Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Mémorial de l’ancienne gare de déportation de Bobigny

À Bobigny : Un mémorial à ciel ouvert
lundi 24 juillet 2023

18 juillet 1943 premier convoi de déportation de juifs depuis la gare de Bobigny,
18 juillet 2023, inauguration d’un mémorial dans l’ancienne gare de Bobigny

À Bobigny : Un mémorial à ciel ouvert

18 juillet 1943 premier convoi de déportation de juifs depuis la gare de Bobigny,
18 juillet 2023, inauguration d’un mémorial dans l’ancienne gare de Bobigny

Stèles des premiers convois, Photo Daniel Aleksandrowicz
  • La gare


    Gare de Bobigny
    Photo Daniel Aleksandrowicz

    Choisie par les nazis pour sa relative discrétion car située en contrebas d’une route, à moins de 3 km du camp de Drancy, la gare de Bobigny alors désaffectée pour les voyageurs, devient, à la place de la gare du Bourget, la gare de déportation des Juifs de France, du 18 juillet 1943 à août 1944. Conduits en autobus jusqu’au pied du train qui les attend devant la halle aux marchandises, 22 500 hommes, femmes et enfants juifs sont emmenés en 21 convois, durant un an, vers les centres de mise à mort (Auschwitz-Birkenau, Kaunas…).

Parmi eux, Alfred et Yvonne Bickart (64 et 56 ans), mes grands-parents, et mon arrière-grand-mère, Babette Blum (90 ans) ; arrêtés le 19 avril 1944 en zone sud, à Cahors où ils étaient réfugiés, internés à la prison Saint-Michel de Toulouse, transférés à Drancy, le 4 mai, déportés par le convoi 74 du 20 mai 1944.








Cette ancienne gare est le seul exemple en France de site ferroviaire ayant servi à la déportation des Juifs encore proche de son état d’origine. Sauvée de la démolition, grâce à un projet piloté par la municipalité de Bobigny avec la SNCF et en partenariat avec plusieurs institutions, ce site mémoriel et pédagogique a été inauguré mardi 18 juillet 2023, pour le 80e anniversaire du départ du premier convoi lors d’une cérémonie belle et émouvante, parfaitement organisée, ponctuée de discours, de témoignages et de morceaux de musique écrits dans les camps, interprétés par l’Ensemble de Musique Incidentale.










  • Parmi les moments émouvants  :
    Les témoignages de Ginette Kolinka (convoi 71) et de Henri Zajdenwergier (convoi 73), déportés depuis la gare de Bobigny. (Ginette qui n’avait pas compris qu’on lui demanderait de témoigner a brillamment et brièvement improvisé un petit discours. Quant à Henri Zaidenwergier, 16 ans lors de sa déportation vers Kaunas, puis l’Estonie, il a dû s’interrompre sous le coup de l’émotion.)
    La lecture par Thierry Lhermitte d’un poème en prose de Benjamin Fondane, déporté également depuis la gare de Bobigny,
    L’intervention poignante de Serge Klarsfeld.
  • De nombreux élus et personnalités étaient présents :
    Des élus

    Abdel Sadi, maire de Bobigny, qui a insisté sur le rôle de ses prédécesseurs pour que ce Mémorial voit le jour,
    Jean-Pierre Farandou, Président-directeur-général de la SNCF, qui est revenu sur la place qu’a tenu ce service public sur le transport de déportés, tout en rappelant que des cheminots ont été résistants,
    Pierre-François Veil, fils de Simone Veil, président de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
    Serge et Beate Klarsfeld
    Patricia Miralles, Secrétaire d’État auprès du ministre des Armées chargée des Anciens Combattants et de la Mémoire.

La réalisation du projet

Il a fallu plus de vingt ans pour faire aboutir ce projet. Le tournant majeur a lieu en 2011 quand la SNCF cède le terrain à la Ville. Un comité de pilotage voit le jour présidé par le maire de Bobigny ; un conseil scientifique présidé par l’historien Denis Peschanski auquel participe Serge Klarsfeld est constitué, puis l’historien Thomas Fontaine devient commissaire de l’exposition de l’ancienne gare de déportation. Des architectes participent bien sûr au projet. Le résultat des travaux d’aménagement est une réussite totale.

  • Un lieu d’évocation en plein air
    Pourtant ce n’est pas un musée mémorial supplémentaire mais un lieu d’évocation de cette histoire par une exposition en plein air. On avance depuis un belvédère aménagé en haut de ce site de 3,5 hectares qui permet d’appréhender l’ensemble.

    Puis on descend par la rampe qu’empruntait chaque autobus emmenant de Drancy une cinquantaine de personnes, soit le « chargement » de chacun des wagons. Sur l’ensemble du site les histoires individuelles se joignent aux explications générales permettant de ressentir et de comprendre la situation particulière de chacun et de la resituer dans l’Histoire, avec des témoignages de déportés sur le moment de leur départ, gravés sur des bancs de bois ou exposés sur le mur extérieur de la halle des marchandises.
75 stèles pour les 75 convois

75 stèles en acier, dressées côte à côte, rappelle les 75 convois de déportation avec, pour chacun, son numéro, sa date, sa destination, le nombre de déportés et le nombre de ceux qui sont entrés dans le camp. Les stèles des premiers convois sont plantées de biais et seules les 21 stèles évoquant les convois partis de Bobigny sont de face.

En haut, le long de l’avenue Henri Barbusse, le site est clos par une très belle clôture à claire-voie en acier et bois qui évoque des rails et des traverses de chemin de fer, et permet au passant de voir l’ensemble du mémorial, une signalétique importante lui expliquant tout du long ce que fut la Shoah et le rôle de ce lieu, l’incitant peut-être à le visiter.

Ce site a vocation à devenir un lieu de mémoire et de réflexion sur la Shoah, sur l’antisémitisme, ouvert à tous et d’abord aux jeunes.

« Mais quand vous foulerez ce bouquet d’orties qui avait été moi, dans un autre siècle, en une histoire qui vous sera périmée, souvenez-vous seulement que j’étais innocent et que, tout comme vous, mortels de ce jour-là, j’avais eu moi aussi, un visage marqué par la colère, par la pitié et la joie, un visage d’homme.  »

Benjamin Fondane, 1942

(Poème en prose gravé sur le belvédère à l’entrée du mémorial)

  • Renseignements pratiques

Depuis le début de l’année le site fonctionne déjà avec des visites individuelles ou collectives, libres ou guidées, des conférences (dans la halle des marchandises), la remise des prix du Concours national de la Résistance et de la Déportation le 25 mai dernier.

Ce Mémorial, dont l’entrée est gratuite, est ouvert du mercredi au dimanche (9h30-12h30 et 14h-17h).

Ancienne Gare de Déportation de Bobigny
151 avenue Henri Barbusse
Tél. : 01 89 57 21 57
Accès station Pablo Picasso, puis direction Saint-Denis, arrêt Escadrille Normandie Niemen depuis la porte de Pantin, direction Bondy, arrêt Gare de grande ceinture
A86 sortie Drancy-Bobigny

Maryvonne Braunschweig
Photos Daniel Aleksandrowicz