Léonie Conqui, 19 ans en 1944
survivante
Léonie Conqui est née à Oran le 18 septembre 1924, dans une famille de Juifs askhénaze qui vivent en Algérie depuis des générations. Ses parents, Rosette Sebban et Messaoud Conqui se sont mariés le 12 décembre 1919 à Oran. Pour des raisons économiques, ils quittent l’Algérie et émigrent en France. Ils habitent au 8 rue Émile Blémont, dans le 18ème arrondissement de Paris. La famille s’agrandit, Léonie aura 6 frères et sœurs. Elle est devenue couturière.
Le 22 juin, alors qu’ elle se trouvait avec son fiancé, Maurice Merda, dans le bar que tenaient ses futurs beaux-parents, rue du Trésor, dans le 4ème arrondissement, la police française vient l’arrêter. Semble-t-il sur dénonciation, puisque sa sœur, présente dans ce café, n’est pas arrêtée. Une personne part immédiatement prévenir sa famille. Ils quittent tous l’appartement de la rue Blémont et évitent ainsi l’arrestation. A partir de ce jour, la famille se cache. Les enfants placés dans des institutions religieuses, le père, chez un ami à la campagne, la mère, lingère dans une institution de Notre Dame de Sion.
Léonie entre le lendemain au camp de Drancy. Elle reçoit le numéro matricule 24409 et la fiche de son carnet de fouille dit qu’elle remet au chef de la police du camp la somme de 13 francs, probablement le peu d’ argent qu’elle avait sur elle au moment de son arrestation. Elle reste une semaine dans le camp, et le 30 juin, elle est conduite à la gare de Bobigny avec 1153 internés destinés à être déportés vers le centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. C’est le 76ème convoi de déportés juifs parti de Drancy.
Le voyage qui dure quatre jours, par une chaleur torride, est particulièrement épuisant pour ces familles entassées dans des wagons à bestiaux plombés. Le 4 juillet, le convoi entre à l’intérieur du camp de Birkenau sur la « rampe d’Auschwitz » où a lieu la sélection. Les travaux de Serge Klarsfeld ont permis d’apprendre que 223 femmes sur 495 et 398 hommes sur 654 sont déclarés « aptes » pour le travail . Ce sont généralement les plus jeunes. Le nombre de déportés désignés pour ce travail d’esclave, plus de la moitié, est beaucoup plus élevé que celui des transports précédents car Les camps deviennent, en 1944, un vivier de travailleurs pour l’industrie de guerre. L’autre moitié du convoi, les malades et les enfants, dits « inaptes » au travail, sont gazés dès l’arrivée.
Léonie Conqui, jeune et en bonne santé entre au camp de femmes de Birkenau. Elle devient le déporté A- 8545. Selon son témoignage, une amie lui permet de travailler au « Canada », un Kommando protecteur, où étaient triées les « affaires » des déportés gazés. Le travail à l’intérieur, la récupération de nourriture y étaient favorables. Cependant, elle n’a pas pu supporter moralement, a-t-elle dit à son retour, d’effectuer ce travail, et est retournée dans son Kommando.
Les archives nous permettent de suivre son parcours. Elle figure tout d’abord dans le Blockbuch de la baraque 22b de ce camp, puis elle est transférée le 18 octobre au block 24, comme la plupart des femmes de cette baraque.
En octobre 1944, elle transférée au camp de Bergen Belsen. Les archives conservent effectivement la trace d’un convoi de 401 femmes qui arrivent d’Auschwitz au camp de Bergen Belsen le 1er novembre 1944.Elles y passent les mois d’hiver, puis, lorsque commencent les évacuations des camps à partir du mois de février, 500 femmes quittent le 7 février 1945 le camp de Bergen Belsen pour Raghun, un Kommando de Buchenwald. Parmi elles, Léonie Conqui. Elles arrivent entre le 10 et le 12 février. Dans ce camp, les conditions de vie leur paraissent presque « luxueuses », comparées à celles de Birkenau ou de Bergen-Belsen La plupart travaillent dans une usine fabriquant des pièces d’armes ou d’avions. Mais ce camp est fermé le 10 avril et les femmes qui s’y trouvaient sont évacuées vers le camp de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie. Les déportées gardent un souvenir d’horreur de ce voyage qui dure plus d’une semaine dans des wagons à bestiaux, sans nourriture, alors que ces femmes sont très affaiblies. Beaucoup meurent dans les wagons, souvent atteintes du typhus.
Léonie Conqui a contacté également le typhus, mais elle survit. On trouve son nom sur une liste de malades du camp de Theresienstadt qui, en juin 1945, sont convoquées par les autorités de rapatriement à une séance de désinfection. Léonie Conqui sera rapatriée le 7 juin 1945.
A son arrivée, elle retrouve Maurice Merda avec lequel elle se marie le 29 septembre 1945. Ils auront un enfant, Jean-Pierre, né le 14 décembre 1946, le père de Dimitri et Gregory Merly.
Léonie est récemment décédée, le 22 mai 2022, à l’hôpital des Invalides à Paris, à l’âge de 97 ans. Un hommage lui a été rendu.
Photographie de Léonie Conqui en 1943
DAVCC Caen- Mémorial de la Shoah- Musée d’Auschwitz
Chantal Dossin