Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Chronique maladroite d’un candide, 1943-1945 - "KL Auschwitz 145808", Maxime Antelin

Maxime ANTELIN, Paris, La Société des Écrivains, 2005
samedi 20 juin 2009

lecture par Maryvonne Braunschweig, professeure d’histoire

Maxime Antelin, Chronique maladroite d’un candide-1943-1945," KL Auschwitz 145 808"

Voici un de ces indispensables témoignages de déportés, qui va permettre de garder la mémoire précieuse des rescapés d’Auschwitz.
Dans un petit opuscule d’à peine cent pages, Maxime Antelin met enfin par écrit son témoignage, si souvent entendu oralement, puisqu’il a très tôt, et pendant longtemps, accompagné les voyages à Auschwitz des parents et amis des disparus.
Maxime Antelin (alors Antkewicz) est arrêté par la police allemande à Lyon alors qu’il transporte "innocemment" un poste émetteur dans une valise. Il a seulement 18 ans et beaucoup de naïveté. Interné à la prison Montluc, il est brutalisé pendant douze jours par le SD. Menacé d’être fusillé, il se déclare juif ce qui lui vaut d’être transféré à Drancy puis déporté à Auschwitz par le convoi 59 (du 2 septembre 1943).

A l’arrivée c’est la sélection. Il entre en quarantaine au camp de Birkenau où il subit le dressage et l’apprentissage dantesques. Puis il se déclare métallurgiste bien que n’ayant jamais travaillé en usine, cela le sauve. Il est envoyé à Schwientochlowice, petit camp de dix baraques, annexe d’Auschwitz, proche d’une usine d’armement. La vie y est plutôt moins dure ... pour le temps passé à l’usine. Par contre bien des moments terribles constellent la vie au camp. Ainsi cet appel où ses talents d’amuseur et de chanteur lui valent une nuit debout au pied d’un mirador, sur un tabouret à chanter sans arrêt entre les deux rangées de barbelés électrifiés avec risque de tomber épuisé sur ces derniers.

Vient l’évacuation du camp avec la marche épuisante à pied, puis en train, la fuite avec un copain lors d’un arrêt. Finalement repris, il arrive à Mauthausen. La brutalité qui règne dans ce camp est semblable à celle de Birkenau. Après quelques jours, il est transféré à Gusen et se retrouve fraiseur au Kommando de l’usine Steyer qui fabrique des mitraillettes. Le 5 avril 1945 encore, il participe à une sélection à laquelle il échappe. Durant les cinq derniers jours, début mai 1945, le travail continue et il est affecté à l’équipe de nuit où il se trouve posté à côté de cette figure lumineuse, le Père Jacques, qui le soutient dans ces derniers moments de captivité.

La libération avec l’arrivée des Américains a enfin lieu le 5 mai. Hospitalisé à Linz, il se rétablit suffisamment vite pour revenir en France avec un camion de la 2e DB. Si Maxime se contente de terminer son récit de déportation en forme de boutade : "Je suis parti dans un autobus, je suis revenu dans un autobus. La suite est une autre histoire", il conclut quand même en rappelant qu’il est retourné à Auschwitz pour accompagner des parents et amis de déportés après 1950.

Dans ce récit spontané, on retrouve les constantes de tous les témoignages : faim, brutalité, déshumanisation, humiliation. Mais son originalité vient de son caractère impressionniste où les anecdotes se succèdent suscitant une émotion, juste tempérée par des pointes d’humour, de dérision, comme dans le récit de l’appel rappelé plus haut. A la différence de la plupart des autres témoins, Maxime ne s’étend pas sur l’avant ou sur l’après : ni sa famille, ni ses activités, son sujet c’est la déportation. Que nous apprend ce témoignage ? Les scènes épouvantables de l’arrivée où des chiens sont lâchés sur des personnes âgées ; la description et l’usage du gummi, la matraque faite en câble électrique ; l’épisode du jeûne de Yom Kippour 1944 où le juif incroyant qu’est Maxime – comme la majorité des juifs venus de France, nous dit-il – est bouleversé de voir des juifs pratiquants, ayant attendu vingt-quatre heures pour manger leurs rations, privés par les SS avec cynisme de celle du lendemain ; la connaissance de l’être humain, avec ses forces et ses faiblesses avec d’une part des caractères d’exception comme cet officier soviétique et ses camarades, pendus avec panache après leur tentative d’évasion et d’autre part l’avilissement de certains. Maxime rend aussi hommage aux résistants communistes français qui arrivent bien après lui, transférés d’autres camps à Auschwitz, et qui cherchent à organiser la solidarité, il écrit à ce propos : "J’ai pris conscience qu’un idéal pouvait aider les hommes."

On y apprend aussi que dans certains Kommandos, celui de Schwientochlowice en tout cas, le contact avec des civils de différentes nationalités était suffisamment important - quoiqu’interdit, bien sûr – pour qu’il y ait eu, par leur intermédiaire, échange avec les familles encore en France. Maxime en apporte la preuve en reproduisant en annexe deux de ces cartes datées, adressées par un STO à la famille lyonnaise d’un déporté.

Pour finir signalons que le titre correspond exactement au contenu de l’ouvrage où tout du long, Maxime apparaît comme un jeune naïf qui échappe au pire presque par hasard. On peut simplement regretter, mais ce n’est pas du fait de l’auteur, une certaine négligence dans l’édition ; reste que l’important c’est l’existence de cette chronique. Et puisque j’ai personnellement à deux reprises participé à un voyage à Auschwitz guidé par Maxime, je peux dire que j’y ai parfaitement retrouvé le témoin que nous avions tous écouté avec passion, tout à la fois bouleversant et plein de gouaille.

ANTELIN Maxime, Chronique maladroite d’un candide- 1943-1945 - "KL Auschwitz 145808", Paris, La Société des Écrivains, 2005, 97 p.


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