Famille FURMAN, Samuel, 47 ans, Vida, 41 ans, André, 10 ans, Lilia, 25 ans, Jacques, 28 ans
Seuls Samuel et Lilia sont survivants
Samuel Furman et son frère Jacques sont nés à Brest-Litovsk, en Russie. La ville est située en Biélorussie aujourd’hui. Samuel est né le 15 septembre 1897, Jacques le 6 septembre 1915. On ne sait pas à quelle date ils sont arrivés en France. Pour Samuel c’est avant 1933, puisque son fils naît cette année-là. Samuel est fourreur, de nationalité polonaise, et Jacques est maroquinier, et a été naturalisé Français en 1939.
Samuel est marié à Vida Tovi, née le 19 mai 1903 à Constantinople, l’actuelle Istanbul. Ils ont un fils, André, né à Paris le 12 avril 1933. Ils habitent au 9 avenue Parmentier, dans le 11ème arrondissement. Jacques Furman est marié à Lilia Bursztyn, née à Varsovie le 22 mai 1905. Sans profession, elle a été également naturalisée française en 1929. Ils habitent au 28 rue Saint-Germain l’Auxerrois dans le 1er arrondissement de Paris. C’est à leur domicile que toute la famille est arrêtée le 30 mai 1944, sur dénonciation. Lilia, dit dans son dossier de déportée avoir appartenu au Front National, une organisation de résistance créée par le Parti communiste, de septembre 1942 à mai 1944, nous ne savons pas si cela est lié ?
Le Kommando de Drancy procède à l’arrestation. Ce Kommando est composé de trois internés viennois du camp de Drancy, Oskar Reich, et ses deux subordonnés, Vielfschtadt, dit Samson et Veschsler. Ils réalisent, sous la direction de deux SS des arrestations dans la capitale. Ils sont chargés de repérer tout Juif en liberté à Paris. Ils sont aussi souvent bien informés des lieux où les trouver, suite à des dénonciations. Les personnes arrêtées sont conduites au camp le jour même, ou le lendemain, sans enregistrement de ces arrestations « sauvages ». Ce jour-là 40 arrestations ont lieu à Paris.
Les fiches du carnet de fouille de Samuel et de Jacques Furman disent qu’ils remettent au chef de la police du camp les sommes respectives de 5643 et de 1281 francs, puisque chaque interné devait remettre argent et objets de valeur à son arrivée au camp. Ils ont les numéros 23490 à 23494. Ils passent 1 mois complet au camp, espérant probablement éviter la déportation, mais le 30 juin, ils sont conduits à la gare de Bobigny avec 1153 internés destinés à être déportés vers le centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. C’est le 76ème convoi de déportés juifs parti de Drancy.
Le voyage qui dure quatre jours, par une chaleur torride, est particulièrement épuisant pour ces familles entassées dans des wagons à bestiaux plombés. Le 4 juillet, le convoi entre à l’intérieur du camp de Birkenau sur la « rampe d’Auschwitz » où a lieu la sélection. Les travaux de Serge Klarsfeld ont permis d’apprendre que 223 femmes sur 495 et 398 hommes sur 654 sont déclarés « aptes » pour le travail . Ce sont généralement les plus jeunes. Le nombre de déportés désignés pour ce travail d’esclave, plus de la moitié, est beaucoup plus élevé que celui des transports précédents car Les camps deviennent, en 1944, un vivier de travailleurs pour l’industrie de guerre. L’autre moitié du convoi, les malades et les enfants, dits « inaptes » au travail, sont gazés dès l’arrivée.
Il semble que toute la famille entre au camp. Plusieurs témoignages, dont celui de Lilia, tante d’André, attestent que Vida et André décèdent au camp le 15 juillet 1945. Étonnant qu’André, âgé de 10 ans soit entré au camp ? Lilia, elle, entre au camp de femmes de Birkenau où elle devient le déporté A 8569. Jacques et Samuel entrent au camp de Monowitz et reçoivent les numéros A-16651 et A-16652.
Les archives nous permettent de retracer leurs parcours.
Lilia reste détenue à Birkenau jusqu’en janvier 1945. Elle est alors évacuée au camp de Bergen-Belsen, au prix probablement d’une de ces marches de la mort qui firent tant de victimes. Peu après, elle fait partie des 500 femmes qui quittent le camp de Bergen Belsen pour Raghun, un Kommando de Buchenwald, le 7 février 1945. Elles arrivent entre le 10 et le 12 février. Dans ce camp, les conditions de vie leur paraissent presque « luxueuses », comparées à celles de Birkenau ou de Bergen-Belsen La plupart travaillent dans une usine fabriquant des pièces d’armes ou d’avions. Mais ce camp est fermé le 10 avril et les femmes qui s’y trouvaient sont évacuées vers le camp de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie. Les déportées gardent un souvenir d’horreur de ce voyage qui dure plus d’une semaine dans des wagons à bestiaux, sans nourriture, alors que ces femmes sont très affaiblies. Beaucoup meurent dans les wagons, souvent atteintes du typhus. Lili Furman a contacté le typhus, mais elle survit. On trouve son nom sur une liste de malades du camp de Theresienstadt qui, en juin 1945, sont convoquées par les autorités de rapatriement à une séance de désinfection. Elle sera rapatriée le 29 juin 1945.
Quant à son mari, Jacques, il a survécu au camp de Monowitz jusqu’à l’évacuation du camp le 18 janvier 1945. il fait partie des 250 à 300 déportés du convoi 76 évacués du camp de Monovitz. Il effectue la première marche de la mort , une marche de 60 kilomètres sur des routes enneigées , en plein hiver, jusqu’à la ville de Gleiwitz, un Kommando du camp d’Auschwitz. Le 20 ou le 21 janvier, 2451 déportés sont entassés dans des wagons à charbon que les hommes rentrés dénommaient « wagons découverts », car sans toit, donc ouverts à tous les vents, à la neige et au froid, sans recevoir de nourriture. La mortalité est effroyable. Un témoignage de Paul Aronivici, rescapé du convoi 76, reproduit ci-dessous, nous apprend que Jacques Furman a été abattu à quelques kilomètres du camp de Buchenwald, où l’on ne trouve pas effectivement trace de son passage, comme c’est le cas pour les 100 déportés du convoi 76 évacués sur Buchenwald.
Samuel Furman reste au camp ainsi qu’une soixantaine de déportés du convoi 76, malades ou n’étant pas en état de marcher, lorsque les nazis évacuent le camp de Monowitz. Ils restent donc à l’infirmerie de Monowitz. Libérés par l’Armée rouge le 27 janvier 1944, les déportés du camp de Monowitz sont installés dans les blocs du camp d’Auschwitz où ils vont être soignés par des médecins et infirmiers de la Croix Rouge polonaise. Il est rapatrié le 14 mai 1945 par Odessa à Marseille.
Photographie de Lilia Furman, non datée
Photographie non datée de Vida Furman
Témoignage de Paul Aronovici auprès de la famille de Jacques Furman, 7 août 1946
DAVCC A21P4522658-452663452656- Mémorial de la Shoah-
Chantal Dossin