Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Saul Friedländer prononce un discours au Bundestag

A l’occasion de la journée de Commémoration des victimes du national socialisme
jeudi 31 janvier 2019

Saul Friedländer dit le discours au Bundestag le 31 janvier devant le gouvernement, les députés, le président de la République, Frank-Walter Steinmeier et Wolfgang Schäuble, président de l’assemblée.

Jour de Commémoration des victimes du national-socialisme
"Tag des Gedenkens an die Opfer des Nationalsozialismus"

Cérémonie au Bundestag 31 janvier 2019
Discours de Saul Friedländer.
Musique du compositeur tchèque Erwin Schulhoff (1894-1942) et du compositeur autrichien Viktor Ullmann (1898-1944) assassinés à Auschwitz.

Saul Friedländer

Saul, Paul Friedländer est né en 1932 à Prague (prénom Pavel) dans une famille juive germanophone. Ses parents se réfugient en France, en avril 1939, peu après l’occupation de Prague par les Allemands. Ils vivent d’abord à Paris, puis fuient en juin 1940 à Néris-les-Bains, en zone non occupée, près de Vichy.
« L’erreur, c’est d’avoir cru que la France était une terre d’asile » dit Friedländer. Agé de 10 ans, il fut placé sous le nom de Paul Henry Ferland dans un internat catholique, avec l’aide de madame Macé de Lepinay, une élève à qui son père avait donné des cours particuliers à Saint-Gingolph. Sa mère écrit à cette dame : "Si nous devons périr, nous aurons le grand bonheur de savoir que notre enfant chéri est sauvé".

Il parle du rôle de Vichy et l’étonnement d’Hélène Berr qui voit qu’on déporte des enfants, des vieillards malades, elle comprend que ce n’est pas pour travailler, mais elle ne veut pas imaginer le pire.

Ses parents, Jan et Elli, refoulés par la police suisse, en septembre 1942, remis à la police française, sont envoyés au camp de Rivesaltes puis à Drancy, d’où ils sont déportés à Auschwitz dans le transport n°40. Quatre étaient encore en vie sur le millier déporté à Auschwitz à la fin de la guerre.

Saul Friedländer rappelle que dans le discours [1], du 30 janvier 1939, Hitler a dit :
"Wenn es dem internationalen Finanzjudentum in - und außerhalb Europas gelingen sollte, die Völker noch einmal in einen Weltkrieg zu stürzen, dann wird das Ergebnis nicht die Bolschewisierung der Erde und damit der Sieg des Judentums sein, sondern die Vernichtung der jüdischen Rasse in Europa !“

Si les financiers juifs internationaux en Europe et au dehors, réussissent encore une fois à plonger les peuples dans une guerre mondiale, alors, il en résultera, non pas une bolchevisation du globe, et donc la victoire de la Juiverie, mais la destruction de la race juive en Europe !
En 1942-43 des millions d’Allemands ont su que des juifs avaient été assassinés à l’Est.
Belzec, Sobibor, Treblinka, les ghettos.

Les Einsatzgruppen et autres unités ont assassiné en masse dès 1941. Des tsiganes, des homosexuels, des prisonniers de guerre soviétiques ont aussi été des victimes du national-socialisme.

Il conclut : Hans von Dohnanyi, beau frère du pasteur Dietrich Bonhoeffer, en avril 1945, avant d’être exécuté à la question pourquoi il s’était activé dans la résistance, répondit :
“Es war einfach der zwangsläufige Gang eines anständigen Menschen. (C’était tout simplement le comportement obligé d’un homme droit.)

Écouter et voir le discours en allemand

Lire le discours de Saul Friedländer.

