Hommage à Robert Badinter
Rendre hommage à Robert Badinter, avocat d’exception, ministre à l’initiative de réformes majeures, c’est aussi rappeler son histoire familiale, son histoire d’enfant né en 1928, d’un père prénommé Samuel/Simon, émigré ayant fui la Bessarabie et les pogroms pour se réfugier en France qui se « confondait avec la République, la révolution de 1789 et l’émancipation des Juifs, les Droits de l’Homme et des écrivains de référence : Victor Hugo (et son plaidoyer contre la peine de mort : Claude Gueux, paru en 1854), et Emile Zola ».
Il fut naturalisé Français en 1928, par la troisième République, Robert Badinter et son frère aîné sont nés Français. Sa mère Charlotte Rosenberg est immigrée des confins de l’empire russe, la Bessarabie yiddishophone. Son père a été spolié de ses biens, et après l’arrestation d’un beau frère et la déportation de sa belle mère « Idiss », octogénaire, sur laquelle son petit fils écrira un beau livre paru en poche en 2019, la famille quitte Paris pour Lyon. Simon Badinter, résistant, y est arrêté le 9 février 1943, rue Ste Catherine, dans les locaux de l’UGIF. Il sera déporté et assassiné dans le centre de mise à mort de Sobibor. Charlotte Badinter et ses fils, avec de faux papiers, gagnent ce qui est encore la zone d’occupation militaire italienne, le village de Cognin, près de Chambéry (Savoie) où ils resteront cachés jusqu’à la Libération, fin 1944.
Leur appartement parisien, rue Raynouard, est occupé par un ancien collaborateur, et ils doivent intenter un procès pour obtenir réparation, ils l’habiteront de nouveau en 1947. Le journal Libération, daté de ce jour, ajoute que devenu sénateur, Robert Badinter est à l’origine, en juin 2000, d’une proposition de loi sur une journée nationale de mémoire des victimes de crimes racistes et antisémites, et d’hommage aux Justes et rappelle qu’il ne demandera rien à titre personnel.
Robert Badinter était une belle figure d’humaniste et de républicain, disant encore « Car la justice, quand il s’agit de crime contre l’humanité, est d’abord la mémoire... », on pourrait peut être ajouter et l’histoire, ou encore « Même s’agissant de crime contre l’humanité, l’humanité doit prévaloir sur le crime »...
Marie -Paule Hervieu, Cercle d’étude.
https://journal.liberation.fr, 10 février 2024