ils obtiennent un poste double à Lornay.
. Albert est « rappelé à l’activité » le 24 août 1939 (selon les indications de son livret militaire) dans un « bataillon alpin de forteresse », dont la mission était d’interdire aux Allemands toute progression leur permettant une jonction avec les Italiens [8]. Le 3 juillet 1940 il n’est pas fait prisonnier des Allemands suite à la fin des combats car il passe de l’autre côté du Rhône avec Pierre Lamy et quelques autres.
. Albert intègre en octobre 1942 la première « sizaine » de l’Armée secrète de Rumilly puis, suite à l’instauration du STO, met en place le maquis « de la Montagne des Princes » avec cinq autres personnes dont le docteur Déplante [9].
. Suite à l’arrestation de tous les membres de ce maquis par les soldats italiens, Albert contacte les FTPF dont il devient immédiatement un agent recruteur et participe à un deuxième maquis, celui du Clergeon (ou du Mont Clergeon), toujours chargé d’aider les réfractaires envoyés d’Annecy par Pierre Lamy ou de Lyon par d’autres filières.
. Début 1944, Albert est adjoint du chef d’une compagnie de 150 hommes.
. Albert est arrêté dans sa classe le 8 mai 1944, déporté à Dachau. Il décède le 29 décembre 1944 au Kommando de Leitmeritz [10].

  • 2. Les dates-clés concernant Annick André

. Annick est née le 25 octobre 1942. Elle est la troisième enfant après Pierre né en octobre 1937 et Maurice né en décembre 1939.
. Son grand-père paternel était ébéniste, sa grand-mère paternelle, lavandière-repasseuse, son grand-père maternel était gendarme, sa grand-mère maternelle était couturière.
. Officiellement elle est inscrite sous le prénom de Danièle car son père étant absent au moment de sa naissance, ce sont des religieuses de l’hôpital de Rumilly qui l’ont déclarée à l’état-civil ; or, pour elles, il n’existait pas de Sainte Annick !
. Le jour de l’arrestation de son père, Annick dormait dans son berceau dans la cuisine (elle avait un an et demi). Ses frères étaient à La Tour du Pin, chez leurs grands-parents maternels.
. Annick a pris sa retraite en 2002
. Début juin 2004, Annick prend contact avec l’AFMD de façon apparemment fortuite : les locaux étaient à trois minutes de chez elle sans qu’elle ait jusqu’à lors remarqué le nom de l’association.
. C’est aussi en juin 2004 qu’Annick est invitée à la célébration du soixantième anniversaire de la Libération aux écoles « Albert-André et Léon-Bailly » de Rumilly.
. Ces deux événements amènent Annick à entreprendre des recherches tous azimuts, ce qui représente un changement radical dans son existence. Elle est ainsi amenée à enfreindre la loi du silence établie par sa mère et à parler avec ses frères de leur père.
Elle peut dorénavant leur transmettre, ainsi qu’à nous, le fruit de ses recherches et fournir le très précis apport historique documenté dont cet article rend compte.

Martine Giboureau janvier 2019

La Résistance au plateau des Glières

GERMAIN Michel, Histoire de la Résistance en Haute-Savoie - Le sang de la barbarie - Chronique de la Haute-Savoie au temps de l’occupation allemande - Septembre 1943 - 26 mars 1944, éd. La Fontaine de Siloé, Ferme du Vorchet, Les Marches (Savoie), 1992.
GERMAIN Michel, Glières, mars 1944 - « Vivre libre ou mourir ! » - L’épopée héroïque et sublime, éd. La Fontaine de Siloé, Ferme du Vorchet, Les Marches (Savoie), 1994 (5e réédition préfacée par Max Gallo).
GERMAIN Michel, Histoire de la Milice et des forces du maintien de l’ordre en Haute-Savoie 1940 - 1945, éd. La Fontaine de Siloé, Ferme du Vorchet, Les Marches (Savoie), 1998 (préface de Jacques Delperrié de Bayac).
CRÉMIEUX-BRILHAC Jean-Louis, La France libre - De l’appel du 18 juin à la Libération, éd. Gallimard, Paris, 1996.
BARBIER Claude, Le maquis de Glières. Mythe et réalité, Librairie Académique Perrin, 2014, 466 p.

Rassemblement au plateau des Glières : les 17, 18, 19 mai 2019
http://www.citoyens-resistants.fr/

[1Le Maquis de la Montagne des Princes n’existe alors plus. Les fermes ont été incendiées.

[2Toutefois, Albert n’a pas renvoyé le certificat de non-appartenance à la franc-maçonnerie (retrouvé dans les archives familiales). Il n’a pas non plus signalé la présence de deux petites filles juives réfugiées, scolarisées dans la classe de son épouse.

[3Albert envisageait de partir après le certificat d’études. En outre, il pensait pouvoir s’enfuir, en cas de danger, en sautant du balcon de la cuisine, située au premier étage

[6Sujet du CNRD en 2006 : « Résistance et monde rural. Ce thème peut être l’occasion de réfléchir sur la résistance du monde rural, les rapports entre la résistance urbaine et le monde rural, la relation des résistances avec l’espace rural. Les recherches des élèves pourront porter, entre autres, sur les aspects de la Résistance – par exemple les maquis, les refuges, le camouflage des réfractaires et des persécutés – qui témoignent du rôle décisif joué par la population des campagnes dans la lutte contre l’occupant. »

[7Sur la carte d’identité datée du 2 janvier 1942, le ‘’signalement’’ indiquait : « taille : 1m70 ; cheveux bruns ; bouche moyenne ; yeux marrons ; visage ovale ; teint clair ; signes particuliers : fossette au menton »

[8La bataille des Alpes en empêchant la jonction des troupes allemandes et italiennes a permis de maintenir les départements alpins en zone libre jusqu’en novembre 1942

[9https://www.ledauphine.com/insolite/2013/06/05/un-medecin-rumillien-a-peint-l-unique-tableau-sur-le-debarquement + les deux dernières pages de l’album de photographies (1940-1945) du Docteur Déplante mis en ligne http://issuu.com/bechet/docs/gabriel,