Fernand Weill, 49 ans en 1944
Fernand Weill est né le 8 mars 1895 à Paris dans le 9ème arrondissement. Il est le fils de Charles Weill et de Rosalie Bernard, dont les ancêtres étaient originaires d’Alsace, et s’étaient installés depuis trois générations à Paris. Donc une de ces « vieilles » familles juives bien intégrées. Il s’est marié à Lyon le 27 juillet 1920 avec Eva Gertrude Bloch, fille de Salomon Bloch et de Sarah Trier. Ils ont eu deux enfants, Georges, né le 26 décembre 1922 et Mado, née le 28 mai 1928 . Ils vivaient à Paris où Fernand Weill était représentant de commerce, puis receveur à la RATP de 1924 à 1940.
Fernand Weill avant-guerre, Fonds privé
Le 20 juin 1940, la famille quitte Paris par le dernier train, au moment de l’exode et trouve refuge chez sa belle famille dans le quartier de la Croix Rousse, à Lyon, au 8 rue Diderot. Il est dit dans le dossier de déporté de Fernand Weill, qu’il faisait alors partie du réseau Frédéric, un réseau de renseignements et d’évasion, créé par Henri Manhès. Les archives nous disent qu’il avait le grade de CM3, chargée de mission, et que le grade de sous-lieutenant lui a été attribué à titre posthume après la Libération. Elles nous disent aussi qu’il était auxiliaire d’Etat-major pour la 8ème région de Lyon.
Le 20 mai 1944, il rend visite à son fils Georges qui se cache, pour échapper au STO, à Pont de Beauvoisin, situé à une cinquantaine de kilomètres de Lyon. Georges était moniteur dans une colonie de vacances située près de Pont-de-Beauvoisin dans laquelle il y avait 130 enfants dont des enfants juifs. Il se cachait par ailleurs dans une ferme. L’arrestation de Fernand a lieu alors qu’il déjeune avec son fils, au restaurant de l’hôtel du commerce, place de la République. Georges écrit quelques jours après au frère de son père, David, lui évoquant la « tuile arrivée à Papa, qui était venu me voir, il y a eu une razzia et hop, depuis, pas de nouvelles ». Il semble donc qu’il y ait eu ce jour-là une rafle effectuée par la Gestapo et la milice dans cet hôtel. Grâce à ses faux papiers, établis au nom de Georges Vieux, Georges est relâché. Fernand, en revanche, qui porte le nom juif des Weill, est emmené dans un camion ainsi que deux femmes qui se trouvaient dans cet hôtel, Rita Saltiel et Allegra Scialom. Fernand Weill est interné à la prison de Grenoble, puis transféré le 3 juin au camp de Drancy avec 26 Juifs arrêtés dans la région de Grenoble. Il passe donc près d’1 mois dans ce camp. Deux courriers ont été adressés à sa femme : l’un sur une petite feuille rose où il leur disait, probablement pour les rassurer, que tout allait bien et il souhaitait un bon anniversaire à sa fille qui venait d’avoir 16 ans. Un deuxième leur était adressé la veille de son départ de Drancy, reçu en septembre 1944. Le 30 juin, il est conduit à la gare de Bobigny avec 1153 internés destinés à être déportés vers le centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. C’est le 76ème convoi de déportés juifs parti de Drancy.
Le voyage qui dure quatre jours, par une chaleur torride, est particulièrement épuisant pour ces familles entassées dans un wagon à bestiaux plombé. Le 4 juillet, le convoi entre à l’intérieur du camp de Birkenau sur la « rampe d’Auschwitz » où a lieu la sélection. Les travaux de Serge Klarsfeld ont permis d’apprendre que 223 femmes sur 495 et 398 hommes sur 654 sont déclarés « aptes » pour le travail. Ce sont généralement les plus jeunes. Le nombre de déportés désignés pour ce travail d’esclave, plus de la moitié, est beaucoup plus élevé que celui des transports précédents car les camps deviennent, en 1944, un vivier de travailleurs pour l’industrie de guerre. L’autre moitié du convoi, les malades et les enfants, dits « inaptes » au travail, sont gazés dès l’arrivée.
Je n’ai pas trouvé trace de Fernand Weill au camp d’Auschwitz. Il avait 49 ans. Compte tenu de son âge, Il est possible qu’il ait été désigné pour ce travail d’esclave et n’y ait pas survécu. Il fait partie des disparus de ce convoi.
Sa famille l’a attendu, scrutant les listes de déportés affichés sur les listes du Lutetia. Mais petit à petit, l’espoir s’est amenuisé. Sa femme, Eva, est morte en 1946, emportée par le chagrin et la maladie. Son fils Georges n’a pas quitté le quartier de la Croix Rousse qui les avait si bien accueillis en 1940. Il s’est marié sur le tard et n’a pas eu le courage d’avoir des enfants. Sa fille Mado ne s’est jamais mariée. Elle a été infirmière au service des armées, soignant et réconfortant pendant 40 ans les militaires que la vie avait blessés.
Récit de l’arrestation de Fernand Weill par son fils Georges
DAVCC AC21P549772- Témoignage d’André Weill et témoignages familiaux.
Chantal Dossin
fr Convoi 76 Liste et notices biographiques ?