Documents sur le Site du Bundestag]

L’Allemagne a changée.
Dans une interview donnée à un journal suisse, Saul Friedländer évoque des cas où il a été blessé, confronté à l’antisémitisme.
Saul Friedländer, interrogé au cours d’un dîner par Ernst Nolte, en 1986, se souvient qu’il voulait savoir s’il y avait un "monde juif" ( Weltjudentum).
« Wussten Sie, Herr Friedländer, dass Kurt Tucholsky in den zwanziger Jahren schrieb, er wünschte sich, dass die deutsche Bourgeoisie den Gastod sterben würde ? » (Saviez-vous, M. Friedländer, que Kurt Tucholsky avait écrit dans les années vingt qu’il souhaitait que la bourgeoisie allemande meure gazée ? ) Neue Zürcher Zeitung. Nolte osait citer des paroles de néonazis [2].

Prix de la paix des libraires allemands, 2007

L’historien Saul Friedländer a reçu le 14 octobre 2007, à Francfort, le Prix de la paix des libraires allemands, accordé au "conteur épique de l’histoire de la Shoah, de la persécution et de la destruction des Juifs à l’époque de la terreur nazie en Europe". En présence du président allemand Horst Köhler, Saul Friedländer avait lu des passages des dernières lettres écrites en 1942 par ses parents et par sa famille.

Saul Friedländer vit entre Israël et les États-Unis.
L’Allemagne nazie et les Juifs, "Années de persécution" (1933-1939), Seuil, 1997
Les Années d’extermination" (1939-1945, 2008.
Dans son approche chronologique en trois parties, la terreur, le meurtre de masse, la Shoah, il étudie les étapes de la mise à mort des juifs, rythmées par les discours de Hitler, de Goebbels ou de Himmler, de plus en plus virulents contre les juifs. Il fait la synthèse d’ouvrages d’historiens et de diaristes dont il utilise de nombreux extraits.
Il montre que l’antisémitisme obsessionnel de Hitler trouve un écho favorable en Europe. L’élimination de masse des juifs suppose la complicité de forces politiques et de collaborateurs locaux. Des informations sur le massacre des juifs se répandent très vite. Il date la décision de l’extermination des juifs au 12 décembre 1941, (journal de Goebbels). Il dénonce l’indifférence des peuples, des Eglises, le silence du Vatican, l’aveuglement des Conseils juifs, l’absence de solidarité des juifs de Palestine.

  • Margot Friedländer, centenaire et survivante de l’Holocauste, recevra le 25 mai le titre de docteur honoris causa de l’Université libre de Berlin, département d’histoire et de sciences culturelles.
    Zeitzeugin der Verfolgung Margot Friedländer, 100 ans. Née en 1921 à Berlin, Margot Friedländer a vécu dans la clandestinité à Berlin pendant la période nazie et a survécu au camp de concentration de Theresienstadt. En 1946, elle a émigré à New York, puis est retournée à Berlin en 2010. Depuis, elle intervient dans les écoles en tant que témoin de l’époque.

https://www.juedische-allgemeine.de/unsere-woche/ehrendoktorwuerde-fuer-margot-friedlaender/
FRIEDLÄNDER Saul, Quand vient le souvenir, Paris, éd. du Seuil, 1978, 170 p.
FRIEDLÄNDER Saul, L’Allemagne nazie et les Juifs. 1. Les années de persécution (1933-1939), Editions du Seuil, Paris, 1997
FRIEDLÄNDER Saul, Les années d’extermination. L’Allemagne nazie et les juifs, 1939-1945, t..2., Seuil, 2008
FRIEDLÄNDER Saul, Pie XII et le IIIe Reich, Documents, Éditions du Seuil, Paris, 1964, 236 p., rééd. mars 2010, augmentée d’une postface (Pie XII et l’Holocauste. Un réexamen).
FRIEDLÄNDER Saul, Où mène le souvenir. Ma vie, Paris, éd. du Seuil, 2016, 352 p.

Les discours des invités du Bundestag depuis 1996 :
https://www.bundestag.de/parlament/geschichte/gastredner_27_januar/200666
NM

[2Saul Friedländer : « Früher hatte ich Panikattacken, wenn ich nach Deutschland kam », 7.2.2019