ROCHWELD Marie, 21 ans en 1944
Marie Ruckfeld s’appelait en fait MINDLA ( Marie en français) ROCHWELD, comme indiqué sur son acte de naissance. Elle est née le 2 septembre 1923 à Grojec, un village situé dans le centre de la Pologne, à environ 40 kilomètres au sud de Varsovie. Son père, Szyja Rochweld, né le 02 mai 1900, à Grojec était cordonnier. Sa mère, Pessa Kuperschmidt était née également à Grojec, le 15 septembre 1899. On ne connaît pas la date de l’arrivée en France de la famille, mais on sait qu‘elle se situe entre 1923, date de naissance de Marie Rochweld en Pologne et 1936, date où la famille est recensée au 33, boulevard de la Villette. Ils font partie de ces nombreux immigrés polonais venus se réfugier en France dans l’entre-deux-guerres, fuyant l’antisémitisme en Pologne et les menaces en Europe de l’Est après l’arrivée au pouvoir des nazis.
Photographie de Pessa Rochweld entourée de ses enfants.
Mindla (Marie), l’aînée, est la fillette située au 1er plan
Cette famille est pourtant rattrapée très tôt par la politique antisémite du gouvernement de Vichy, puisque Eljaz, le frère de Mindla Rochweld ainsi que son fiancé, Maurice Psankiewicz , sont arrêtés lors de la rafle dite du billet vert le 14 mai 1941. Internés aux camps de Pithiviers et de Beaune la Rolande pendant plus d’un an, ils sont déportés par les convois 5 et 6 en juin et juillet 1942 au camp d’Auschwitz sans retour. Maurice est mort au camp le 15 septembre 1942, probablement d’épuisement 3 mois après son arrivée.
Le père de Mindla Rochweld est ensuite arrêté et déporté le 18 septembre 1942 par le convoi 34. Lui est revenu d’Auschwitz en 1945. Il a dit qu’il devait son retour au fait d’être cordonnier, les nazis ayant besoin de lui pour confectionner les bottes des SS. Travail à l’abri du froid, de plus.
En 1944, c’est au tour de Mindla Rochweld d’être arrêtée. Le 11 juin, elle est interpellée dans la rue, boulevard de Ménilmontant par des policiers de la SEC. Cette section d’enquête et de contrôle, créée par le gouvernement de Vichy, est la police du Commissariat général aux questions juives chargée d’appliquer la politique antisémite de l’Etat Français. Elle est constituée de collaborateurs notoires qui travaillent en liaison avec la Gestapo. Ils se rendent dans des quartiers à forte population juive et se livrent à des vérifications, cartes d’identité, port de l’étoile jaune, etc…et trouvent toujours un motif d’arrestation. 21 personnes sont ainsi arrêtées sur la voie publique le 11 juin .Marie Rochweld n’a ni papiers d’identité, elle dit les avoir détruits pour échapper aux lois antisémites, ni étoile jaune. Elle est emmenée au dépôt, prison temporaire de la Préfecture de Police, puis, dès le lendemain, au camp de Drancy. La fiche de son carnet de fouille dit qu’elle remet au chef de la police du camp la somme de 9 francs, puisque chaque interné devait remettre argent et objets de valeur à son arrivée au camp. Son numéro matricule est le 23853. Le 30 juin, elle est conduite à la gare de Bobigny avec 1153 internés destinés à être déportés vers le centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. C’est le 76ème convoi de déportés juifs parti de Drancy.
Le voyage qui dure quatre jours, par une chaleur torride, est particulièrement épuisant pour ces familles entassées dans des wagons à bestiaux plombés. Le 4 juillet, le convoi entre à l’intérieur du camp de Birkenau sur la « rampe d’Auschwitz » où a lieu la sélection. Les travaux de Serge Klarsfeld ont permis d’apprendre que 223 femmes sur 495 et 398 hommes sur 654 sont déclarés « aptes » pour le travail . Ce sont généralement les plus jeunes. Le nombre de déportés désignés pour ce travail d’esclave, plus de la moitié, est beaucoup plus élevé que celui des transports précédents car Les camps deviennent, en 1944, un vivier de travailleurs pour l’industrie de guerre. L’autre moitié du convoi, les malades et les enfants, dits « inaptes » au travail, sont gazés dès l’arrivée
Jeune, Mindla entre au camp de femmes de Birkenau sous le matricule A-8670.Elle survit, avec des « copines »dit-elle , car il était essentiel de ne pas rester seul face aux menaces de tous ordres. Ensuite, elle suit le parcours de nombreuses jeunes femmes de Birkenau, qui sont transférées en novembre 1944 au camp de Bergen Belsen ; puis le 7 février 1945, dans un convoi de 500 femmes elle est transférée au camp de Raghun, un Kommando du camp de Buchenwald. Puis, il semble qu’elle revienne au camp de Bergen-Belsen où elle dit avoir connu Anne Franck et l’avoir vu décéder. Et le 21 mars 1945, on la retrouve encore au camp de Raghun d’où elle est évacuée vers le camp de Terezin en Tchécoslovaquie. Un voyage dantesque qui n’en finit pas, sans nourriture, beaucoup de mortes, selon le témoignage de Ginette Kolinka. Mindla Rochweld figure sur une liste de femmes malades venant de Raghun et se trouvant encore en juin 1945 à Terezin. Elle survit encore, malgré ces épisodes épuisants qui s’enchaînent à partir de février 1945 lorsque les nazis évacuent les camps dans un chaos indescriptible.
Mindla Rochweld est rapatriée en France le 7 juin 1945. Il est noté qu’elle avait d’importants troubles nerveux. Ce que confirme sa famille :« Elle était forte mais était marquée par ce qu’elle avait vécu pendant sa déportation ».
Elle s’est mariée le 20 août 1946 avec Nathan Sosna qui était coiffeur. Fait prisonnier en 1940, il a échappé aux persécutions, mais toute sa famille a disparu en déportation. Ils ont eu deux enfants, Lucien et Gisèle. Et cinq petits-enfants, trois filles et deux garçons.
Nathan Sosna est décédé en 1973, à l’âge de 57 ans.
Mindla Rochweld est décédée le 16 avril 1991.
Rapport d’arrestation de Mina Rochweld établi le 12 juin 1944 par les inspecteurs de police de la SEC
DAVCC Caen- Mémorial de la Shoah.
Témoignages familiaux.
Chantal Dossin
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