Famille Kadenski, Rivka , 35 ans, et Marcel, son fils, 11 ans
Rivka, appelée aussi Raymonde, née Rochman, le 19 août 1908, à Varsovie, était mariée avec Jankiel ou Jacques Kadenski, né le 10 août 1910 à Brest-Litovsk, en Russie. Elle a donc la nationalité polonaise et lui est noté apatride. On ne connaît pas la date de leur arrivée en France, mais on sait qu’ils sont à Paris en 1932, date à laquelle naît leur fils, Marcel, le 24 août. Ils habitent dans le 11ème arrondissement, 11 rue Crespin du Gast, une petite artère entre la rue Oberkampf et la rue de la République où habite également la famille Osman que l’on retrouvera réfugiée, comme eux, à Saint-Laurent-de-Neste. Raymonde est dite couturière et Jacques tricoteur. Cet artisanat, lié à la confection de vêtements, est fréquent dans les milieux juifs parisiens.
La famille quitte Paris pour le village de Saint-Laurent-de-Neste à une date inconnue. Mais la plupart des Juifs réfugiés dans cette commune arrivent au cours de l’année 1942, parfois dès avant la rafle du Vél’ d-Hiv’. De plus, la sœur de Raymonde Rochman, Hélène, s’était réfugiée également dans cette commune, semble-t-il, dès 1941. Ce village était situé à 45 km de la ville de Tarbes, à proximité des Pyrénées. Le passage de la frontière vers l’Espagne, à travers les Pyrénées, y était difficile dans ce secteur, mais possible. Par ailleurs une famille d’agriculteurs de la commune, la famille Marmouget, avait hébergé clandestinement plusieurs de ces familles. Pour l’aide offerte à ces familles persécutées, les Marmouget seront honorés du titre de Justes de France en 1992. Face à des menaces de rafles grandissantes dans la région, la plupart des hommes de ces familles sont déjà partis pour l’Espagne, en mars 1944 avec des passeurs. Comme tout s’est bien passé pour eux, ils demandent à leurs familles de les rejoindre par la même filière avec les mêmes passeurs.
Ainsi, à la tombée de la nuit, le 2 juin 1944, Rivka, Jacques et leur fils Marcel avec 18 personnes dont 8 enfants et adolescents de 8 à 16 ans, pour la plupart nés en France, tentent ce périple extrêmement risqué. Durant la journée suivante, le groupe de candidats à l’évasion se cache dans une grange et ne reprend sa marche qu’à la nuit tombée du 3 juin 1944. Trahis par leur passeur, ils sont interpellés vers 2h du matin par des douaniers allemands à Chaum en Haute-Garonne près de Saint-Béat, dans une prairie bordant la voie ferrée Luchon-Montréjeau. Jacques Kadenski est tué devant sa femme et son fils par les balles allemandes qui fusent de toutes parts pendant près de 30 minutes.
Photographie de Marcel Kadenski enfant ( Source Yad Vashem)
Rosa Rozenberg, 16 ans, parvient à s’échapper en agrippant instinctivement le bras d’un des deux passeurs qui s’enfuient via le lit d’un cours d’eau, déroutant le flair des chiens. Les recherches pour retrouver la fugitive durent jusqu’à 7h du matin. Les 16 restants sont amenés au poste allemand de Cierp puis internés dans les geôles de la Gestapo de Luchon, puis à Toulouse (prison Saint-Michel puis Caffarelli) avant d’être rapidement transférés à Drancy où ils entrent le 19 juin 1944 avec plus de 100 Juifs arrêtés dans la région de Toulouse.
Marcel et sa mère portent les numéros matricule 24059 et 24060. Dix jours après leur arrivée, le 30 juin, ils sont conduits à la gare de Bobigny avec 1153 internés destinés à être déportés vers le centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. C’est le 76ème convoi de déportés juifs parti de Drancy.
Le voyage qui dure quatre jours, par une chaleur torride, dans ces wagons à bestiaux plombés, dût être particulièrement épuisant pour ce garçon de 11 ans et pour sa mère qui ont assisté quelques jours avant à l’assassinat de leur père et mari. Le 4 juillet, le convoi entre à l’intérieur du camp de Birkenau sur la « rampe d’Auschwitz » où a lieu la sélection. Les travaux de Serge Klarsfeld ont permis d’apprendre que 223 femmes sur 495 et 398 hommes sur 654 sont déclarés « aptes » pour le travail. Ce sont généralement les plus jeunes. Le nombre de déportés désignés pour ce travail d’esclave, plus de la moitié, est beaucoup plus élevé que celui des transports précédents car les camps deviennent, en 1944, un vivier de travailleurs pour l’industrie de guerre. L’autre moitié du convoi, les malades et les enfants, dits « inaptes » au travail, sont gazés dès l’arrivée.
Il est probable que Raymonde Kadenski et Marcel aient été assassinés dans les chambres à gaz du camp de Birkenau dès l’arrivée du convoi, le 4 juin 1944.
Il ne reste aucun survivant de cette famille.
Stèle, « Contre l’oubli » de Saint-Laurent de Neste en hommage aux victimes de la rafle du 3 juin 1944
DAVCC : AC21P 738134- Mémorial de la Shoah-
Ecrit en collaboration avec Sandrine Espouey, documentaliste au Musée de la déportation et de la résistance des Hautes-Pyrénées, 63 rue Georges Lasalle, 65000 Tarbes
Chantal Dossin
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