Famille ARDITTI
Esther est la seule survivante d’une famille de cinq
Albert Arditti et Esther Houly étaient nés à Smyrne en Turquie, Albert, le 11 mars 1884, Esther le 15 février 1895. Ils ont eu trois enfants, tous nés à Smyrne, Régine, Jacques et Rachel, âgés en 1944 de 27, 23 et 22 ans. Albert Arditti était marchand de tissu en gros. Lui et ses trois enfants avaient été naturalisés le 11septembre 1930. Ils habitaient au 98, rue du Cherche-midi à Paris dans le 6ème arrondissement. Mais en 1943, selon le document de la Préfecture de l’Isère du 7 décembre 1951, la famille quitte Paris et se réfugie dans l’Isère, à Seyssins, une commune située près du massif du Vercors, à environ 6 kilomètres de Grenoble. Ils devaient penser être plus en sécurité dans cette zone d’occupation italienne et à proximité des maquis. Mais en septembre 1943, les Allemands occupent cette région dès lors passée sous contrôle allemand.
La préfecture de l’Isère atteste qu’ils ont tous été arrêtés les 24 et 25 mai 1944. Vers 15h Jacques Arditti est arrêté par les Allemands dans les bureaux de la mairie de Seyssins où il s’était rendu pour retirer ses pièces d’identité. Quelques instants plus tard, ses parents sont arrêtés à leur domicile. Ses sœurs furent, à leur tour arrêtées, le même jour, à leur descente du tramway, cours Lafontaine, à Grenoble. Ils ont tous été internés à la prison de Grenoble.
Esther, seule survivante de cette famille, dit qu’ils furent arrêtés parce que Juifs et parce que Jacques était en liaison avec le maquis du Vercors . Une semaine plus tard, ils sont transférés au camp de Drancy où ils entrent le 3 juin 1944 avec une vingtaine de personnes arrêtées dans le département de l’Isère. Ils restent donc tout le mois à Drancy où ils retrouvent plusieurs membres de leur famille, également arrêtés, Jacqueline Houly et sa sœur, Moïse Benyacar et sa famille, Maurice Bensignor et ses deux filles, et Henri Schochet ! Au total ce sont vingt personnes de cette grande famille d’origine turque qui seront déportées à Auschwitz. La fiche du carnet de fouille d’Albert Arditti dit qu’il remit au chef de la police du camp la somme de 126 480 francs, ainsi qu’une montre et une bague en or, puisque chaque interné devait remettre argent et objets de valeur à son arrivée à Drancy.
Le 30 juin, ils sont conduits à la gare de Bobigny avec 1153 internés destinés à être déportés vers le centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. C’est le 76ème convoi de déportés juifs parti de Drancy. La famille Arditti fait probablement le trajet dans le même wagon, comme cela se passait quand il s’agissait de membres d’une même famille .Le voyage qui a duré quatre jours est particulièrement insupportable du fait de la chaleur de l’été. Le 4 juillet, le convoi entre à l’intérieur du camp de Birkenau sur la « rampe d’Auschwitz » où a lieu la sélection. Selon les travaux de Serge Klarsfeld, 223 femmes sur 495 et 398 hommes sur 654 sont déclarés « aptes » pour le travail, généralement les plus jeunes. Le nombre de déportés choisis pour ce travail d’esclave, plus de la moitié, est beaucoup plus élevé que celui des transports précédents car Les camps deviennent, en 1944, un vivier de travailleurs pour l’industrie de guerre. L’autre moitié du convoi, les malades et les enfants, dits « inaptes » au travail, sont gazés dès l’arrivée.
Albert et Jacques entrent au camp d’Auschwitz III situé à une dizaine de kilomètres d’Auschwitz près du village de Monowitz. Y était installée l’usine surnommée « Buna », d’IG Farben-Industrie destinée à fabriquer du caoutchouc synthétique. Albert devient le déporté A-16547 et Jacques probablement le A-16548.
Esther, Régine et Rachel entrent au camp de femmes de Birkenau où elles reçoivent les numéros matricules A-8510, A-8511 et A-8512. Le 18 Octobre, elles figurent dans le rapport du bloc 22 du camp de femmes de Birkenau .Elles sont donc encore vivantes à cette date.
Par contre, Albert est mort d’épuisement le 30 novembre 1944 à l’infirmerie du camp de Monowitz , selon le témoignage de Max Colomstok, déporté dans ce même convoi.
Lors de l’évacuation du camp, Esther, probablement trop affaiblie pour partir, reste au camp. Elle s’y trouvait encore en mars 1945, lors de la visite du médecin Sellers qui recense les malades encore présents au camp. Elle ne s’y trouvait plus au mois de juin. Elle a donc dû être rapatriée au mois d’avril ou de mai 1945.
Quant à ses trois enfants, ils sont décédés lors de ces évacuations.
Jacques est mort le 26 janvier 1945. à l’arrivée à Buchenwald du convoi qui transportait plus de 4000 hommes évacués d’Auschwitz, dans des conditions effroyables. Soutenu par son cousin, Moïse Benyacar, il meurt d’épuisement, en descendant du train.
Comme beaucoup de femmes, Régine et Rachel ont été évacuées au camp de Bergen-Belsen. Un télégramme envoyé par le préfet de l’Isère au Ministère des Rapatriés indiquait que Régine et Rachel étaient vivantes le 29 avril 1945 et ont donné de leurs nouvelles par la TSF le 29 avril au soir. Par ailleurs, une rapatriée, Esther Coune, déportée dans ce convoi et qui fut internée dans la baraque 22 avec Esther, Régine et Rachel Arditti, dit qu’elles décédèrent du typhus à Bergen-Belsen, où elle-même avait été évacuée.
Les témoignages et les documents d’archives ont permis de reconstituer le parcours de cette famille dont Esther est la seule survivante.
Extrait du Blochbuch de la baraque 22 du camp de femmes de Birkenau ( D-AuII-3/1,nr157428)
DAVCC 21P 418832-418842-418841-418837- Mémorial de la Shoah-Musée d’Auschwitz D-A II-3/1
Chantal Dossin