Famille Eisenberg, Jacques, 42 ans, Feiga, 41 ans, Alfred, 16 ans
Jacques (Jacob) Eisenberg est né le 7 avril 1902 à Krementchouk, en Russie. Une ville située dans la région de Poltava, en Ukraine. Il s’est marié à Paris, à la mairie du 11èm earrondissement, le 24 mai 1924, avec Feiga (Fanny) Burgant, née le 15 février 1903 à Płońsk située à 70 km au Nord-ouest de Varsovie, Pologne. Ils sont arrivés en France probablement au début du siècle. Ils habitaient au 122, rue de Belleville dans le 20ème arrondissement de Paris. Jacob Eisenberg était gérant du personnel d’une entreprise. Ils avaient quatre enfants, Dolly, Suzanne, Liliane et Alfred, né le 7 septembre 1927.
On apprend que Jacques Eisenberg était en relation en 1943 avec les mouvements de résistance du département de l’Isère. Chef du personnel de la poudrerie de Sevran, il envoyait au responsable de Libé-Nord dans cette région de maquis, des « réfractaires qui ont ainsi pu être soustraits à la déportation ». À la fin de l’année 1943, il se réfugie à Sassenage, où il habite avec sa famille rue des Marroniers. Il y poursuit son action, pour le compte de de l’AS (Armée secrète) et des MUR (Mouvements unis de Résistance), et héberge chez lui des résistants et des réfractaires. C’est la raison de son arrestation par la Gestapo et la Milice le 9 juin 1944. Sa femme et son fils sont également arrêtés. Il semble qu’ils aient été dénoncés. Ils sont internés à la prison de Grenoble, puis, dès le lendemain au camp de Drancy avec 35 déportés arrêtés dans la région. La fiche de leur carnet de fouille dit qu’ils remettent au chef de la police du camp 130 francs, et quelques bijoux, puisque chaque interné devait remettre argent et objets de valeur à son arrivée au camp. Le 30 juin, ils sont conduits à la gare de Bobigny avec 1153 internés destinés à être déportés vers le centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau.
C’est le 76ème convoi de déportés juifs parti de Drancy. Le voyage qui dure quatre jours, en plein été, est particulièrement épuisant pour ces familles entassées dans un wagon à bestiaux plombé. Le 4 juillet, le convoi entre à l’intérieur du camp de Birkenau sur la « rampe d’Auschwitz » où a lieu la sélection. Les travaux de Serge Klarsfeld ont permis d’apprendre que , 223 femmes sur 495 et 398 hommes sur 654 sont déclarés « aptes » pour le travail . Ce sont généralement les plus jeunes. Le nombre de déportés désignés pour ce travail d’esclave, plus de la moitié, est beaucoup plus élevé que celui des transports précédents car les camps deviennent, en 1944, un vivier de travailleurs pour l’industrie de guerre. L’autre moitié du convoi, les malades et les enfants, dits « inaptes » au travail, sont gazés dès l’arrivée.
Jacques et Alfred Eisenberg entrent au camp d’Auschwitz III situé à une dizaine de kilomètres d’Auschwitz près du village de Monowitz. Y était installée l’usine surnommée « Buna », d’IG Farben-Industrie destinée à fabriquer du caoutchouc synthétique. Jacques devient le déporté A-16625 et Alfred le déporté A-16623. Il n’a pas été trouvé trace du passage de Feiga Eisenberg au camp de femmes de Birkenau. Elle fait partie des innombrables disparus assassinés ou morts d’épuisement au centre de mise à mort d’ Auschwitz.
Jacques et Alfred Eisenberg survivent jusqu’en janvier 1945. Jacques, affaibli par 6 mois passés au camp n’est pas en état de partir le 18 janvier 1945, lorsque le camp est évacué. Il est laissé au camp de Monowitz. Encore vivant le 26 janvier 1945 à l’arrivée de l’Armée Rouge, il est soigné à l’hôpital installé au camp d’Auschwitz .
Alfred, lui, part sur les routes le 18 janvier. Il effectue la première marche de la mort , une marche de 60 kilomètres sur des routes enneigées , en plein hiver, jusqu’à la ville de Gleiwitz, un Kommando du camp d’Auschwitz. Le 20 ou le 21 janvier, 2451 déportés sont entassés dans des wagons à charbon que les hommes rentrés dénommaient « wagons découverts », car sans toit, donc ouverts à tous les vents, à la neige et au froid, sans recevoir de nourriture. Après six jours de transport, il arrive vivant avec 100 hommes du convoi 76 le 26 janvier 1945 au camp de Buchenwald. Il entre au camp de Buchenwald, Son nouveau numéro est le 123500. Épuise probablement par les marches et trains de la mort, il y décède un mois plus tard, le 8 mars 1945.
Jacques seul survit. Il est rapatrié en France assez tard, le 2 juillet 1945. On apprend par le responsable du service de rapatriement qu’il sert d’interprète aux autorités russes chargées du rapatriement des Français, à partir de Katowice. Il est dit que, « malgré son état de santé précaire, il a jugé de son devoir, dans l’intérêt de tous ses camarades français, de rester ici pour accomplir sa tâche jusqu’au bout ».
Jacques Eisenberg a obtenu en 1963 le titre de déporté résistant.
Dossier de déporté résistant de Jacques Eisenberg
La lettre R en haut à gauche et le tampon Déporté résistant en bas à droite indiquent que ce titre lui a été reconnu par les commissions statuant sur cette attribution
Photographie apposée sur la carte de déporté de Jacques Eisenberg après la guerre
DAVCC, AC21P481762, 641726, 447144- Mémorial de la Shoah-Musée d’Auschwitz.
Chantal Dossin
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