ZYSMAN Abraham, David, dit Edmond, 34 ans, survivant
Edmond Zysman est né le 6 octobre 1919 à Varsovie. Il est le fils de Moszek Zysman et de Ruchla Melzack. Fuyant probablement l’antisémitisme en Pologne, il est arrivé en France dans l’entre-deux-guerre. Il a été naturalisé Français le 18 février 1931. Il est dit comptable ou maroquinier selon les sources et habitait au 21, rue Graffan à Livry-Gargan.
Le 24 janvier 1944, il est arrêté par la police française, à la station de métro ꙿPère Lachaiseꙿ. Un agent de police le fouille et découvre qu’il a sur lui plusieurs fausses cartes d’identité et cartes d’alimentation destinées à des réfractaires du STO. Car Edmond Zysman faisait partie du service des faux-papiers du MLN, Mouvement de Libération Nationale. Il est emmené au poste de police du 11ème arrondissement, puis remis aux ꙿBrigades spécialesꙿ, chargées de traquer communistes, réfractaires au STO, résistants.
Il est détenu à la prison de la Santé pendant 6 mois pour usurpation d’identité et fabrication de faux papiers. Il est jugé le 11 mai 1944 par la 17ème chambre du Tribunal de Paris. A la fin de sa peine, alors qu’il faut remplir les derniers trains de déportés juifs pour Auschwitz, il est envoyé au camp de Drancy le 14 juin 1944.Il y reçoit le numéro matricule A- 23948. La fiche de son carnet de fouille dit qu’il remet au chef de la police du camp la somme de 1106 francs, puisque chaque interné devait remettre argent et objets de valeur à son arrivée au camp. Le 30 juin, il est conduit à la gare de Bobigny avec 1153 internés destinés à être déportés vers le centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. C’est le 76ème convoi de déportés juifs parti de Drancy.
Le voyage qui dure quatre jours, en plein été, est particulièrement épuisant pour ces familles entassées dans un wagon à bestiaux plombé. Le 4 juillet, le convoi entre à l’intérieur du camp de Birkenau sur la « rampe d’Auschwitz » où a lieu la sélection. Les travaux de Serge Klarsfeld ont permis d’apprendre que 223 femmes sur 495 et 398 hommes sur 654 sont déclarés « aptes » pour le travail. Ce sont généralement les plus jeunes. Le nombre de déportés désignés pour ce travail d’esclave, plus de la moitié, est beaucoup plus élevé que celui des transports précédents car les camps deviennent, en 1944, un vivier de travailleurs pour l’industrie de guerre. L’autre moitié du convoi, les malades et les enfants, sont gazés dès l’arrivée.
Edmond Zysman entre au camp d’Auschwitz III situé à une dizaine de kilomètres d’Auschwitz près du village de Monowitz. Y était installée l’usine surnommée « Buna », d’IG Farben-Industrie destinée à fabriquer du caoutchouc synthétique. Il devient le déporté A-16934 et est affecté au Kommando 185.
Edmond Zysman fait un récit très détaillé des premiers jours, dans son témoignage conservé aux Archives nationales :ꙿNous arrivons le 4 juillet à Birkenau. A la descente du train a lieu le tri des ꙿaptesꙿet ’inaptes’. Il est resté 400 aptes sur 1200 ( il se trompe peu, c’est 621 sur 1153). Les 400 sont envoyés immédiatement à Monowitz, à 3 ou 4 kilomètres de là ( un peu plus). Nous sommes dépouillés de tout, immatriculés et tatoués, répartis dans les 53 blocs du camp. Au Kommando 185, on décharge des wagons de chaux vive, de pierres, cassées avec une grosse masse, pour les descendre dans une cave où ils étaient pulvérisés par des machines et transformés en ꙿBunaꙿ, caoutchouc. La chaux brûlait les détenus et la moindre plaie s’infectait." Mais lui survit.
Bien qu’opéré d’un phlegmon à l’hôpital du camp, le 18 janvier 1945, il fait partie des 250 à 300 déportés du convoi 76 évacués du camp de Monovitz. Il effectue la première marche de la mort , une marche de 60 kilomètres sur des routes enneigées, en plein hiver, jusqu’à la ville de Gleiwitz, un Kommando du camp d’Auschwitz. Le 21 janvier, il sont entassés à 130 ou 140 dans un de ces des wagons à charbon, que les hommes rentrés dénommaient « wagons découverts », car sans toit, donc ouverts à tous les vents, à la neige et au froid, sans recevoir de nourriture.
Après huit jours de transport, il arrive vivant au camp de Sachsenhausen, près de Berlin, le 29 janvier, après avoir erré entre la Tchécoslovaquie et l’Autriche. A leur arrivée, les déportés sont parqués dans un hangar pendant huit jours. On leur a finalement donné à manger le 30 janvier. Des Ukrainiens qui avaient été chargés du service d’ordre du camp, les frappaient continuellement.
Le 7 février, ils sont encore emmenés dans des wagons à bestiaux, cette fois fermés, jusqu’au camp de Flossenbürg. Nouveau voyage, qui dure deux jours avec un ravitaillement minimum de pain et margarine. A l’arrivée, ils sont mis en quarantaine dans une grande baraque dans laquelle arrivaient sans arrêt des déportés évacués d’autres camps. « Par un froid terrible, en plein hiver, les SS nous font sortir, une petite veste sur le dos, pour les appels. Il y a une quantité de morts, le typhus se déclare et les déportés valides transportent toute la journée les morts au crématoire. Les restants ont ensuite été répartis dans les Blocks du camp. »
Carte d’arrivée d’Edmond Zysman au camp de Flossenburg, le 6 février 1945
Son parcours à partir d’Auschwitz correspond bien au témoignage d’Edmond
Le 6 mars 1945, 400 hommes, dont Edmond, sont envoyés dans un Kommando qu’il dénomme Tütsing, en Bavière. Nouveau voyage, qui dure 4 jours, très pénible, dit-il, une boule de pain pour 4. Ils sont dans un camp de la Luftwaffe et travaillent près d’un terrain d’aviation. Ils construisent des voies ferrées, puis des fortins. Ils devaient faire 6 kilomètres à pied et ils ramenaient chaque jour 4 à 5 camarades morts d’épuisement. Ils étaient gardés par des soldats de la Wehrmacht.
Les SS et les Kapos sont partis à la fin du mois d’avril. Edmond dit que le curé du village a fait une collecte et porté de la soupe aux malades. Quatre à cinq jours plus tard, les Américains sont arrivés. Les détenus, notamment Français et belges ont été hospitalisés dans un hôpital de la région.
Edmond a été rapatrié, par avion le 16 mai 1945 à Mourmelon. Il a été hospitalisé à Villemain, puis à l’hôpital Bichât.
Le 14 mai 1947, Edmond se marie à Paris, à la mairie du 19ème, avec Kahlo Masza Waksman. Ils ont eu deux enfants Dominique, né le 26 mai 1948 et Mireille, née le 14 août 1953.
Notre quête s’est arrêtée là. Il a sûrement aujourd’hui des petits-enfants qui découvriront peut-être cette notice.
DAVCC AC21P 695162- Archives nationales F/9/5688- Mémorial de la Shoah
Chantal Dossin