Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah

Stanislas Tomkiewicz, du ghetto de Varsovie à Bergen-Belsen

samedi 27 septembre 2014

Stanislas Tomkiewicz est né à Varsovie en 1925, mort à Paris en 2003.
« On a toujours une adolescence, bien sûr ; disons que la mienne, entre les murs rouges du ghetto de Varsovie et les barbelés de Bergen-Belsen, n’a pas été tout à fait normale ».

Du ghetto de Varsovie, Stanislas Tomkiewitz est déporté commme juif d’échange à Bergen-Belsen, grâce à des vrais-faux papiers sud- américainsConférence et Passeports pour Vittel, film documentaire sur le camp de Vittel, de Joëlle Novic en août 1944. Libéré par les Américains, il devient médecin pédiatre et psychiatre en France après la guerre.

Témoignage de Stanislas Tomkiewitz sur la vie culturelle et scientifique dans le ghetto de Varsovie

mur du ghetto de Varsovie

Dans la résistance il y avait très peu d’actifs, 2 à 3 %, de la collaboration, et des gens qui meurent de faim, alors comment garder la vie et les valeurs ?
Le ghetto fut créé 16 octobre 1940 et dura jusqu’au 16 mai 1943.
Il comprenait 300.000 personnes à la création, 500.000 plus tard, en 1942, avec des petits ghettos…C’était la mort lente, la faim, le typhus, les assassinats directs, l’extermination, la honte.
Le 22 juillet 1942, parut le décret sur la Déportation : en moyenne 6.000 à 10.000 personnes sont déportées à Maïdanek et Treblinka, par trains entiers, les pauvres, les faibles, les vieux, disparaissent. Les trois quarts du ghetto sont déportés vers Treblinka.
Dans une troisième période, éclate la Grande Insurrection du 19 avril 1943 au 16 mai 1943 après une tentative d’insurrection en janvier.
Il était du milieu bourgeois du ghetto. Jusqu’au 22 juin, il a vécu dans son appartement à vingt personnes au lieu de cinq, puis c’est le début de l’errance.
Une vie culturelle s’organise. L’enseignement est interdit sous peine de mort : les Polonais ont droit à l’enseignement primaire, les juifs, rien. Des écoles, des jardins d’enfants sont fermés. Des cours clandestins se donnaient à une large échelle. Il a été à l’école polonaise mixte catholico-juive, puis avec le ghetto fermé, il n’a été ensuite qu’à l’école juive. Il y avait aussi un enseignement universitaire semi-clandestin. Même une faculté de médecine. Il a été à « L’école des infirmiers des brigades anti-typhus de chasse à poux », une école de première année de médecine, de très haut niveau, où les professeurs faisaient des travaux pratiques et à 15 ans, il faisait des autopsies. Il y avait aussi une école de chimie.
Il y avait une recherche scientifique, une recherche médicale. Ils ont écrit sur la maladie des farines. Il y avait une recherche historique. Il y avait des bibliothèques jusqu’en 1942. Il lisait Zola, Céline, Anatole France. Cela lui a donné le goût de la France.

Il y avait de la poésie, des chants du ghetto, un café-concert, on y allait en famille. (Le film de Wajda, Korczak est un film faux). Il y avait un cinéma, non clandestin, une équipe de cinéma, de la danse, de la musique. La soif de culture était forte au ghetto, mais la vie culturelle n’a pas tenu devant l’extermination.
A 7 ou 8 heures, c’était le couvre-feu. Dans les maisons, la vie culturelle existait. D’un appartement à l’autre, on faisait des représentations théâtrales, de la danse, des pièces, des concerts, puis des collectes pour l’orphelinat de Korczak.
A côté de la résistance héroïque, il y avait une résistance passive, idéologique et spirituelle.
Témoignages sur les Ghettos

Au retour des camps, accueilli en France, Stanislas Tomkiewicz dresse un réquisitoire très dur de la Salpêtrière  :

Je me rappelle encore le déroulement des visites, c’était une vraie dérision : les médecins s’arrêtaient moins d’une minute devant chaque lit ; ‘’Ca va ? Ca va ? Ca va ?’’ Et quand quelqu’un mourait, on le recouvrait d’un drap ; c’était tout. Des déportés, ils auraient pu en sauver des dizaines, peut-être même plus, et ils les laissaient tout bonnement mourir. Il y avait à cela deux raisons : d’une part, ils pensaient ne pas savoir les soigner, ils se disaient : ‘’C’est au-dessus de nos forces, on n’est pas faits pour soigner des trucs pareils’’ […]. Mais il y avait une deuxième raison, très nette, et qui m’a été confirmée bien plus tard par des infirmiers cégétistes de la Salpêtrière : les médecins, plutôt pétainistes, n’avaient pas envie de soigner ces Juifs, ces communistes, cette racaille venue des camps.

Moi, j’étais sans attaches, j’étais à la Salpêtrière et je me promenais d’une salle à l’autre, gonflé d’orgueil, rempli de crainte, me répétant : ‘’Je n’ai besoin de personne, personne n’a besoin de moi, je ne dois rien, je n’ai pas de dettes, je n’ai pas peur. Sous mes paupières, il y a tant de morts que les trois, quatre morts par jour d’ici me laissent froid, insensible, indifférent.’’
II. Les premiers moments à l’arrivée, CNRD 2015

A propos de l’eugénisme
Stanislas Tomkiewicz, médecin-psychiatre en France après la guerre, posa des problèmes moraux tel que celui-ci : peut-on utiliser les résultats d’expériences immondes, mais sérieuses, comme celles entreprises à Dachau sur le grand froid ? Stanislas Tomkiewicz a aussi apporté son sentiment concernant des affaires d’actualité : projet, en France, de loi sur l’autorisation de stérilisation volontaire et décision de la cour de cassation concernant le cas d’un jeune homme très lourdement handicapé à la suite d’une erreur de diagnostic du laboratoire concernant la rubéole pendant la grossesse de sa mère et l’affirmation de cette cour disant que « la vie de ce jeune homme est pire que la mort qu’il aurait subie en tant que fœtus ».
De l’eugénisme à la Shoah

L’engagement
« J’avais noué très rapidement des liens fraternels avec des communistes espagnols et des anciens des Brigades internationales. Ce sont eux qui m’ont amené, très vite, à m’inscrire au parti communiste, et le Parti est devenu, pour ainsi dire, ma première famille en France. »
V. Des décennies après, quels bilans ? CNRD 2015
« Militant engagé au PCF jusqu’en 1970, il va soutenir le combat des Algériens du FLN puis de tous les ’damnés de la terre’ y compris du peuple palestinien ».

On l’appelait Tom , film de Daniel Kupferstein, 88 min, 2011
TOMKIEWICZ Stanislas, L’adolescence volée, le passé recomposé, Calman-Lévy, 1999, Hachette littératures, coll. Pluriel, 2001
TOMKIEWICZ Stanislas, C’est la lutte finale etc., La Martinière, 2003, 299 p.
TOMKIEWICZ Stanislas, VIVET Pascal, Aimer mal, châtier bien, Seuil, 1991

Marek Edelman et le soulèvement du ghetto de Varsovie
La « violence institutionnelle", master2 :
http://dune.univ-angers.fr/fichiers/20092151/20142MHD3136/fichier/3136F.pdf

http://gerflint.fr/Base/Pologne_SP2011/ladsous.pdf
NM


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